Comme beaucoup de collectionneurs, afin de compléter ma collection et trouver certaines pièces rares, j'ai souvent eu recours à ce célèbre site d'enchères en ligne. Et bien souvent, avant de pouvoir acquérir le Graal qui manquait à ma ludothèque, j'ai dû perdre un paquet d'enchères avant de me résigner à payer un peu plus que le montant maximum que je m'étais fixé, bien souvent sans passer par une enchère mais en achat immédiat...
Combien de fois ai-je vu le titre que je cherchais depuis belle lurette, à un prix trop beau pour être vrai à quelques heures de la fin de l'enchère! Et bien évidemment, le prix flambait dans les dernières minutes, voire les dernières secondes, me laissant avec mes regrets et mes remords de n'avoir pas ajouté les quelques euros manquant.

Fort heureusement, il m'est arrivé de faire de bonnes affaires! Mais j'ai la vague impression que ces bonnes affaires, c'était il y a bien longtemps et que depuis, les prix payés étaient dans le meilleur des cas « normaux ».

Comme de nombreux objets de collection, les jeux vidéo rétros sont devenus victimes d'un mal terrible, appelé le « syndrome d'eBay »: une inflation démesurée entretenue par une méconnaissance de ce qui fait la valeur d'un jeu.

D'accord, je vous entends déjà dire: "si t'es pas content, faut pas aller sur eBay!". Et vous avez (partiellement) raison, c'est pourquoi, même s'il est rare de trouver son bonheur comme sur eBay, j'ai écumé pas mal de brocantes et vide-greniers près de chez moi pour agrandir un peu ma liste de trésors. Eh bien là aussi, le "syndrome eBay" a frappé! Un exemple tout bête: je vois une Megadrive 2 en boîte, plutôt en bon état avec Sonic 1. Rien de vraiment précieux, mais une console dans sa boîte, c'est toujours attirant... Je demande donc le prix au vendeur, qui me répond: 120€... Le prix me paraît tellement exorbitant que je n'ai en réalité compris que le dernier chiffre "vingt euros". Pensant tenir la bonne affaire qui m'échappe sans cesse sur eBay, je réponds avec un grand sourire: "Vingt euros? Je la prends!" et le vendeur de me rétorquer aussi sec: "Non, CENT VINGT euros! Faut pas abuser!". Après une seconde de réflexion, je lui indique que j'ai mal compris parce que son prix est tout simplement prohibitif et qu'elle allait lui rester sur les bras. Et là intervient la réponse qui clôt la négociation: "Bah, sur eBay je peux la vendre encore plus cher!"...

Par curiosité, j'ai ensuite cherché sur eBay mais je n'y ai pas retrouvé mon cher escroc. Il a donc probablement vendu la console, j'espère tout de même que l'acquéreur a durement négocié, sinon ça fait froid dans le dos!

Malheureusement, il ne s'agit pas de la seule fois où j'ai pu entendre cette fatidique réplique. Et j'ai même la vague impression que ça se répand comme une trainée de poudre! Et comme un malheur n'arrive jamais seul, la boucle est bouclée puisque beaucoup de vendeurs (et fatalement d'acheteurs) entretiennent une sorte de bulle spéculative sur les prix des jeux retro, s'étendant désormais sur d'autres sites de vente en ligne...

 

Ca me fait rire autant que ça m'horripile de voir le mot "RARE" apparaître dans tous les titres d'annonces... (et en majuscules aussi, comme si quelqu'un vous ordonnait de regarder l'annonce sous peine de représailles violentes): "SUPER MARIO BROS NES RARE". Et même dans les titres, l'inflation fait rage! On trouve désormais des R@RE (très stylé) "TRES RARE", "SUPER RARE" et l'étape ultime "ULTRA RARE!!!!!!" (ajouter des points d'exclamations jusqu'à ce que la limite de caractères soit atteinte, apparemment ça aide à vendre... et avec les majuscules, j'ai la vague impression qu'on me hurle dessus)

Visiblement, on suit le raisonnement du: ce qui est vieux est rare, or ce qui est rare est cher, donc ce qui est vieux est cher... D'où un nombre incalculable d'aberrations dans les prix.
Mais le plus fou là-dedans, c'est les malheureux acheteurs mal renseignés et crédules qui achètent à prix d'or ce qui devrait coûter à peine une bouchée de pain.

 

Le problème vient principalement du fait qu'il n'existe aucune cotation fiable concernant la valeur des jeux rétros, aucune référence comme peut l'être le guide Yvert & Tellier pour les philatélistes. On peut pourtant trouver ici et là des sites Internet proposant un argus des jeux vidéo, mais certains prix paraissent parfois fantaisistes. Certains magasins disposent d'un index des prix à pratiquer, mais visiblement il existe une édition spéciale pour la région Parisienne où les prix flambent!

L'illustration typique étant l'ensemble des boutiques du boulevard Voltaire dans le 11e arrondissement (le repère des gamers) qui concentrent de nombreuses boutiques retro où les prix sont bien souvent ridiculement élevés. J'ai pu constater des prix jusqu'à 10 fois supérieurs à ceux pratiqués dans des boutiques de province.

Heureusement, certains compensent des prix un peu élevés par un accueil très sympathique (je vous conseille notamment Trader (10 rue Jean Pierre Timbaud) et Retrogame shop (18 rue Trousseau).

 

Le retrogaming est également victime de son succès: encore peu répandu il y a quelques années, le mouvement se développe de plus en plus sous l'impulsion d'une communauté toujours plus active (mention spéciale à l'association MO5.com et les éditions Pix'n Love et Omake Books) et forcément, quand la demande augmente, les prix aussi!

 

En conclusion, "patience est mère de sûreté": mieux vaut continuer à chercher un peu plus longtemps la pièce rare à un prix abordable plutôt que de succomber aux sirènes d'eBay et ses prix indécents. Après tout, 50% du plaisir d'un collectionneur réside dans la recherche de l'objet convoité...