Au Japon, dans un premier temps, il s'agit de proposer nombre de stages ou de tips au fil d'un certain nombre de mois ou de semaines précédant le lancement d'un jeu. Puis on se concentre généralement sur la réalisation d'un guide sous forme de livre appelé "Kouryakubon", qui, cette fois, accompagne la sortie du jeu.


Les livres du genre existent sous toutes les formes et pour tous les jeux (ci-dessus, un volume dédié à Super Mario World).

On trouve des Kouryakubon pour tous les jeux ou presque. Ils accompagnent la sortie des titres japonais majeurs bien sûr, mais aussi ceux qui sont beaucoup moins populaires localement mais célèbres à l'étranger. Un jeu comme Halo ODST a eu le sien par exemple, alors que le FPS n'est pas vraiment un genre populaire ici - et encore moins pour ODST que pour Halo 3. Bref, c'est comme si avoir son Kouryakubon donnait une certaine légitimité à un titre au Japon, un passe pour entrer dans le cercle des licences majeures. C'est aussi un moyen pour un magazine de viser un marché de niche avec une évaluation stricte des ventes potentielles et la fixation du prix en conséquence...

On en vient donc au prix d'un Kouryakubon... Plus le jeu est "de niche" (c'est à dire visant un public spécifique, pointu et réduit), plus le Koryakubon coûte cher. À titre d'exemple, et pour en revenir à ODST, il en coûte 2.000 yens (environ 16 euros) pour 127 pages. Le prix moyen est en général compris entre 1.000 et 2.000 yens (entre 8 et 16 euros, donc).

Certes, les fans trouvent leur compte dans un Kouryakubon avec sa large pagination, ses tonnes de tableaux complets, etc. Le confort et le plaisir d'avoir ce genre d'informations à ses côtés pendant qu'on joue est tout à fait compréhensible.

La véritable dérive, c'est qu'aujourd'hui on nous sort des Kouryakubon en kit, avec un pré-guide qui précède de quelques mois le véritable Kouryakubon contenant les éléments essentiels (stratégies, tips, maps, localisation de chaque item...), parfois lui-même divisé en plusieurs volumes. Et là on ne peut s'empêcher de penser qu'on a atteint une certaine limite...

Vous êtes fans de Dragon Quest IX ?

  • Jeu : 5980 yens
  • DQIX Player's Guide : 1 143 yens (pré Koryakubon)
  • DQIX Official Guide Book 1 : 1 470 yens (première moitié du jeu)
  • DQIX Official Guide Book 2 : 1 575 yens (seconde moitié du jeu)

Total : 10.168 yens (environ 81 euros).

Vous êtes fans de Final Fantasy XIII ?

  • Jeu : 9 240 yens
  • FFXIII BattleUltimate : 1 680 yens
  • FFXIII Scenario Ultimate : 1 575 yens
  • FFXIII Episode Zero - Promise : 1 470 yens (explique pourquoi Lightning est dans le tain du début + l'histoire de chacun)

Total : 13.965 yens (environ 111 euros).

Avec un marché potentiellement aussi profitable, on se bastonne en coulisse. Une publication majeure peut obtenir une exclusivité temporaire pour les titres les plus importants. Quand ce n'est pas une exclusivité totale.

Mais voilà : certains groupes de jeu vidéo importants ont rapidement compris l'importance des stratégies de synergie, et une société aussi majeure que Square Enix a son propre pôle d'édition de manga, GANGAN. Aussi, la tentation est de plus en plus grande d'éditer soi-même ses guides. Alors ça négocie à droite et à gauche entre les magazines et les sociétés de jeu vidéo, pour se disputer une licence, s'assurer une part du marché, ou conserver un nom dans le quotidien des joueurs japonais.

Mais c'est en parlant avec les rares joueurs japonais sur Xbox 360 - ou juste aux habitués du net - qu'on comprend que tout cela a presque une génération de retard. Depuis Call of Duty 4 : Modern Warfare ou même Halo 3, ces derniers ont bien compris l'importance des guides vidéo sur YouTube, gratuits, bien montés et plutôt clairs.

Acheter un Kouryakubon (donc papier) pour ODST (un FPS), c'est juste un non sens quand on nous explique chaque stratégie, vidéo à l'appui sur le net, et pour le prix extraordinaire de... 0 yens. Bien sûr, il existe au Japon des sites spécialisés, souvent des sites de fans d'un genre ou d'un jeu bien précis. Mais ils se contentent souvent du texte brut...

Des soluces ponctuelles en vidéo peuvent être trouvées au Japon, sur YouTube ou NikoNiko, mais on est encore bien loin de ce qui se passe aux Etats-Unis. Si les jeux étrangers sont effectivement appelés à devenir majeurs sur le marché japonais, il serait grand temps pour le Japon de s'intéresser à ce qui se passe de l'autre côté du Pacifique, de faire enfin le grand pas Internet, qui tarde toujours...

Christophe Kagotani

Christophe Kagotani

Japonais ou français, comme ça l'arrange, le Kago (comme on l'appelle) est correspondant permanent pour le magazine anglais EDGE depuis pas loin de 10 ans. Il a néanmoins débuté aux mêmes fonctions dans le magazine Joypad, pour un échange de légende qui l'a ensuite emmené chez Consoles+ "tu le crois ça ?" magazine (© AHL, 1798).

Ecrivant également pour la presse locale nipponne, il a évolué vers un rôle d'analyste et d'homme à tout faire dans le monde du jeu vidéo japonais.