Depuis quelque temps, les grandes enseignes de la distribution séparent la culture des artichauts, et quand je dis culture, c'est assez large : livres, BD, hi-fi, matos informatique, etc. C'est dans ces fourre-tout réservés aux gens qui peuvent se payer un peu plus que leur pain quotidien en promo que je me dirige parfois dans le fol espoir d'y trouver un manga autre que One Piece ou un magazine qui ne soit pas porno. C'est là aussi que, tel le téléspectateur à qui l'on demande de ne pas régler son poste, il m'arrive de pénétrer dans la quatrième dimension du monde vidéoludique : le rayon des jeux vidéo.

Mère-grand, comme vos jeux sont beaux !

Habilement rangé n'importe comment et proposant les dernières nouveautés de 2008, le rayon jeux vidéo des supermarchés est un endroit hostile et sinistre, non seulement pour le néophyte total en plaisirs virtuels, comme votre grand-mère ou le cousin Serge qui ne touche à un pad que pour Pro Evolution Soccer, mais aussi et surtout pour les amateurs éclairés et les professionnels comme vous et moi. Pour le premier type de client, le rayon jeu vidéo est un prédateur, tentant d'écouler des produits inavouables. Une attaque inefficace contre des gens informés ! Ceux-là, l'ignoble étagère vidéoludique cherche tout simplement à les éliminer. C'est pourquoi vous trouvez toujours quelques gros hits bien en vue : WoW Cataclysm par exemple, ou le dernier Call of Duty. Le gamer normal a forcément l'oeil attiré par ces valeurs sûres et s'approche en confiance. Et là c'est le drame.

Another World

Commencer à étudier le rayon jeu vidéo d'un supermarché, c'est comme ouvrir le tiroir de la table de nuit de votre mère pour y chercher un truc anodin et tomber sur quelque chose que vous n'auriez jamais dû voir. Vous ne pourrez jamais oublier. Et je ne parle pas seulement des produits à licence vite faits, bien (?) faits, et étalés là en pâture aux parents accompagnés de jeunes enfants. Ces derniers ne manquant pas de repérer aussitôt, avec leur radar de nains consuméristes gavés de pubs sur Gulli, le dernier jeu Hello Kitty, Pet shop ou Ben10. Pour être honnête, on voit parfois de bons titres dans cette catégorie. En revanche, on se crispe trouvant des boîtes à 30 euros renfermant des logiciels (je n'ose même plus appeler ça des jeux) qui ne se vendraient pas pour 2,99 euros dans Steam.

Je vais me faire des potes

Prenez World of Chaos par exemple, avec sa tête d'orc en 3D de l'année 2005. Il n'y a bien que Jeuxvidéo.com pour avoir testé cette bouse à 4/20 (une note d'habitude bannie du site). Cette daube ne peut se vendre qu'à des mamies ayant vaguement entendu parler d'un World of machin, que le petit voudrait absolument pour Noël. Imaginez la tronche de Kevin en déballant son cadeau. Mais qui sont les studios qui osent encore sortir des trucs pareils ? Les éditeurs, on en connaît un, c'est Anuman Interactive. Ils avaient envoyé quatre preview chez Joystick à une époque, l'accueil avait été corsé, on n'avait plus rien reçu d'eux ensuite. Ils éditent surtout des softs de loisirs, d'architecture et parfois un jeu qui a peut-être été rejeté par Valve, genre Twin Sector, ou Filière Bois Simulator (je n'invente rien). En même temps, s'ils continuent, c'est que ça doit se vendre. À qui et en quelle quantité ? Mystère.

Finish him !

À ce point-là, le gamer est étourdi, voire nauséeux. Planté devant le rayon jeux vidéo depuis cinq minutes et ayant l'air d'un junkie en plein bad trip, il attire l'attention des vigiles qui jouent à Street Fighter IV pendant les pauses et qui rêvent de placer certains combos pour de vrai. Le gamer est sorti violemment à coups de Tiger Punch de l'espace culturel du supermarché, et du supermarché lui-même, et du parking du supermarché. La leçon est bien apprise, il ne mettra plus les pieds au rayon jeux vidéo. Ni au supermarché. Il lira Gameblog tous les jours et achètera ses jeux sur notre boutique Amazon. OK, j'en fais un peu trop. Après tout, dans mon Leclerc pourri de Gennevilliers, toutes les télés sont branchées sur Machinima.com. Il y a geekerie sous roche... Et encore un espoir pour ce lieu de perdition.

C'est tout de même perturbant de découvrir près de chez soi des pans entier du jeu vidéo (ou approchant) que l'on connaît à peine et qui se passent bien des services des sites spécialisés (qui ne leur en rendraient surement pas d'ailleurs). Le jeu vidéo en tant que bien de consommation devient de plus en plus varié, avec son lot d'arnaques inévitable ou ses cibles qui ne savent pas ce que veut dire "gamer". Mieux vaut ne pas trop approcher de ces trucs bizarres...