Hello tous,

J'avais en tête d'attendre quelques semaines de diffusion avant de partager avec vous ma nouvelle découverte TV, l'intrigante série Da Vinci's Demons. Le temps est désormais venu, car mes espoirs commencent doucement à se muer en certitudes alors que je viens d'en finir avec le quatrième épisode : nous tenons là une série particulièrement inventive, baroque et romantique, qui devrait sans nul doute trouver un écho favorable auprès des télévores lorsqu'elle sera diffusée en France. 

Oubliez pour cela toute prétention historique sérieuse. Si Da Vinci's Demons prend place dans l'Italie de la Renaissance,  seules les grandes lignes de cette glorieuse époque de l'Histoire sont respectées. Mais c'est déjà beaucoup, puisque l'intrigue prend place en plein coeur du passionnant différent opposant la papauté, alors maîtresse de Rome, à la famille des Médicis qui a fait de Florence une véritable cour des miracles, encourageant les arts, la science et la création. Nous sommes alors au milieu des années 1470 et Laurent de Médicis, ami des arts, dirige la cité de manière à lui garantir la prospérité. Sur ce point, la véracité historique est respectée : richissime, la famille Médicis s'est faite créancier du Saint-Père, s'attirant de ce dernier une forte inimitié au tournant des années 1470 en refusant à Sixte VI un prêt de 40 000 ducats qui doit à l'époque lui permettre d'asseoir l'influence de son neveu Girolamo Riario.

Laurent de Médicis, par Girolamo Macchietti

 

C'est dans ce contexte qu'intervient l'un des épisodes les plus célèbres de l'histoire de la Renaissance italienne, à savoir la conspiration des Pazzi. Si vous êtes adeptes des romans de Thomas Harris ou des adaptations qui en ont été livrées au cinéma, vous vous souvenez sans doute de la présence d'Hannibal Lecter à Florence dans Hannibal. Or, le docteur fait référence à la trahison de la famille Pazzi, qui s'est soldée par la pendaison, après éventration, de Francesco Pazzi aux fenêtres du Palazzo Vecchio. C'est le même sort qui attend son descendant, le commandatore Rinaldo Pazzi, dans le livre de Thomas Harris.

Cette trahison, partant, est l'enfant d'une révolte contre Laurent de Médicis. Ecartés du pouvoir, les Pazzi s'allient à Rome et à la famille Salviati, également mise à l'écart des décisions, pour tenter d'éliminer le maître de Florence. Le 24 avril 1478, une tentative de meurtre est perpétrée sur la personne de Laurent de Medicis en plein office en la cathédrale Santa Maria del Fiore, joyau de la cité toscane. Mis en échec, ce coup d'Etat se solde par une répression très sévère. Tous les traîtres sont poursuivis et pendus.

 

L'année 1476, point de départ de la série

 

Da Vinci's Demons prend place au tout début de cette conspiration. L'histoire s'installe, sans doute, en 1476, un point du scénario du quatrième épisode renvoyant à l'arrestation de Da Vinci pour sodomie, fait avéré et daté dans sa biographie (qui lui vaudra d'ailleurs dans la réalité deux mois de prison avant d'être relâché faute de preuve et sans doute grâce au discret appui de Laurent de Médicis).

La série, partant, s'écarte de la vérité historique (un simple mécénat) pour développer un rapport de proximité très fort entre Laurent de Médicis et Léonard de Vinci, le second étant amené à créer des armes pour le premier afin de dissuader toute attaque frontale du camp romain (on sait que Da Vinci, en réalité, ne commencera à développer des armes qu'au début des années 1480). Mais le scénario, développé par David S. Goyer (FlashForward en 2010), va beaucoup plus loin encore, s'aventurant sur les terres de Dan Brown : il met en place une caste occulte cherchant la connaissance absolue, à laquelle le personnage de Da Vinci se trouve bientôt intimement lié puisqu'investi de la mission de trouver un artefact dont le sens s'éclaire au fil des épisodes : le livre des feuilles. L'affaire est ainsi entendue : de meurtres en complots, Da Vinci's Demon est avant tout l'histoire d'une quête mystique au long cours.

 

C'est l'occasion de mettre en avant la jeunesse de Leonardo Da Vinci. La série, pour ce faire, n'économise aucun artifice, et met en scène l'esprit créatif de son personnage principal (Tom Riley) avec un sens du baroque et de l'esthétisme indéniable, quoique renvoyant davantage à l'idée que l'on se fait de l'Angleterre shakespearienne qu'à celle de la Florence de la Renaissance. Le personnage de Da Vinci, partant, est dépeint comme celui d'un héros romantique : amoureux éperdu, passionné de connaissance, aventurier, champion d'escrime, rêveur et idéaliste, il semble presque caricatural dans le premier épisode, qui peine à trouver son rythme et son sens. Sa figure heureusement se développe avec davantage de nuance par la suite, mais les créateurs de la série ont visiblement en tête de faire de Da Vinci la boussole morale de la série. Un contrepied total avec la production TV actuelle, qui aime dépeindre ses héros en clair-obscur, et dont on apprécie finalement toute la portée iconique retrouvée : Da Vinci est un héros, et cela ne souffre aucune discussion. On avait presque oublié combien cela pouvait apporter en empathie avec le personnage ainsi présenté.

 

Le ciel et la terre

La série, diffusée sur la chaîne Starz, repose sur une double intrigue. La première tient à suivre le fil des relations de Da Vinci avec Florence et les Médicis, finalement la partie la plus réaliste et la plus convaincante du show pour le moment. La seconde, relative à la quête spirituelle, emmène la création de Goyer sur des terres plus ésotériques, presque chamaniques, et demande encore à trouver sa justification. Un peu de patience : chaque nouvel épisode se révélant un peu plus abouti que le précédent, l'on devrait en savoir davantage très rapidement.

 

Mais ce qui rend Da Vinci's Demons si solaire, c'est sa capacité à mettre en scène le génie créatif de Da Vinci. La plus grande réussite du show, avec la mise en scène de la relation amoureuse unissant Da Vinci à la superbe Lucrezia Donati (Laura Haddock), est ici : soutenu par une bande son de très belle facture, franchement inspirée même, il introduit très progressivement les ingrédients constitutifs de l'idée qui va germer, filmant  la chose comme une succession d'indices qui n'est pas sans rappeler la recette d'Elementary ou du Sherlock Holmes de la BBC. Le crescendo est adroit, servi par quelques effets visuels dont les excès du premier épisode ont vite cédé la place à un sens de la mesure salvateur dans  les shows qui ont suivi.

Pourtant, difficile de dire si ces atouts sont de nature à tenir sur le long terme. La structure de la série, pour l'instant assez redondante (un problème se pose, Da Vinci trouve une solution, si possible en changeant de perspective et de regard sur le monde), pourrait finir par lasser. Les éléments apportés par le quatrième épisode, qui ont déclenché ce premier post, semblent cependant indiquer une capacité de la série à se renouveler et à explorer assez rapidement des pistes auxquelles on n'avait pas nécessairement pensé. Car "la guerre ne se mène pas que sur le champ de bataille", dit un ennemi du génie florentin : l'on est tenté de croire que Da Vinci's Demons est en passe de faire sienne cette maxime ô combien éclairée...