1789. Le peuple Français prend les armes au sein même de la capitale et décide de se révolter face au Roi Louis XVI. Plus de deux siècles plus tard, Ubisoft décide de faire de cette période historique son terrain de jeu. D’abord accueilli par les joueurs comme un opus très attendu sur le plan technique, le titre va très vite se retrouver dans l'oeil du cyclone quant au risque de donner une version biaisée de l’histoire aux néophytes. Analyse et retour en arrière.

On en a gros !*

 L’année 1788 s’est révélée être une catastrophe pour le peuple. Les récoltes sont encore une fois très mauvaises après celles des années précédentes et le prix du grain ne cesse de croitre. La faim gronde et la colère du peuple se fait de plus en plus vive bien que le Roi ne soit pas encore au plus bas dans l’opinion publique. Il faut bien comprendre qu’en 1789, très peu imaginent une révolution par la violence. Le peuple espère une grande réforme de l’état et la transformation de la monarchie alors absolue.

 Le 1er Mai 1789, le Roi Louis XVI annonce l’ouverture des Etats-Généraux ; réunissant le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etats qui représente alors 97% de la population Française. Les relations se tendent dès l’arrivée des représentants du Tiers-Etats lorsque ceux-ci constateront la différence d’accueil qui leur était réservé. Durant le mois de Juin, Louis XVI va plus loin en faisant fermer le lieu de réunion habituel du Tiers-Etats les amenant à investir une salle de jeu de paume. La bas, ils s’engageront à apporter une constitution écrite à la France en prêtant unanimement serment. Dans la rue, les prémices de la révolte sont en marche bien que le Roi fasse monter sur Paris des milliers de troupes étrangères pour maintenir l’ordre.

 Et la fiction prend place…

 C’est dans ce contexte que prend forme Assassin’s Creed Unity, le dernier né d’Ubisoft. Dans cet énième essai, le joueur incarne Arno, un jeune assassin en quête de vengeance après le meurtre de son paternel. Dans un Paris en plein mouvement révolutionnaire, il découvre les enjeux de la révolution en menant à bien sa propre affaire personnelle. Ici, le mouvement historique n’est qu’un bruit de fond pour le joueur engagé dans une guerre intemporelle : celle des assassins et des templiers.

 Bien que très critiqué par la presse spécialisée, le jeu se figure être une oeuvre colossale présentant le Paris de 1789 avec une fidélité à en faire pâlir les plus belles reconstitutions d’époque. Et ce n’est sans doute pas le professeur Laurent Turcot qui dira le contraire à travers son travail de consultant historique pour le jeu. Dans une vidéo qui tourne en boucle sur la toile, il explique avec précision le long processus de reconstitution nécessaire à rendre l’expérience crédible. Le seul bâtiment de Notre-Dame ayant représenté 2 années de travaux. Bien au-delà de ses défaillances d’un point de vue de joueur, Unity propose une expérience riche dans une époque cruciale à notre système actuelle.

 Mélenchon voit rouge.

 Preuve d’intérêt pour l’oeuvre, les réactions n’auront pas tardé à surgir. Et c’est Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche aux présidentielles de 2012, qui a fait parler de lui cette semaine. Qualifiant le jeu de propagandiste, il déplore la vision sanguinaire laissée de Maximilien Robespierre, personnage central de la révolution. En se basant sur un trailer apparu sur la toile quelques mois avant la sortie du jeu, l’homme politique s’interroge sur la vision de l’histoire transmise par le titre. Et à cette égard, les producteurs du jeu se montrent clair : « Assassin’s Creed est un jeu grand public, pas une leçon d’histoire. »

 Et c’est bien ici que se pose la véritable question. Certes Ubisoft nous plongent dans une reconstitution fidèle du Paris de 1789. Mais pourquoi cet homme politique habitué aux grands auteurs n’a pas pris en compte l’aspect fictionnel du titre pourtant central dans chacun de ses opus ? Il faut dire que l’ancien candidat à la présidence de la République est connu pour monter rapidement dans les tours lorsqu’il s’agit de Robespierre. En témoigne sa réaction cinglante à la modélisation 3D du visage du révolutionnaire en Décembre 2013. Il parlera alors de « vieille ruse iconographique ».

 C’est pourtant l’éternel fantasme autour du personnage. Despote ? Sanguinaire ? Tout est laissé au traitement de l’histoire bien que chacun soit conscient du rôle tenu par celui-ci. Et c’est pourtant peu étonnant de voir se fantasme exister dans une oeuvre de fiction. Que dire alors des autres représentations historiques de la série ? De Leonard De Vinci à Napoléon en passant par le Président Washington. Bien des analystes ce seront sans doute étonnés des traitements de ceux-ci.

 Il n’y a pas de mauvaise critique !

 Dans un billet de réponse publié sur son blog, Jean-Luc Mélenchon affirme vouloir tenir une manette afin de constater le contenu proposé par le titre. Dedans il témoigne des réactions virulentes propres à la communauté des joueurs. Là se pose encore un véritable problème de fond. Si le jeu vidéo s’impose aujourd’hui dans bon nombre de foyers Français, cette virulence de la communauté me semble toutefois problématique. « Qui est Mélenchon pour parler de jeu vidéo ? ». Cette phrase est revenue souvent sur les réseaux sociaux à l’heure ou ce média devient universel. La question que je me pose est plutôt la suivante : « Qui sommes-nous pour juger des personnes ayant droits de critique sur une oeuvre culturelle ? »

 Le jeu vidéo au même titre que le cinéma, la littérature ou la musique est un espace d’expression dans lequel chacun est juge de ce qu’on lui propose. Qu’on soit joueur ou non, l’idée qu’Ubisoft ai réussi à créer le débat autour de Maximilien Robespierre me réjouit et laisse entendre que ce secteur s’impose bel et bien dans la culture populaire de notre époque. Quelle reconnaissance pour ses nombreuses années d’expérimentations que de voir des personnalités publiques en faire un sujet d’actualité.!

 *Je m’excuse par avance des imprécisions concernant l’histoire de la révolution Française. Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin et lire de vrais spécialiste de notre histoire, je ne peux que vous conseiller de vous rendre en librairie ou vous trouverez bon nombre de bouquins passionnants sur l’époque.