Riche de son passé, Nintendo en tire les enseignements pour mieux défendre son présent compliqué auprès de financiers circonspects sur l’état de la société. C’est ce que révèle le dernier tour de table du président Satoru Iwata, de nouveau frais et dispo pour faire face à l’adversité. Ce dernier ne manque pas d’arguments, mais ils sont contestables dans leur comparaison avec des positionnements concurrentiels révolus. Ce qui n’a sûrement pas échappé au parterre d’investisseurs et actionnaires...
 
Les observateurs industriels de tout bord doutent des capacités de Nintendo à se ressaisir d’une situation de marché où le couple WiiU/3DS peine selon eux à convaincre puis dépasser son précarré de joueurs fidèles à ses produits. Leur proposition s’est résumée dans un premier temps à inciter le fabricant à ouvrir son catalogue de titres au segment iOS/Android avant de presser le dirigeant à un lancement anticipé des successeurs de ses consoles actuellement disponible. L’optimisme forcé d’Iwata l’incite à rejeter en bloc ces recommandations en formulant une hypothèse de marché appartenant au passé glorieux du constructeur.
 
Lorsque la courbe du cycle de vie de la Gameboy amorça son déclin, un titre à lui seul défia les lois implacables du marché en imprimant une seconde jeunesse à cette console rattrapée par sa technologie un rien datée. Le phénomène Pokémon dynamisa les ventes du modèle de poche jusqu’à inverser durablement l’évolution de sa compétitivité (aidée en cela par une timide réactualisation esthétique puis technique de la Gameboy). « Si vous vous rapportez à la théorie communément admise du cycle de vie des plates-formes, vous escompterez de toute évidence une baisse annuelle de X% des ventes de 3DS et dans le même ordre d’idée à une augmentation contenue des performances commerciales de la WiiU » reprend le haut dirigeant pour mieux dynamiter cette thèse.
 
Dans sa grande histoire, Nintendo a toujours su rechercher en elle les ressorts infaillibles afin de se remettre en ordre de marche. Iwata aime à le rappeler : « Pokémon fut responsable des meilleures ventes annuelles de la GB dans la seconde moitié de son cycle de vie », verrouillant encore un peu plus ce marché aux candidats réduits jusqu’ici à de la figuration. S’il n’élude pas la difficulté de répéter cet exploit ni désigner quel titre de son catalogue est en capacité de produire un effet similaire à Pokémon, il s’interdit tout défaitisme. « Ce contexte délicat ne signifie nullement qu’un avenir prospère nous est inaccessible », tance le haut dirigeant. Il en veut pour preuve l’excellente réception critique des jeux produits par Nintendo. Les fondamentaux sont acquis, cependant beaucoup de choses restent à faire notamment sur le plan de la communication. Satoru Iwata cite le paradoxe Destiny/Watch Dog froidement salué par la critique sans que celle-ci entrave leur succès commercial respectif. Avec de meilleures dispositions notamment sur le plan marketing, l’adéquation jeux/vente serait davantage favorable au fabricant selon le responsable.
 
Miyamoto prié de revoir ses gammes ?
 
D’autres opportunités de croissance existent. Elles questionnent néanmoins le constructeur sur son aptitude à assimiler une culture d’entreprise autre que celle qui est adoptée depuis « près de trente ans ». Fidèle à son approche tout en rupture des défis auxquels il fait face depuis son investiture, Iwata suggère aux têtes pensantes de Nintendo dans leur ensemble d’abandonner leur dogme du passé au profit d’une nouvelle manière d’appréhender le processus d’élaboration des jeux vidéo. Ainsi, ce n’est plus l’ingénierie du contrôleur des consoles qui conditionne le concept d’un titre encore moins l’achèvement ou la mise sur pied d’un tutoriel destiné à l’apprentissage des règles d’un univers ludique qui doivent demeurer la norme absolue. Ce fort attachement aux conventions immuables du passé s’est caractérisé par une inertie, « un mur mental presque infranchissable » selon les termes employés par Iwata, dans l’acceptation et la mise en oeuvre « d’un nouveau genre de jeu vidéo [...] doté d’une interface utilisateur inédite ».
 
Mario Maker matérialise la nouvelle stratégie "Minecraft" de Nintendo
 
L’affirmation de l’autorité du président à travers cette nouvelle politique de développement a visiblement porté ses fruits après une période de tâtonnements. « Comme je m’y attendais, les développeurs ont commencé à formuler diverses propositions qu’il m’est impossible de discuter ici avec vous compte tenu de leur phase préparatoire », argumente-t-il. Minecraft est cité comme un enjeu de stratégie interne et externe pour Nintendo. En livrant aux joueurs des outils de création vulgarisés, l’univers d’une licence résiste à l’éphémère période commerciale d’un jeu. Bien plus que par la vente au compte-gouttes de contenus additionnels téléchargeables, le “user general content” semble désormais être le nouveau crédo du géant japonais.