Note : Cet article n'est pas une "analyse", "réflexion" ou "thèse". Nous partons sans à priori et constatons, par des exemples précis, le traitement de la gente féminine dans la création vidéoludique.
Ne vous attendez pas à un article sur la place des joueuses, par exemple.

Enfin, le dossier est long. N'hésitez pas à entrecouper votre lecture.

Après avoir écrit notre critique de Lollipop Chainsaw, jeu où l'héroïne adolescente montrait ses fesses couvertes de sa mini-jupe, où l'on ne s'est pas trop prié dans la syntaxe de l'article, il était temps de se poser un peu. Toute la promotion commerciale du jeu était du matraquage vidéo mettant en avant les formes avantageuses de l'héroïne au point même de payer deux mannequins pour promouvoir le jeu sur divers évènements au Japon et aux Etats-Unis : Mayu Kawamoto, championne de karaté de style Kyokushin et Jessica Nigri, cosplayeuse professionnelle (elle ne pose qu'en cosplay). Tout ça pour se poser la question : ok ok, ça fait du bien de se défouler et laisser expulser, pad en main (et pas autre chose), notre moi primitif avec du jeu jouant sur la sexe-attitude qui inonde le monde depuis les années 2000, mais... Le jeu vidéo n'en abuserait pas un peu trop ? Sans être aussi provoquant que cette cheerleader, combien de jeux avec une femme aux formes parfaites mises en avant ? Utiliser l'image féminine dans le jeu vidéo comme accroche marketing devient si évident que ça ? Le jeu vidéo n'a t-il rien de mieux à offrir ?

Partant de cette sur-médiatisation, nous allons ainsi parcourir un peu les différentes représentations de la gente féminine dans le jeu vidéo. Nous nous intéresserons surtout à elles en tant qu'héroïne, autrement dit en tant que personnage jouée par un public majoritairement masculin. Ce qu'elles apportent au jeu en lui-même, ce qu'elles apportent aux joueurs, quelle image font-elles passer, etc.

Lara Croft : leader du féminisme vidéoludique

Lorsque l'on pense à héroïne de jeux vidéo, on pense automatiquement à Lara Croft, de Tomb Raider. C'est instinctif et cela touche toutes sortes de joueurs, occasionnels, hardcore, jeunes comme anciens. Le personnage de Lara Croft est entré dans le domaine de la culture populaire, emmenant avec elle l'idée que le jeu vidéo n'était peut être pas qu'une affaire d'enfants.
La majorité d'entre vous connaissent évidement son passif mais un rappel est nécessaire pour voir en quoi miss Croft est une icône du jeu vidéo.

Non à la faible femme

Revenons donc à l'histoire de Tomb Raider, sorti sur Sega Saturn et Sony Playstation, en 1996. Développé par Core Design dont le développement a débuté en 1993, le personnage principal n'a pas toujours eu vocation d'être une femme. Son créateur, Toby Gard à l'époque « lead graphic artist », avait imaginé un personnage masculin très typé Indiana Jones (évidement) pour être refusé par la direction car trop banal. Mais un peu comme si cette anecdote avait été enjolivée par la suite vu l'idée si bateau, l'histoire nous apprend surtout que Lara Croft a été conçu avec une idéologie précise : contrer le stéréotype de la fille en détresse dans le jeu vidéo. Un peu comme quand le genre Film Noir du Cinéma avait enfin donné de l'importance aux rôles féminins à travers ce qu'on appelle maintenant la « femme fatale ». Tomb Raider va briser ce cliché de la faible femme ou en tout cas dépendante de son héros. Une aventurière à la Indiana Jones qui manie le double beretta, le fusil à pompe et la kalash tout en escaladant des rochers par la seule force de ses bras, voilà qui ne passe pas inaperçu. Ce personnage inédit, dans son mini short et débardeur muni de lunettes de soleil (les premières illustrations montraient une Lara en lunettes rondes de couleur rouge) arrivait là en 1996 au début de l'ère 32-bits. Parce que les grands succès ne se bâtissent pas que sur un coup marketing, n'oublions pas que Tomb Raider c'est avant tout un jeu en full 3D qui exploitait pleinement les capacités des deux machines fraichement sorties ; alliant plusieurs éléments de gameplay : guns, plate-formes, énigmes et même moments de tension. Une grande héroïne pour un grand jeu arrivé aussi au bon moment : Tomb Raider était une baffe à l'époque. Un bon personnage a plus de chances de marquer les esprits dans un bon jeu... Il n'y a pas de miracles.

Lara Croft devient donc un personnage phare du monde du jeu vidéo, ludiquement parlant, puisqu'elle appelle à un gameplay riche, un jeu long et un jeu beau (à l'époque). Mais justement, avec un gameplay aussi masculin où l'on tire à l'arme à feu, paumé dans des ruines, où l'on sue sang et eau pour s'y retrouver dans ses niveaux immenses, on a réussi à imposer un personnage féminin. Comment accepter le plaisir d'incarner une femme dans un jeu vidéo fut un pas important dans l'ouverture d'esprit des joueurs. Contrairement à aujourd'hui, on n'achetait pas Tomb Raider car une belle nana était en affiche, on achetait avant tout un bon jeu. Ce bon contenu ayant permis à ce personnage féminin de se faire accepter par le joueur masculin (plus fort que jamais avant la démocratisation du jeu vidéo). La qualité l'a emporté sur le préjugé. Non pas que l'homme était moins tolérant qu'aujourd'hui mais le fait que c'était inhabituel. Bien sûr, à cause de sa jouabilité rigide et ses bugs où l'on n'arrivait pas toujours à atteindre une plate-forme, les petites vannes sexistes étaient de sortie : « c'est bien une femme ça ! » et autres gauloiseries. Mais peu importe, la fille était adoptée. Adoptée car la femme se la jouer « mec ». Pas de différence de traitement : Lara Croft se serait appelé Laurent, le jeu serait ludiquement identique. Son succès, en revanche... Car si Tomb Raider fut un succès, cela n'explique pas comment cette Lara est devenue connue de tous et de toutes.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Bien que le personnage brisait l'image du jeu vidéo et de la condition féminine dans cet humble média, Lara Croft a acquis sa notoriété grâce à un bon merchandising. Le succès du jeu étant telle, surpris aussi par le personnage visuellement charismatique de Lara, dont le background était plutôt faible au départ, qu'Eidos réussit à louer sa miss à d'autres sociétés. Avec l'agence KFM, Eidos a exploité le personnage pour divers produits de consommation (la célèbre publicité Seat mais aussi pour des boissons gazeuses), assurer des poses dans des magazines (sérieux comme le Time) et toute une série de stock-images officielles où la Lara pose dans des tenues dénudées, ou dans des situations autres qu'in-game. Images vendues et utilisées en vrac dans les magazines, sociétés, etc.
De plus, Tomb Raider est aussi le premier jeu où l'héroïne fut incarnée en chair et en os par des mannequins pour les promotions sur scène. La miss fut incarnée en premier par Natahlie Cook, puis le flambeau fut passé par d'autres les années avançant. L'actrice Rhona Mitra ayant même tenu ce rôle un an. Ainsi, on voyait Lara Croft partout. Impossible de ne pas la connaître grâce une omniprésence dans les médias, suivi du buzz autour de la qualité du jeu et de sa suite, s'installant petit à petit et durablement dans le paysage vidéoludique.

Sauf que cette politique de vente où l'on utilise des mannequins et des images de pose est aux antipodes de l'image prônée du jeu vidéo. Ce personnage de femme forte, se battant et survivant comme un homme surarmée malgré sa taille de guêpe devient alors une icône de mode. Un phénomène superficiel dans le monde la publicité, de la promotion, de la photographie de mode. Si l'on met de côté cette fascination qu'a eu le monde réel pour un personnage virtuel, on se rend compte que finalement, cette femme forte, elle sert à vendre... Elle sert à attirer le chaland, à mettre en valeur des produits de consommation, comme n'importe qui d'autre. La femme anticonformiste devient mannequin. Un joli pied de nez au beau discours et à la belle image que lui a insufflé son concepteur, Toby Gard. Cependant, il y a aussi la réalité du contexte et du monde publicitaire. On ne vend pas en montrant une femme armée jusqu'aux dents...
Même si avec du recul, on a cette impression de « prostitution intellectuelle », ce marketing abusif que l'on trouverait pourtant aberrant en temps normal a permis d'ancrer dans l'inconscient des gens l'image et le nom « Lara Croft ». Ce personnage de jeux vidéo au caractère affirmée qui vient vous vendre une Seat dans votre cuisine, parce que « Seat c'est l'aventure ». Parce que Lara Croft se retrouve sur vos magazines, dans pleins de produits dérivés et à la télé quand Kevin s'amuse à Tomb Raider, Lara Croft devient aussi connu que Mario (toutes proportions gardées). Et ceci, en une poignée d'années, là où Mario a squatté les foyers sur des décennies. Lara Croft ne devient donc plus à ce moment une héroïne de jeu vidéo, elle devient une icône populaire et participe grandement à l'introduction du monde vidéoludique dans le « monde des grands » : celui de la publicité, des sujets de conversation, il s'invite chez nous. Qu'on le veuille ou non.

Et parce que cette femme s'inscrit massivement dans la culture populaire, elle renvoie une connotation positive vis à vis du jeu vidéo. Chez madame Michu, cette Lara Croft me vend une voiture et devient une star, un centre d'attention. A l'époque on n'utilisait pas le mot « buzz » mais c'est que c'était. On s'intéresse aux jeux vidéo, ce monde d'ado garçons, qui adopte une femme dans leur monde de pixels et polygones... Le public s'ouvre sur la question ainsi que le public féminin. C'est là que ça devient intéressant puisque cette image de femme forte s'imposant dans ce milieu masculin renvoie une image d'indépendance : plus de barrières, plus de limites : une femme va à la guerre et joue avec les mecs si elle en a envie.

Exactement au même moment, une nouvelle vague du mouvement féminisme se développe lentement mais surement, d'abord dans le divertissement où la femme s'impose au Cinéma (Le Patient Anglais où ce héros de guerre devient dépendant de son infirmière en 1996 ; Casino qui reprend le principe de la « femme fatale » avec Sharon Stone ; et plein d'autres du même topo), dans la Musique (explosion de la vague des Girls Band avec Spice Girls, Destiny's Child, etc, puis la vague de ces chanteuses teens Britney & co - oui oui c'est pas de la grande musique mais le peuple a parlé -)... Et a évolué lentement de plus en plus sérieusement et réellement important jusqu'à aujourd'hui dans le milieu social-politique sur les droits des femmes (notamment dans l'égalité des salaires), ainsi que la parité gouvernementale.

Le propos n'est pas de dire : « Lara Croft, girl power » mais de bien insister ce à quoi cette icône a participé dans ce mouvement. Une vision en mouvance sur l'importance féminine dans les médias dans les mi-90's et ainsi que sur le jeu vidéo... Deux grosses responsabilités et deux grosses conséquences historiques puisque le jeu vidéo ne s'est jamais porté aussi bien aux yeux du grand public et Lara Croft est toujours là. Parlons-en justement. Le joueur, lui, quel intérêt a t-il eu d'avoir une femme en tant que personnage jouable ? L'idée était juste psychologique jouant sur la contradiction des moeres ? En fait, rappelez-vous dans quel état nous jouions à l'époque à Tomb Raider. Qui n'a pas pris peur en voyant ces premiers loups et ours vous sauter à la tronche sans crier gare ? Et être ensuite incessamment sous tension ? Homme ou femme, la peur aurait été provoquée de la même façon : effet de surprises, rigidité des mouvements et passages étroits... Mais, bien que l'on soit largement armé, le fait de jouer une femme renforce ce côté survival dans ces niveaux sauvages. Parce que le jeu était calibré pour être difficile où trois-quatre morsures étaient trop dangereux pour une santé fragile et parce que les cris de Lara en train de se faire attaquer perçaient le tympan dans le silence de mort de ces grottes... La tension était à son paroxysme lors des premières parties. Ensuite, l'accumulation des épisodes, l'ajout d'ennemis humains, puis d'une jouabilité assouplie par des locks fait qu'on avait perdu ce survival unique où nous, femme seule devait survivre à la faune sauvage. Le reboot du jeu qui arrivera début 2013 reprend justement ce fameux esprit survival où l'héroïne se retrouve seule dans la jungle. Un choix loin d'être anodin donc où l'on vivra probablement une montée en puissance et en caractère de cette petite anglaise un peu trop aventureuse... Que ce soit réussi ludiquement ou non n'a aucune importance, le choix conceptuel de Lara Croft est redevenu justifié et cohérent. Après, attendez-vous à revivre une folie marketing où Camilla Luddington a été choisie pour prêter sa voix au personnage... Une jeune actrice connue pour avoir tournée nue dans Californication et dans True Blood, l'ersatz « sexué » de Buffy : deux séries fashion... Le choix n'a rien d'artistique, ne vous emballez pas. Les premiers retours des joueurs sur ce choix était « ooh elle était dans Californication... nue ». Bref, Lara Croft est un personnage très très important à tous les niveaux ayant eu ou a toujours des répercutions significatives, malgré une tendance à travestir son image quasi-féministe le temps d'une séance-pub.

L'exception Samus Aran et les clones de Lara

Lara Croft devint alors un modèle et son style fut repris plus d'une fois dans le jeu vidéo. Belle femme, aux formes généreuses mis en avant par un vêtement près du corps mais aux capacités physiques et à la technique supérieur aux hommes moyens dans un monde de mecs : cette identité étant devenue, ironie du sort, un cliché lui-même. Nous pouvons citer Joanna Dark de Perfect Dark, agent surentrainé ; les héroïnes de Resident Evil où Jill Valentine, militaire et Claire Redfield, jeune femme sachant manier le flingue comme on sait manier un couteau de cuisine ; et bien d'innombrables tentatives plus ou moins oubliables comme Bloodrayne, Oni, Fear Effect (même si le jeu vaut surtout pour son trio de héros, Hana Wong ayant été particulièrement réussi), P.N.03, etc.

Mais il reste encore un personnage un peu à part. Lara Croft n'est pas du tout la première héroïne de jeu vidéo manier le gun... Metroid, sorti en 1986 sur Nes nous dévoile une femme, Samus Aran blastant à tout va. La différence est qu'à aucun moment, Nintendo ne cherche à en faire une héroïne. En effet, pendant tout le jeu, le joueur contrôle son personnage en armure massif. Ce n'est qu'à la toute fin du jeu, après les crédits, que l'armure disparaît au profit d'une femme pulpeuse. La révélation est là : vous avez joué avec une femme. Mais nous n'étions qu'en 1986 et l'histoire, le background n'avait pas autant d'importance. Le fait est que l'armure était classe et l'armure était le héros pendant les 99,9% du jeu, pad en main. A aucun moment, nous avons un personnage féminin en face de nos yeux. Par ailleurs, la façon dont le personnage de Samus apparaît dans des proportions physiques plutôt exagérés en faisant un coucou aux joueurs, la bouche en cœur, fait plus passer la chose comme une « récompense ». « Félicitations, vous avez terminé le jeu, rincez-vous l'œil en pixels », telle est la façon dont est présentée Samus. Son design n'a rien de définitif non plus, puisqu'elle est rouquine et ses quelques lignes de background personnel ne nous apprennent pas grand chose à part qu'elle est orpheline. Son design définitif, blonde en combinaison moulante bleu azur n'apparaitra qu'en 2002 sur Metroid Prime. Notons que le remake du premier épisode, Metroid Fusion, sortie à la même année sur GBA ne reprend pas ce même design même s'il est très proche. Elle confirme aussi cette drôle d'impression de voir en l'apparition de Samus comme une « récompense » puisque la fin de Fusion nous dévoile une Samus prenant une pose très « pin-up », les cheveux aux vents et nombril à l'air. Même si historiquement, Samus est la première héroïne forte d'un jeu vidéo, cette idée n'a jamais été poussée jusqu'au bout pour qu'elle puisse impacter autant le joueur.

Et si on dépassait le stade de symbole ?

Le concept est devenu très simple avec le temps, une femme dans un monde d'hommes sans aucune discrimination. Voilà ce que Lara Croft a imposé comme canon. Mais après, mieux vaut avoir dépasser ce stade « contestataire » et voir de quelle façon la femme est traitée dans le jeu vidéo. Au même titre qu'un personnage masculin ?

Écrire pour une femme

Après tant d'années, le jeu vidéo a beaucoup évolué dans son écriture, ainsi que dans les messages qu'il tentait de faire passé. Messages plus ou moins importants, là n'est pas la question, le fait est qu'on a fini par accorder de l'importance au fond des jeux, parfois au détriment du gameplay mais ce n'est pas le sujet. Trouver des héroïnes de jeux vidéo qui ont un background réellement intéressant ou sont associées à des histoires et des messages passionnants et ouverts fût plutôt difficile. Réussir à écrire un personnage complexe est déjà loin d'être évident mais le faire avec un personnage féminin l'est encore plus. Est-ce que l'on a des équivalents féminins à Solid Snake, JC Denton, le héros sans nom de Nier, Ashley Riot de Vagrant Story, etc pour ne citer que quelques exemples ?

C'est effectivement très compliquée de les repérer... Et ils prêteront matière à discussion. On a cité plus haut en exemple de clone à Lara Croft : Hana Wong de Fear Effect, excellent jeu d'action-horrifique d'Eidos. Hana a un background plutôt complexe puisqu'elle est une ancienne prostituée qui a réussi à se sortir du pétrin en devenant mercenaire. Son background se complexifie avec Fear Effect 2 se déroulant avant le premier épisode. Cependant, même si ces deux jeux sont passionnants, bien écrits et blindés de rebondissements, Hana est vendue comme une énième héroïne sexy munie de flingues et malgré son bon scénar, Fear Effect reste très action, donc peu subtile. Dans le même genre qui a du mal à s'extirper du côté « sexy » de leur personnage, on peut aussi citer Aya Brea, de Parasite Eve. Pourtant avec son scénario vraiment bien ficelé dans son premier épisode, la jeune recrue Aya n'est pas traitée comme un symbole mais bien comme un personnage à part entière. Jeune recrue de la police, elle va devoir passer quelques jours intenses à éliminer des monstres biologiques et apprendre qu'elle a fait partie d'une expérience scientifique dans son enfance. On y dépeint un personnage fragilisé par son expérience rude et c'est ce qui rend le jeu encore assez bon à suivre aujourd'hui. Mais patatras, Parasite Eve 2 sort et n'a plus rien à voir avec le roman dont il s'inspire, ce n'est plus qu'un jeu ayant pour but de contrer Resident Evil. Aya ne devient donc plus qu'un personnage « à la dure » taciturne, déjà vu milles fois et peu intéressante dans ce RE-like orienté action. The 3rd Birthday, sur PSP va encore plus loin puisque la com' du jeu tournait autour de la possibilité d'Aya de voir ses fringues se déchirer en temps réel dans un jeu encore plus action que son prédécesseur... Aya où un personnage sensible réduit à un simple skin de « action-woman ».

S'il y a un personnage qui flirte avec plusieurs clichés tout en réussissant à se démarquer, c'est la récente Bayonetta, de PlatinumGames. En lisant ceci, certains seront outrés de la voir dans un chapitre dédié à l'écriture. Si l'implication du personnage au sein de son histoire de sorcières à dormir debout est discutable, le travail autour du personnage est lui, très intéressant. Jouant sur le sex-appeal via des poses vulgaires, exagérées voir même de nudité, Bayonetta semble un simple personnage pour otakus. Or, le second degré est très présent dans ce jeu avec sa musique j-pop, ses paillettes et ses poses en plein in-game tel un sentai, c'est un personnage qui ne se prend pas au sérieux. Bayonetta joue beaucoup sur la séduction pour s'affirmer sur d'autres protagonistes (masculins), tout en abusant de la vanne et du ridicule. Ses hauts talons, ses lunettes intello et son chignon de bourgeoise lui donne un air hautain et prétentieuse. La description parfaite de la femme dominatrice. Quoi de mieux pour un beat'm all skillé ? Ajoutons à cela quelques éléments scénaristiques qui amènent à fissurer cette fausse image sexuellement active offrant un petit caractère protectrice de mère-poule qui est effleurée... En combinant ce second degré, ce design visuel et une pincée d'éléments scénaristiques, le personnage de Bayonetta prend forme et devient bien plus complexe, riche et surtout réellement féminin (sachant jouer de ses charmes, de s'amuser, d'affirmer sa féminité même en se bastonnant in-game et enfin dévoilant des qualités de mère). Créant une rupture nette de ce que le laisse paraître les quelques images et vidéos du jeu prises hors-contexte.

Dans un sens similaire, le jeu vidéo Catherine angle beaucoup le scénario sur la femme. On en a écrit notre critique élogieuse il y a peu, donc inutile de se répéter. Certes, Catherine (dont le jeu porte le nom) et Katherine ne sont pas les héroïnes dans le sens où le joueur ne les manie pas mais elles sont pourtant le cœur relationnel et scénaristique du jeu : deux caractères opposées pour deux types de relations amoureuses. Contraste entre la superficialité du sex-appeal et la richesse d'un avenir engagé avec la mère de son enfant (rappelons que dans le jeu Katherine pense être enceinte forçant le héros, Vincent, à s'engager en couple). Inutile d'aller plus en détail, le jeu vidéo Catherine est un modèle de cohérence d'écriture et de gameplay, allez relire notre critique si besoin est. Le fait est que les deux rivales ont un caractère bien défini, bien que légèrement stéréotypé dans le fond, servant un message et un questionnement sur la notion de couple. Et ce doute, vis à vis du joueur masculin, l'impact est très fort. La joueuse, elle, aura probablement plus de recul sur le jeu puisqu'en dirigeant Vincent, elle sait d'emblée vers quelle fille il doit aller. Ça ne l'empêchera d'apprécier de jouer un jeu à l'écriture intelligente sur un sujet de vie contemporaine.

On pourrait citer aussi une autre approche : celle de Heavy Rain. Heavy Rain où il n'y a pas de héros et pas de personnage principal. Le joueur interagit sur le jeu tel un réalisateur, voir scénariste puisque certaines actions et décisions modifieront à la fois les scènes ultérieurs mais, surtout pour Ethan, son moral et sa capacité à sortir de la dépression. Autrement dit, le joueur a énormément de recul et ne s'identifie pas aux personnages comme s'il les dirigeait en temps réel sur 8 heures de jeu. A partir du moment qu'on casse l'idée d'identification du joueur pour son personnage, on est bien plus libre d'écrire des personnages très variés agissant de façon peu orthodoxe. Dès lors, le personnage jouable, de Madison Paige, est écrit sans aucune appréhension avec la même équité que celles des personnages masculins. Insomniaque, journaliste, mélancolique, vie morose, Madison s'inscrit dans l'histoire un peu par hasard et va petit à petit s'attirer tout un tas de problèmes que le joueur dirigera. Elle n'est qu'un personnage de l'histoire au même titre que les autres et n'a justement pas cette étiquette d'héroïne et ce besoin d'attirer l'attention sur elle. Elle n'est cependant pas un personnage secondaire pour autant puisque le joueur la maniera plus d'une fois, comme les trois autres individus. Un travail parfaitement égalitaire, conceptuellement parlant. Petit bémol, on ne peut toujours pas s'empêcher d'associer le personnage féminin à un jeu de séduction comme en témoigne la scène où Madison doit flirter avec le boss d'un night club pour avoir des informations. Le joueur y est amené à maquiller, recoiffer couper la jupe et défaire le chemisier du personnage. Précisons que David Cage a aussi écrit un personnage féminin, interprété par Ellen Page, comme unique héroïne de Beyond : Two Souls, à paraître courant 2013.

Femme : accroche marketing

La séduction est la première caractéristique à laquelle on pense lorsque l'on choisit de mettre en avant une femme. Le mannequin est là pour mettre en avant le produit lors des publicités, que ce soit écran ou papier ou même lors des salons, parfois c'est du bon goût, parfois hors-sujet, parfois comme lors d'un E3 elles sont là pour dynamiser des stands mornes de part leur pose, sourire aguichantes, etc. Bref, cela facilite la vente en détendant et relâchant le consommateur potentiel. C'est la même chose dans le Cinéma populaire où l'actrice va majoritairement servir à attirer les feux des projecteurs lors des promotions, quelque soit la qualité du film. Ça fait parti du « jeu », du « milieu », combien d'actrices pourtant ayant une belle image se sont tout de même retrouver à poser pour des photo-shooting ? C'est la même chose dans le jeu vidéo. On est là à essayer de voir de quelle façon la femme est traitée depuis le boom Lara Croft, mais le jeu vidéo étant avant tout un business : il faut vendre. Qui dit vente, dit technique commerciale digne de la publicité. Et comme dirait grossièrement la marionnette des Guignols de Patrice Lelay, ex-patron de TF1 : « du cul du cul du cul ! ». Malgré l'idée de casser les stéréotypes, malgré l'envie de travailler des personnages approfondies, le dénominateur commun de tous ces exemples ci-dessus étant le jeu de séduction. Il n'y a rien à faire, le corps féminin est mis en valeur sans cesse. A partir de là, il ne faut pas s'étonner que la plupart des développeurs choisissent d'assumer cette épice sexuelle dans leur jeu, quitte à en faire leur unique argument...

Cette vision totalement primaire provient surtout du Japon. Le plaisir des yeux et le fantasme ayant une forte place dans la culture otaku. Ces jeux vous les connaissez : on a écrit la critique de Lollipop Chainsaw, les plans culs et les blagues à double-sens de Juliet Starling sont l'unique point de démarcation des autres jeux du genre. On a exactement dans le même style, en étant encore plus dénudée, gore et colorée : One Chanbara. Enfin, nous pouvons aussi citer X-blades et Blades of Time, développé par Gaijin. En fait, on remarque que ce sont des déclinaisons japonisées du concept de Tomb Raider. On réutilise un gameplay viril, orienté action que l'on mettra en scène via un personnage féminin. La différence est que l'angle du jeu sera surtout de se rincer l'œil via des héroïnes aux attitudes provocantes, tenues légères etc. Une sorte de miroir déformant de Lara Croft.
Ce qui est intéressant de noter, malgré tout, c'est que l'on nous vend dans ces jeux la justification de mater. En effet, ces jeux que l'on ne qualifiera pas de hit ont pourtant des gameplay rodés. On tourne dans du beat'm all, donc du combo carré, carré, triangle, des décors plus ou moins variés, des couleurs riches, etc. Jamais des mauvais jeux en soit, juste banals et pas assez techniques. Un peu comme si on déculpabilisait l'acheteur d'être attiré par un simple personnage à la poitrine voluptueuse en petite tenue... « - Pourquoi t'achètes ces jeux ? - Oh j'aime les beat'm all, c'tout... ». Et sans être totalement vrai, ce n'est pas faux pour autant. Ces jeux ont un gameplay potable, sont techniquement corrects, ce sont des produits vendables. Mais l'attraction première est totalement superficielle et utilise le personnage de la femme comme accroche pub, ni plus ni moins.
Cette technique marketing est même devenue prioritaire dans des jeux de baston, donc pourtant skillés et hardcore, comme Dead or Alive ou Soul Calibur.

En poussant un peu plus loin, vous voyez depuis quelques années que des jeux vidéos japonais se décomplexent totalement en visant explicitement le public de type lolicon... Les jeux de Compile Heart par exemple (Agarest, Neptunia) peuvent aller loin dans les illustration osées n'ayant plus rien de ludique. Tout comme les jeux de séduction et/ou musicaux de j-pop ont explosé ces dernières années et ce que ce soit sur PS3, 360... mais aussi une console Nintendo comme la 3DS avec New Love + ! Qui aurait cru que Nintendo autoriserait un jeu de séduction avec de jeunes filles il y a encore 5 ans ? Là, on tombe dans un public qui n'a plus grand chose de vidéoludique. Un peu comme un fan de manga va acheter son adaptation en jeu pour la licence, pas pour le contenu ; le public visé de ces jeux ne sont pas que des « joueurs », ils visent un public d'otakus beaucoup plus large. De ce constat, on peut revenir au début de ce dossier quand nous disions que le jeu vidéo s'était ouvert au grand public dans les années 90. En se libérant d'une image enfantine ou adolescente et en se faisant toléré de plus en plus, le jeu vidéo d'aujourd'hui tend à aller toujours plus loin dans ses sujets pour attirer son public. La question est la suivante : quand vous achetez un jeu érotisant, est-ce le jeu vidéo qui pervertit le public ? Ou est-ce le public qui étale ses envies au jeu vidéo ? Ce n'est pas rien si plusieurs stéréotypes aujourd'hui font des amalgames sur les maux des jeunes : « le jeu vidéo y en a trop, le sexe pervertit nos enfants, déduction : le jeu vidéo pervertit nos enfants. » Vous comprenez la logique fallacieuse ? Alors, si le jeu vidéo, curieusement, se retrouve toujours à évoquer la séduction dans sa représentation de la femme, n'est-il tout simplement pas un reflet de l'image qu'en a le public ?

A suivre sur le blog GK dans deux jours OU sur PG Birganj, mise en page en Une ou la rubrique "Points de vue".

Note : Comme l'article est plutôt long, je l'ai coupé en deux. Cependant, je ne vais pas vous forcer à lire la suite sur PG Birganj (même si c'est mieux car mis en page). D'ici deux jours (ou trois si j'ai zappé), je publierais la suite de cet article. Le but de ce dossier est de superviser ce qui a été fait sur le domaine, par des exemples précis et variés, pas d'élaborer un propos qui va dans un sens unique. Bonne lecture.