Il y a de cela quelques années, il était encore impensable que des jeux vidéo envahissent en 4x3 nos mornes couloirs de métro, nous martèlent de spots durant ces "temps de cerveau disponibles" voire imposent un diktat vestimentaire qui aujourd'hui (lunettes et chemise à carreaux obligent) fait autorité.

Il était un temps où les buralistes dévisageaient ces enfants et adolescents feuilletant compulsivement des pages illustrées de magazines, auxquels des lignes de codes mystérieux à base de triangles, de L1 et de flèches se substituaient aux mots de la langue française. Un temps où les sexagénaires n'envisageaient pas d'entretenir leur mémoire en compagnie du Dr Kawashima et où le père Noël ne recevait pas des lettres remplies de collages estampillés Sony. Internet n'était alors que balbutiements, il n'était pas hype de rouler en motocyclette, et les saisons n'avaient pas encore disparu.

Aujourd'hui, les jeux vidéo sont rentrés dans les moeurs et les foyers, cependant ce domaine peine encore à s'imposer auprès des médias en tant qu'activité culturelle à part entière. Comme si Mario ne parvenait pas à s'extirper de sa condition de plombier.

D'un côté, le jeu est passé des mains d'une poignée de passionnés à une majorité de personnes désirant sans doute s'évader autrement, et évoluer avec son temps. Une majorité éclectique qui au lieu de se considérer dans son unité, semblerait se diviser en fonction de facteurs tels que le sexe, la fréquence de jeu, mais surtout la bonne connaissance des codes régissant sa communauté : langage, expressions, abréviations, histoire de séries et plateformes associées.

De l'autre, on assiste à un soudain réveil de la part des médias et émissions grand public pour "l'avènement commercial du XXIème siècle"... mais qui ne convainc pas. Nul besoin de remonter bien loin, il suffit d'évoquer Heavy Rain dont la présentation avait eu lieu sur les Champs Élysées en début d'année. Budget pharaonique, acteurs motion-capturés élevés au rang de stars, invités de tous horizons professionnels se voyant offrir des PS3 mais surtout : couverture médiatique frôlant la démesure. Un étonnant ballet lors duquel TF1 et BFMTV valsaient de manière décomplexée avec les chaînes spécialisées pour décrocher le meilleur sujet sur les QTE de la rentrée... Et puis pour le coup, trois initiales c'est encore gérable niveau prononciation non ?

Le marché du divertissement virtuel se serait-il imposé finalement comme manifestation culturelle à part entière, ou doit-on y voir une récupération maladroite, frôlant plus la vulgarisation que la reconnaissance d'un art méprisé durant des décennies ?

Why so serious ?

À l'instar de la boulette ultra médiatisée de Nathanaël de Rincquesen dans l'émission Télématin faisant de 'Meuporg' la nouvelle IT-private joke de tout joueur connecté, les codes régissant l'univers des jeux vidéo demeurent tristement, pour nombre de journalistes et chroniqueurs, des notions barbares débarquées d'un univers parallèle, auxquels quiconque s'y frottant... s'y pique.

Je vis avec la conviction utopique qu'un jour les MMORPG et autres jeux ne seront plus mis au pilori par une ministre inquiète de la santé mentale de jeunes joueurs, ni élevés au rang de domaine élitiste réservé à des joueurs et joueuses qui se doivent d'être hardcore gameurs et historiens aguerris pour prétendre à quelque légitimité.

Restons légers. Je n'ai aucune solution à proposer mais je garde l'intuition qu'Alexandra Ledermann a, après tout, elle aussi sa place sur les étagères des établissements spécialisés. D'ailleurs, sans doute devrais-je essayer de m'y mettre, il paraîtrait que voler des voitures et foncer tronçonneuse en mains sur un zombie sont des activités malsaines.

La différence étant que le jour où les morts-vivants envahiront la Terre, moi au moins, je serai prête.

Salomé Lagresle

Bloggeuse jeux vidéo et gameuse irréversible, Salomé, jeune fille sage de 22 ans, reste néanmoins la femme d'un seul homme : Snake. Collectionnant les jeux Ken le survivant et les pistolets en plastique, cette étudiante en communication expose, parfois même en chanson, ses humeurs et aventures quotidiennes sur son site coloré : Junkflood