epuis près de cinq ans, il y a un terme régulièrement utilisé au Japon qui devient de plus en plus tendance dans le monde magique du jeu vidéo nippon. Mais force est de constater qu'il est de plus en plus utilisé à tort et à travers, comme la raison miracle qui expliquerait tous les maux d'une industrie à la peine...

es Galápagos, de petites îles perdues dans le Pacifique, appartenant au Chili. C'est là que Darwin a vu l'une des illustrations flagrantes de sa théorie sur l'évolution. Un environnement coupé du monde qui a suivi sa propre voie, adaptée à des conditions singulières. C'est aussi le terme utilisé depuis presque 5 ans pour qualifier l'industrie japonaise de la téléphonie mobile.

omme le reste de la planète, le Japon a connu sa révolution de la téléphonie mobile et les gens se sont rués sur ces téléphones portables. Ils avaient déjà un moyen bien pratique et ultra populaire de communiquer via des messages composés de chiffres, les "Pokebel" ou Pocket Bell ("Pager" à l'étranger). Mais cette fois, les mobiles apportaient la communication vocale et le Pokebel fut rapidement oublié.

'évolution des téléphones portables au Japon est à l'image de l'Internet haut-débit : fulgurante. Il faut certainement vivre ici pour vraiment se rendre compte de l'ampleur de l'avance que ce pays a acquise sur le reste du monde. Les japonais utilisent leur téléphones plus que partout ailleurs et en possèdent plusieurs : un pour la famille, un pour le boulot, un pour ses vrais amis, un autre pour des amis moins proches, un par petit ami, etc... Le téléphone portable est devenu une machine à tout faire pour les gens, parfaitement intégrée, si ce n'est littéralement au cœur, de leur quotidien et de leurs hobbies.


Au Japon, 85% des utilisateurs utilisent des services en ligne. 96% en 3G, et 35% en 3.5G.

éanmoins, aussi avancée soit-elle, l'industrie japonaise de la téléphonie mobile peine à l'étranger où les téléphones nippons ne peuvent livrer leur plein potentiel en l'absence d'infrastructures compatibles (télévision digitale, modes de paiement, réseaux à haut débit, etc...). Aussi, les constructeurs japonais ont longtemps été réduits à sortir des modèles basiques, souvent vieux et dépassés. Conscients du problème, les constructeurs essaient maintenant d'adapter leur avance et leur expérience aux marchés étrangers. Seulement voilà : la révolution iPhone a éclaté entre temps, et élargi le fossé. L'iPhone a rendu le concept du Smart Phone accessible, non plus réservé au monde pro, mais partie intégrante d'un "life style". Il est devenu la référence qui sert actuellement de base au développement de la plupart des téléphones à l'étranger.

n a bien désormais 2 orientations différentes, avec le Japon poursuivant sa voie pendant que le reste du monde lorgne de plus en plus sur le Smart Phone, qui va souvent de pair avec le support d'un ordinateur. On peut donc en effet parler du Japon comme des Galápagos de la téléphonie mobile. Et ça, oui, ça rappelle bien un autre secteur : celui du jeu vidéo.

n effet, depuis quelques années, on parle d'une sorte de "Galapagosisation" du jeu vidéo japonais. En gros, les japonais tendent à jouer avec des portables pendant que le reste du monde préfère le confort du living et des graphismes haute définition. Je ne vais pas m'étendre sur les raisons qui ont mené le Japon à adopter une culture du jeu vidéo sur portable (une autre fois peut-être), mais c'est un fait. Le jeu vidéo "high spec" de la PS3 ou de la Xbox 360 trouve peu d'écho ici. Les gens jouent dans les transports ou en réseau dans les parcs et les "familires" (Family Restaurant).

Depuis quelques années, on parle d'une sorte de "Galapagosisation" du jeu vidéo japonais.

utrefois, le jeu vidéo venait principalement du Japon, un marché qui avait de fait une certaine avance sur le reste du monde. En gros, ce qui se passait au Japon allait arriver aux USA ou en Europe 2 ans plus tard. Ici, il y a eu de profonds changements qui, pour beaucoup, avaient été prédits depuis les débuts de la PS2 (ok, ok, on en reparlera aussi). Il ne s'agit plus d'une question d'avance mais d'une différence d'orientation (sinon de style de vie) de plus en plus marquée. Oui, comme pour les téléphones portables.

ussi, il n'est pas inhabituel ces derniers temps d'entendre les éditeurs parler du "Syndrome Galápagos" pour le jeu vidéo. Les éditeurs étrangers sont particulièrement intéressés (friands ?) par cette apparente Galapagosisation du marché japonais du jeu vidéo pour expliquer leurs contres performances, avec souvent un cinglant "ouais, mais bon, ce sont les Galápagos ici"...

eut être que le Japon est effectivement ancré dans le jeu portable. Peut être que l'absence d'une plate-forme gamer en remplacement de la PS2 a poussé les joueurs et les développeurs sur la PSP, presque par désespoir. Peut être qu'une PS3 plus abordable (pour les joueurs et les développeurs) saura remettre de la vie dans les livings nippons. Mais il y a une fâcheuse tendance en ce moment à tout mettre sur le dos de ces pauvres îles chiliennes, ses tortues, ses iguanes et éternels Moais.


Les téléphones portables japonais sont courtisés par toutes les grosses licences de jeu traditionnelles.

a popularité des plates-formes portables, aujourd'hui, n'explique pas le manque d'attrait de certains genres ou thèmes pourtant si populaires en occident, comme les FPS. Ça n'explique pas non plus le manque total d'attrait du character design des jeux vidéo occidentaux pour les japonais, surtout quand il s'agit de personnages destinés aux enfants. Même une PS3 à 29980 yens, se vendant par centaines de milliers, ne pourra rendre populaire des genres ou des designs inadaptés.

e "syndrome Galápagos" n'existait pas à l'époque de la sortie du film Pearl Harbor. Dommage, car on aurait eu droit à Michael Bay et Ben Affleck expliquant que le Japon, c'est trop les Galápagos, et que leur film n'a pas eu sa chance...

Christophe Kagotani

Japonais ou français, comme ça l'arrange, le Kago (comme on l'appelle) est correspondant permanent pour le magazine anglais EDGE depuis pas loin de 10 ans. Il a néanmoins débuté aux mêmes fonctions dans le magazine Joypad, pour un échange de légende qui l'a ensuite emmené chez Consoles+ "tu le crois ça ?" magazine (© AHL, 1798).

Ecrivant également pour la presse locale nippone, il a évolué vers un rôle d'analyste et d'homme à tout faire dans le monde du jeu vidéo japonais.