Ma chère Orange,

 

Aujourd'hui, je prends la plume pour te dire que, entre nous, rien ne va plus. Que nous est-il donc arrivé ? Tout-à-l'heure, au téléphone, nous avons eu des mots durs, l'un pour l'autre. Tu me reprochais d'aller voir ailleurs, je regrettais que tu ne prennes pas davantage soin de moi, que tu me considères comme tout entier dévoué à notre idylle. Notre relation, certes, est basée sur la fidélité, nous renouvelons nos vœux tous les 24 mois. Mais de là à considérer que tu n'avais aucun effort à faire pour me garder, il y avait un pas. Que tu as allègrement franchi ces derniers mois.

Cela ne peut plus durer. Lorsque nous nous sommes rencontrés, tu me faisais les yeux doux et tu m'as conquis en me faisant miroiter une relation qui me semblait à l'époque bénéfique à tous deux. Soit, tu voulais un grand train de vie, alors je t'ai livré les secrets de ma carte bleue, escomptant de ta part un usage respectueux de mes finances. Mais, petit à petit, au fil des mois, tu as profité de cette générosité. La contribution dont nous avions convenu au départ le montant a été doucement dépassée, au point que, à chacun de mes écarts, tu en profitais pour te consoler en profitant de ce libre accès sur mes comptes bancaires. Tu me diras que je suis bassement matérialiste, je te répondrai qu'il s'agissait d'une question de confiance. Et je crois que c'est à cause de cela que notre relation s'est peu à peu étiolée. Mes ressources ne sont pas non plus illimitées, mais cela, visiblement, tu l'as un peu oublié.

J'ai bien tenté de t'avertir, de te dire ce que j'avais sur le cœur. Toi, tu me mettais en attente lorsque j'essayais de te contacter, puis tu faisais la sourde oreille lorsque je parvenais à te parler. J'en fus peiné, mais je me disais, à l'époque, que la vie était ainsi faite, que l'herbe n'était pas forcément plus verte ailleurs. Alors, je ravalais ma fierté, tentais de voir le bon côté des choses. Après tout, tous les deux ans, tu me faisais un joli cadeau -ah, cet Iphone-, peut-être histoire de me dire que je comptais quand même un peu pour toi.

Mais je me trompais. Parfois, il faut savoir ouvrir son monde à d'autres expériences. Lorsque j'ai rencontré la petite Free, j'ai ressenti un vrai sentiment de liberté. Free, candide, est venue à ma rencontre en me proposant une relation sans engagement, respectueuse de mes deniers. Elle n'est sans doute pas parfaite, mais elle m'a fait ouvrir les yeux sur la nature des rapports qui nous unissaient. C'est de cela que j'ai voulu te parler, mercredi d'abord, lorsque tu m'as assurée que, sous 48 heures, tu allais changer. Ce vendredi matin, je suis donc revenu vers toi, plein d'espoirs. Et ce que tu m'as annoncé, froidement, a brisé définitivement ce lien qui faisait autrefois notre force. Comment ? Tu voulais, une fois de plus, que rien ne change, si ce n'est que tu me parlais d'un amour illimité à condition que je contribue plus encore à ton déraisonnable train de vie.

Cela, je n'ai pu l'accepter. Je te l'ai dit, tu l'as mal pris. Tu m'as menacé, en m'invitant à partir si cela ne me plaisait pas. Je t'ai prise au mot : sache donc que je te quitte pour ta concurrente. J'ignore de quoi l'avenir sera fait -ainsi en va-t-il des relations naissantes- mais je suis à nouveau enthousiaste et plein d'espoirs. Un jour, peut-être, nous pourrons toi et moi reprendre là où nous nous en étions arrêtés, mais pour cela, il te faudra t'excuser et consentir des efforts que tu n'es pas prête, aujourd'hui, à m'accorder.

Ma chère Orange, ceci est la fin de notre histoire. Mais je veux croire qu'un jour, peut-être, j'y rajouterai des pointillés...

Affectueusement,

Ton chevalier servile