Après notre première partie se focalisant sur le procédé technique qu'est le cel shading et sur notre deuxième partie laissant entrevoir un aperçu historique, nous avons décidé d'écrire un texte confrontant deux significations du cel shading, la première qui désigne la technique et la seconde l'esthétique. Cette dernière partie, s'apparentant à un texte réflexif, peut tout à fait être l'objet d'un débat.

 

Dans notre dossier, nous nous sommes cantonnés à citer des jeux en cel shading exclusivement en trois dimensions (3D). Ce n'est pas hasard, puisque la technique du cel shading est une technique d'ombrage spécifique à la 3D. Ceci étant dit, il n'est pas rare de citer, en guise de jeu pionnier du genre, Super Mario World 2 : Yoshi's Island sur Super Nintendo (1). S'il est cité, c'est parce qu'il serait l'incarnation de l'esprit du cel shading. Le graphisme pastel rappelle les crayons de couleur ou l'aquarelle et l'ensemble des décors est traversé par un petit effet crayonné.
Pour faire simple, d'un strict point de vue technique, il n'existe pas de cel shading pour les jeux en deux dimensions (2D). Par contre, si l'on estime que le cel shading est avant tout un style graphique imitant la bande dessinée, alors Yoshi's Island peut parfaitement rentrer dans cette catégorie. Toutefois, un problème se pose : si ce jeu est considéré comme un jeu en cel shading, ou un précurseur du jeu en cel shading, il est difficile de le voir comme le seul représentant de son époque. Bien au contraire, nous pouvons voir dans une grande majorité de jeux en 2D un appel constant à une représentation proche de la BD. Un aspect manga dans Megaman, le design des personnages de Street Fighter II, le SD (2) dans de nombreux jeux (Final Fantasy VI par exemple) ou même les personnages représentés dans les boîtes de dialogue du pourtant réaliste et en 3D Starfox ont tous un rapport, proche ou distant, avec la bande dessinée, ou plus simple encore, avec le dessin. Sans rentrer dans les détails, nous pouvons penser qu'à la vue des palettes de couleurs disponibles, de la définition de l'écran, le choix des représentations citées ci-dessus était sans doute ce qui pouvait être de plus lisible pour le joueur à l'époque.

Si Yoshi's Island est cité comme l'un des premiers jeux en cel shading, c'est peut-être qu'il représente, aux milieux des autres jeux de son époque, une alternative graphique. Une alternative qui se retrouverait dans le cel shading, la technique 3D. N'y aurait-il pas, avec les avancées technologiques en 3D nous rapprochant d'un réalisme de plus en plus aiguë (voire d'hyperréalisme), une forme de contre-courant dont ce procédé pourrait être le fer de lance ?  Pour forcer le trait, est-ce que le cel shading pourrait-il permettre de s'émanciper du réel pour se concentrer sur une approche différente de l'esthétique ?
Si nous avons utilisé le conditionnel, c'est parce qu'il nous paraît nécessaire de relativiser l'idée d'alternative graphique. Le cel shading, dans son ensemble, ne semble pas porter de telles ambitions. En effet, devenu désormais une mode sur les consoles de sixième génération (3), l'arrivée massive de jeux utilisant ce procédé est telle qu'il est difficile de ne pas y voir, au-delà des premiers jeux, un opportunisme (adaptations encore plus littérales de bandes dessinées ou de dessins animés, ou simple effet cosmétique). Nous pouvons même nous demander si les jeux utilisant le cel shading ne font pas preuve d'un certain conformisme.

Pour voir dans le cel shading une alternative graphique, il faut comprendre que si toute une frange de la production vidéoludique est désignée par ce terme, rien ne lie, fondamentalement, ces productions entre elles. Seule une partie des jeux en cel shading s'inscrivent dans une démarche esthétique, qui elle, déborde largement la désignation de ce procédé graphique. Des jeux comme Ôkami ou Killer7, en cel shading, ont peut-être plus de rapport avec Rez, Darwinia, Ico, Psychonauts, Braid et très probablement Super Mario World 2 : Yoshi's Island. Ils partagent tous une même visée esthétique malgré leurs différences visuelles notables et répondent chacun à leur manière à la question posée initialement : proposer des alternatives graphiques et artistiques réelles.

Numerimaniac

SOURCES :

(1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Cel-shading : article Wiki de l'encyclopédie Wikipedia consacré au cel shading, site consulté le 13 juillet 2009. L'article propose de voir en Super Mario World 2 : Yoshi's Island un jeu pionnier du genre, une idée partagée par une partie de la communauté des joueurs.
(2)SD pour Super Deformed : style graphique où la tête du personnage est disproportionnément plus grande que le reste du corps. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Super_d%C3%A9form%C3%A9 : article Wiki de l'encyclopédie Wikipedia consacrée au Super déformé, site consultée le 13 juillet 2009.
(3)Consoles de sixième génération : Dreamcast, PlayStation 2, GameCube, Xbox. Cf.https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_consoles_de_jeux_vid%C3%A9o_de_sixi%C3%A8me_g%C3%A9n%C3%A9ration : article Wiki de l'encyclopédie Wikipedia consacré à l'histoire des consoles de sixième génération, site consulté le 13 juillet 2009.


Un texte à lire :
David Hayward, « Videogame Aesthetics », (page consultée le 13 juillet 2009), [En ligne], Adresse URL : https://modetwo.net/users/nachimir/vga/index.html . Une traduction en Français se trouve ici, sur regarde.org : le blog. Trad. par Pierrick Thébault.

 

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