Nous y voilà.

J'avais initialement prévu de t'étaler la publication de l'interview de ce patient (dis comme ça, on se croirait à l'Asile d'Arkham - et ce n'est que partiellement faux) sur toute l'année 2018 avant de me raviser. Le patient s'inquiétant manifestement sérieusement pour la santé mentale de Fache, je décida (ou plutôt nous décidames) de réduire le nombre d'articles afin de condenser l'interview sur le mois de fête qu'il doit être : Décembre. Comment finir l'année autrement que par un feu d'artifice, une coupe de champagne et un bon rail de coke ? Vous l'avez compris, impossible. Trois ans donc après la première partie de son spectable avec feu Gandalfleblanc, l'homme-mystère revient pour nous accorder sa dernière grande fantaisie avant de raccrocher la manette. L'occasion de revenir sur son parcours, ses financements politiques occultes ainsi que sa propension à la digression. J'ai pris la liberté de laisser les pavés tels quels car je ne saurais avoir l'outrecuidance de dénaturer la vision primaire de l'auteur. Notez que le sieur nous a fait grâce de l'écriture inclusive. On a échappé au pire murmure Fache au loin. Vous imaginez un tel lyrisme accouplé à la dernière tendance dans les milieux mondains ? Personne n'en serait ressorti vivant. Moi, y compris.

 

 

 TRAME

 

 I                           Cloud                           6/12

 

II                         Squall                        13/12

 

III                        Djidane                     20/12

 

IV                      Tidus                          25/12

  

V                        Vaan                           27/12

 

VI                       Noctis                       31/12

  

 

 

Copyright Zigendfunk & L.G.A.M.C.

 

 

 IV      Forever

 

Pourquoi Macron ? Pourquoi lui comme idole ?

Ha non, pardon, je retire ce que je viens de dire : mon évidence, c'est lui. L'étincelle vicelarde qu'on devine dans son regard, l'arrogance assumée qui étire son sourire hautain, son allure de trader à la Bourse de Saint Ouin, comment ne pas fondre dans le canapé à chacune de ses déclarations mémorables ? Tant de morgue et de suffisance : plus qu'une idole, c'est un mentor, pour moi.

Comment ça, « j'en fais trop  » ?

Comment ça « je ne suis pas crédible » ?

Bon, ok, j'avoue, c'est juste parce qu'Emmanuel Valls n'était pas libre.

Ceci étant, je tiens à souligner que je ne lui ai dédié qu'un seul post, hein, ne va pas dresser de moi le portrait d'un militant gauchiste forcené. Je suis aussi apolitique qu'agnostique. Faute de foi.

Y a une bourse à Saint-Ouin ?

Ça m'étonnerait, dans la mesure où à ma connaissance, ce bled n'existe pas. Et quand bien même existerait-il que je ne serais pas fichu de le situer sur une carte (la géo, ma bête noire), alors te dire quelles activités financières on serait susceptibles d'y pratiquer... Non, au risque de casser un mythe, j'ai juste choisi le nom de patelin le plus exotique qui me soit venu à l'esprit. Saint Ouin, direct, ça fait rêver. Rien qu'en le tapant, là, comme ça, j'entends presque les poules et les vaches en arrière-plan.

Je crois que BFMTV est déjà allé interviewer une petite vieille là-bas.

En même temps, ça prendrait moins de temps de faire la liste des bleds où BFMTV n'a jamais interviewé de petite vieille...

Pourquoi de gauche ? Macron est de droite non ? J’ai jamais rien compris à la politique.

Pour quelqu'un qui prétend ne rien comprendre à la politique, au contraire, tu me sembles avoir saisi l'essentiel. Pour pasticher une ligne célèbre : "qu'importe le parti, pourvu qu'on ait les primes". Le reste, comme on dit, n'est que littérature.

Pourquoi Tidus ? Pourquoi lui (aussi) comme idole ?

Je refais le coup de l'évidence une troisième fois, ou bien c'est un peu tôt pour les running-gag ?

Oh, oui, je sais que tout le monde attend des histoires de shorts asymétriques, de coupe de cheveux façon Meg Ryan, de rire maléfique pendant dix heures et toute la panoplie du petit Liehd Illustré... mais je préfère, là encore, répondre plus sérieusement.

En l'occurrence : parce que c'est un bon client, et parce que ses fans le sont tout autant. Ce personnage a tellement de côté horripilants, sur le fond comme sur la forme, qu'il était le candidat idéal pour une bonne séance de baffes-o-matic. Tout en lui (ou presque) est comme une perche tendue vers le troll, qui n'attend que d'être saisie avec mauvais esprit. Une véritable invitation à la curée. Pourtant (attention, alerte au scoop !), à aucun moment, je n'avais pas prévu qu'il deviendrait mon souffre-douleur, ni que mon pseudonyme deviendrait étroitement lié à son fichu prénom (que personne ne sait prononcer) (non, Dissidia n'est pas canonique). J'avais prévu de m'amuser un peu à ses dépens comme je l'avais fait avec tant d'autres jeux ou personnages, « parce qu'il le vaut bien », puis de passer à autre chose. Ce sont les réactions disproportionnées des fans qui m'ont poussé à remettre le couvert chaque fois que j'en avais l'occasion. Comme je l'expliquais plus haut, j'ai découvert le net avec Gameblog, et si j'y ai trouvé beaucoup de belles choses (et rencontré beaucoup de belles personnes), je suis également tombé de haut. Il ne me serait jamais venu à l'esprit que des individus prétendument équilibrés, si jeunes soient-ils, puissent se mettre dans de tels états de rage parce qu'un inconnu se moquait gentiment d'un personnage de fiction. Ça a été un choc, vraiment. Sur le moment, j'ai trouvé ça flippant, et particulièrement révélateur de l'évolution des mentalités. J'aurais pu, alors, faire le dos rond et mettre de l'eau dans mon vin. J'ai été tenté de m'y résigner, parce qu'en ouvrant mon blog, je n'avais l'intention de froisser personne : l'humour, me semblait-il, était le meilleur moyen (pour ne pas dire l'unique) de permettre aux éventuels lecteurs de passer un bon moment à coup sûr. Contre toutes attentes, mon but premier, c'était de ne pas faire de vagues. Je n'avais pas l'intention d'emmerder qui que ce soit, et encore moins de foutre les gens en boule. Seulement voilà, quand j'ai lu un tel ou autre tel se rouler virtuellement par terre pour de telles broutilles, perdre tout sens commun et partir en sucette pour un mot soi-disant de travers, je me suis dit que je ne devais pas lâcher de terrain. Au contraire, Dans les faits, je n'écrivais que des âneries très inoffensives, il n'était pas question de faire comme si j'étais en tort, comme si j'avais manqué de respect à qui que ce soit. Résister me semblait aussi pédagogique que d'enfoncer le clou. Je n'allais pas faire comme si mes textes posaient problème quand le problème était dans la tête de certains lecteurs. Si bien que plus les réactions étaient virulentes, plus j'en ai rajouté. Parce que c'était la seule chose intelligente à faire, à mon sens. Traiter ces enfantillages comme on traite ceux d'un môme qui pique une colère parce qu'on ne lui a pas payé un énième Pikachu en plastoc.

Cette parenthèse fermée, je ne m'en suis jamais caché : j'ai fini Final Fantasy X, j'ai fini Final Fantasy X-2, je ne les ai pas beaucoup aimés mais je ne les ai pas détestés non plus. Simplement, je sais me moquer de ce qui me plaît autant que de ce qui ne me plaît pas (la ligne éditoriale du blog m'imposait d'ailleurs de le faire, et je m'y suis tenu). A mes yeux, c'est un minimum qui devrait être commun à chacun d'entre nous.

Le personnage de Tidus a des fans ?

Je te sens moqueur - à juste titre -, mais je vais faire comme si c'était une vraie question (rires). Oui, il a des fans, et par wagons entiers, pas juste deux pelés et trois tondus dans une cellule capitonnée, ou ta petite cousine Eloïse, six ans, qui le trouve "plus mieux bien que le chanteur de Tokio Hotel parce que c'est trop les pauvres qui dorment dans les hôtels". Certain joueurs le voient comme un modèle, d'autre comme un grand frère protecteur, ou une version idéalisée d'eux-mêmes. Et ne parlons pas des joueuses qui le considèrent comme le petit ami idéal... Ils ont des circonstances atténuantes, d'ailleurs, vu qu'il a été créé à ces fins. Il est "beau" (du point de vue d'un adolescent, en tout cas, vu qu'il a une dégaine de World's Apart), il est cool, il est rebelle, il a du gel dans les cheveux, il s'habille mode, il joue au ballon, il plaît aux filles, il est en froid avec papa... bref, acné mis à part, il correspond au portrait-robot de 60% des élèves masculins de collège-lycée, et les 40 % restant rêvent de lui ressembler. Les pontes de chez Square Enix n'ont rien laissé au hasard : la fin de l’épisode IX l'avait annoncé explicitement, le passage à la PS2 serait synonyme de nouveau départ pour la saga.

Or à quoi servent les nouveaux départs, les reboots, les rajeunissements, si ce n'est à courtiser un nouveau public ? En conséquence de quoi le service marketing a-t-il fait ses devoirs avec une méticulosité toute japonaise : d'abord, cibler la tranche d'âge la plus représentée sur console de jeu. Ensuite, identifier les principaux traits communs aux individus qu'elle englobe. Enfin, s'en servir pour bricoler un monstre de Franken-j-pop-stein avec un seul objectif en tête : permettre une identification émotionnelle la plus complète possible, et réduire par-là même les efforts nécessaires à l'immersion in-game. En d'autres termes : produire un réceptacle vide dans lequel les clients pourront se projeter, cœurs et âmes. Il faut dire que jusqu'alors, le J-Rpg était un genre de niche, plus encore qu'aujourd'hui. Un genre "pour vieux". Le tour-par-tour manquait (et manque toujours) cruellement de glamour aux yeux des générations biberonnées au Call of Duty (nombre d'entre eux sont encore persuadés que ce genre n'existe que pour palier à des limitations techniques. Ils ne peuvent pas concevoir qu'il y ait des joueurs qui l'apprécient pour ce qu'il est). Voilà ce qui m'insupporte le plus dans ce personnage : pas son rire nasillard, ni son look à la Zoolander, ni sa façon horripilante de toujours tout ramener à son nombril (alors qu'au contraire de ce qu'il prétend sans arrêt, l'histoire de Final Fantasy X n'est pas la sienne du tout), ni son comportement immature, ni son QI à deux chiffres. Non, ce qui m'insupporte vraiment, chez Tidus, c'est qu'il ne sert pas un projet narratif. Il y est plaqué de force, non pas en qualité de personnage, mais en tant que produit d'appel, d'opération marketing à visage humain (si l'on peut dire). Même chose pour Yuna, d'ailleurs, douce et forte à la fois, qui se fait enlever juste assez pour plaire aux machistes de la vieille école, mais peut également invoquer des grosses bestioles géantes et tout ratiboiser, pour plaire aux chiennes de garde. Autant de procédés qui, à mes yeux, reviennent à prendre le joueur pour un âne, le genre qui s'émerveille d'un miroir pointé sous son nez. Ouvertement, en plus. Sans s'en cacher, en utilisant des ficelles si grosses qu'on ne peut pas les louper. Et ça marche, preuve que les mecs ont bien calculé leur coup : au lieu de s'indigner, de refuser d'être collés dans une boîte, réduits à quelques données statistiques, les fans du blondinet se sentent attaqués dès qu'on ose s'en prendre à leur héros, et ripostent avec d'autant plus de virulence. Ce qui risque fort d'arriver ici en commentaire, je préfère te prévenir. Et crois bien que je compatis par anticipation parce que ça va tâcher. Si tu veux un avant-goût, je peux t'imiter ça, j'ai pas mal pratiqué : "ouais-euuuuh, de quel droit tu dis que c'est un choix commercial t'es qui d'abord crétin pour qui tu te prends sale hater jamais Nojima il a dit ça dans une interview alors c'est que c'est pas vrai CQFD alors qu'est-ce tu dis de ça sale hater j'ai bien mouché mémé dans les orties ?".

Hum.

Non, finalement, je crois que je suis un peu rouillé, c'est encore trop respectueux et trop consistant (rires par anticipation).

T'étais un fan de FF déçu du X ou même pas, juste un concourt de circonstance bien aidé par un chara design de "haute volée" ?

Déçu du X, oui, mais à posteriori. Sur le moment, je l'avais trouvé en-deçà des autres, c'est certain, mais également beaucoup plus beau, ce qui a contribué à faire passer la pilule. Façon prestidigitateur : regarde bien ma baguette (ce n'est pas sale), tu ne verras pas comment je t'enfume. N'empêche que le passage à la gen PS2 représentait un sacré cap pour la licence : on avait longtemps rêvé de personnages correctement modélisés, de balades à l'échelle, de cinématiques HD, il aurait été difficile de résister à des atouts si joliment mis en valeur. Ce n'est qu'en y revenant après coup, après l'avoir mûri, que j'ai fini par me rendre compte qu'il se payait ma tête, ce que je n'apprécie guère. J'aurais pu respecter ces choix, pourtant, si contestables soient-ils. Il aurait suffi qu'ils soient le fruit d'une réelle volonté créative, comme ça avait été le cas avec l'épisode VIII (au sujet duquel j'avais émis des réserves similaires, pour des raisons identiques : scénario incohérent, personnages inconsistants, univers dénué de charme... mais au moins, cet épisode voulait essayer quelque chose de nouveau, pour le meilleur et pour le pire, proposer une approche inédite, et pas chercher le profit avant tout). Hélas, les opus suivants ont confirmé mes soupçons : qu'il s'agisse des épisodes XIII ou de la partie du XII à laquelle Matsuno n'a pas participé, tous roulent sur les mêmes rails et empruntent la même direction, lisse et consensuelle. En regard de ces considérations, Final Fantasy X, pour moi, c'est un symbole : celui de tout ce qui ne va pas dans l'industrie du divertissement populaire, actuellement. Cette tiédeur insipide qui, à trop viser la rentabilité, n'ose plus l'audace et préfère recycler sans fin de vieilles recettes, faire appel à des comités de visionnage, des études de marché, copier-coller sans réflexion ni discernement pour produire sans fin les mêmes œuvres lookées différemment, les mêmes structures narratives prévisibles, les mêmes archétypes à deux sous. Une dégénérescence qui ne se limite pas au seul champ du J-RPG, d'ailleurs, loin s'en faut. Il y a bien longtemps que les films Hollywoodiens ont lâché prise, sur ce plan-là. Les animés japonais, jadis si inventifs, ont finalement suivi le même chemin. Idem pour les littératures d'imaginaire, qui n'en ont plus que le nom. Seules les séries anglaises et certaines productions indépendantes tiennent encore bon face à cette standardisation à outrance, mais pour combien de temps ? Alors tu me diras que le couplet du "c'était mieux avant", on en a soupé, il revient à chaque génération, que c'est la réflexion d'un vieil aigri refusant d'évoluer, mais je ne suis pas de cet avis. Il suffit de comparer les films grand public des années 80-90 et ceux d'aujourd'hui, pour constater objectivement qu'un fossé les sépare. Personne, aujourd'hui, ne filerait de sous à un Bukaroo Banzaï, ni ne laisserait sortir Gremlins sans l'avoir d'abord charcuté dans les grandes largeurs. Est-ce à dire que les talents d'hier n'ont pas su former ou inspirer ceux de demain ? Absolument pas, et c'est le plus triste dans l'histoire. Des talents, il y en a toujours autant, peut-être davantage. Seulement ils sont relégués à la marge, condamnés à s'autoproduire à la façon d'un Jamin Winans : ils n'attendent que de pouvoir s'exprimer, surprendre, détonner, au lieu de quoi on les bride ou on les ignore, pour donner la parole aux petits merchandaillons qui promettent de doubler les mises. Alors évidemment, que ça fonctionne, c'est calibré pour ça. Seulement ce n'est pas parce que ça fonctionne que c'est forcément bon. Ça peut tout simplement être plus accessible, plus facile à appréhender, moins exigeant et donc, moins perturbant. En un mot : prémâché. Au point que les films indés un peu plus complexes ne sont pas compris : les spectateurs n'essaient même plus, ils n'ont même plus l'idée d'essayer, ils se contentent de les noter une étoile et d'écrire des critiques kikoolol bourrées de contresens. A leur décharge, ils sont de plus en plus nombreux à n'avoir connu que les productions au rabais dont on les gave jusqu'à ras-la-gueule, et à n'avoir pas d'autres points de référence. C'est là l'effet pervers des méthodologies institutionnalisées façon Mc Kee ou Lavandier : elles proposent des outils fonctionnels et, là encore, accessibles au plus grand nombre, dispensant l'aspirant scénariste d'avoir la moindre étincelle propre, mais en contrepartie, elles suppriment petit à petit ces fameux "autres points de référence", de manière à amener le gogo à croire que les illusions de règles qu'elles professent sont des vérités transcendantes, nourrissant un cercle vicieux qui tire la culture vers le bas. Alors bien sûr que Final Fantasy X n'est qu'un exemple de cette évolution parmi tant d'autres, et évidemment que mon acharnement est injuste, arbitraire. Je l'ai choisi comme j'aurais pu en choisir tant d'autres à sa place. Il en fallait un, c'est tombé sur lui, fin de l'histoire. Pour autant, que cet acharnement soit arbitraire ne veut pas dire qu'il n'est pas légitime. De la même façon, ce n'est pas parce qu'on en apprécie les qualités (car il en a) qu'on ne peut pas porter sur lui un regard critique, et vice versa. Je trouve particulièrement inquiétant, encore, que la plupart des internautes n'arrivent pas à le concevoir.

Attends, comment tu sais que j'ai une petite cousine déjà !? Et comment tu sais qu'elle s'appelle Eloïse. Et comment tu sais qu'elle vient d'avoir 7 ans ?

Des photocopies, peut-être mais à la DGSE.

Non mais ça, c'est plus un hobby. Je le fais en bénévolat, pour gagner mes galons de bon citoyen. C'est important d'être un bon citoyen. D'ailleurs je veux pas balancer mais j'ai entendu du bruit dans le grenier de Mme Michu.

Quand tu dis "après l'avoir mûri", tu veux dire que ta cave contient des jeux et non des bouteilles ? Le jeu a donc un moins bon goût après mûrissement ?

C'est un peu comme au cinéma. Sur le moment, tu vis l'expérience, tu "es dedans", et pour peu que tu apprécies, l'esprit critique, tu le laisses au vestiaire. Il peut y avoir des points de détails qui vont te perturber ponctuellement, des impressions, des intuitions qui vont te titiller en cours de partie, mais comme tout s'enchaîne vite et bien (ou, disons, pas trop mal), tu n'as pas trop le temps (ni l'envie) de t'arrêter pour y réfléchir.

Ce n'est qu'après coup que tu vas commencer à intellectualiser (si toutefois tu es enclin à ce genre de choses). Et c'est là que les failles et les fêlures vont commencer à t'apparaître et à te faire froncer soucieusement les sourcils.

Bien sûr, avec l'expérience, tu arrives davantage à analyser "en simultané", tu n'as plus besoin de ce recul "après-coup" que pour fignoler les détails. Seulement à l'époque, moi, je n'en étais pas encore là. Je suis un fanboy, rappelons-le à toutes fins utiles.

Mais quand t'es-tu rendu compte de la supercherie FFX, combien de temps après y avoir joué ?

Sur le moment.

Seulement le fanboy que j'étais avait tellement envie d'y croire qu'il a opté pour le déni, et s'est répété en mantra "c'est un Final Fantasy, je suis en train de m'amuser, c'est un Final Fantasy, je suis en train de m'amuser, c'est un Final Fantasy, je suis en train de m'amuser". Je me suis volontairement assis sur mon esprit critique "parce que c'est Final Fantasy et que c'est forcément génial".

Le déclic, ça a été la sortie de Drakengard. Là, tout est remonté d'un coup. C'était tellement mauvais (n'en déplaise aux nombreux et inexplicables fans de cette licence nanardeuse aussi dark qu'un clip de Placebo) que le grand mur élevé par le déni a été fracassé comme sous les coups du Titan Colossal. Après ce jeu, j'ai d'ailleurs arrêté d'acheter les yeux fermés tout ce qui portait l'estampille "Square" (ce que je faisais jusqu'ici). Ensuite,

"Après ce jeu, j'ai d'ailleurs arrêté d'acheter les yeux fermés tout ce qui portait l'estampille "Square" (ce que je faisais jusqu'ici). Ensuite," => ensuite insérer un coin pour accéder à la suite de la réponse :D Enfoiré ^^

Oui, c'est le principe du DLC. Je ne t'avais pas dit que j'avais appris la vie auprès de Square Enix ? Bon, c'est pas tout ça, il va falloir que je retrouve ma réponse, maintenant... Avec plus 'un trimestre de décalage, ça va être coton.

Ensuite, écrivais-je donc, j'ai commencé à porter un regard plus critique sur les nouvelles sorties de l'éditeur, ainsi que sur les précédentes, à titre rétrospectif. Et là, la révélation ! Tout m'est apparu clairement, comme si on m'avait arraché un voile dressé entre le monde et moi ! Je n'étais pas obligé d'aimer de manière inconditionnelle tout ce qui sortait de chez Square Enix ! Rien ne m'obligeait à supporter un surfeur décérébré pendant cent cinquante heures ! Il fallait que je résiste ! Que je prouve que j'existe !

Mais c’est sérieux ça, t’as eu une période où tu te devais de consommer et aimer du Square Enix, c’est étrange ça, leur manipulation mentale va si loin ?

Bah tu sais ce que c'est, non ? Si j'exiiiiste, ma viiiiie, c'est d'êêêêtre faaaaan, c'est d'êêêêêtre fan. Ou ça l'était, à l'époque. Or quand on est fan, on peut dire adieu à son discernement. Mais attention, j'ai des circonstances atténuantes ! Dans les années 80-90, l'estampille Square(soft), c'était un gage d'excellence, un seal of quality, la garantie d'un jeu hors norme et techniquement parfait. La quasi-totalité de leurs catalogue était irréprochable, alors... on finit vite par croire que ça durera toujours. Et comme je n'avais pas la PS2 à sa sortie, j'ai loupé The Bouncer, sans quoi j'aurais compris plus tôt que le vent était en train de tourner.

Quelque part, ce que tu critiques, c'est le système capitaliste (je t'ai toujours soupçonné d'être rouge dans le fond), ce besoin de plaire pour vendre, cheminement logique. Ne serait-il donc pas plus logique de verser une dîme aux éditeurs leur assurant prospérité et les sommer de se montrer audacieux, non pas pour plaire ni pour contenter, ni pour rassurer des provisions. Inverser le système finalement ?

Sur le principe, je suis d'accord à 100%. Sauf que là où je suis plus rouge que rouge (Hellboy, tu te souviens), c'est qu'à mon sens, cette dîme, les éditeurs devraient se la payer à eux-mêmes. Comprendre : plafonner leurs bénéfices pour réinjecter le surplus dans des œuvres potentiellement "à perte", afin d'équilibrer leurs catalogues entre grosses machines à fric et productions aux visées plus artistiques... et ceci, dans tous les domaines, pas que dans le jeu vidéo. Plus particulièrement en ce qui concerne l'écriture romanesque, car c'est encore dans ce rayon que l'écart est le plus grand. Publiez soixante-douze bouquins de bit litt par mois et vingt-deux mommy porn si ça vous chante, mais utilisez au moins le fric généré pour proposer quelque chose d'un peu différent, bon sang. Je comprends bien que se goinfrer de fric, c'est très motivant, mais l'amour-propre, c'est bien aussi, non ? Pouvoir se coucher le soir en se disant "bon, ok, j'entretiens un système de merde qui vend de la merde à des consommateurs pris pour de la merde, MAIS PAS QUE (houuuu, rebelle, je suis vulgaire, t'as vu)", ça ne vaut certes pas une Ferrari, mais c'est une richesse malgré tout, à mon sens. J'suis oldschool, je sais.

Le système capitaliste n'est pas plus mauvais qu'un autre. C'est le non-plafonnement des profits qui pose un vrai problème économique, sociétal et moral. Que Marcel fasse du jeu vidéo pour se doucher au champagne, ok, c'est une motivation comme une autre, mais enfin question preuve de maturité, c'est le genre d'ambitions qui se posent là.

Je ne crois pas que tu sois de la vieille école. T'es de l'école qui n'a jamais existé :D. Si le but n'est pas de s'enrichir et vivre la belle vie, pourquoi vivre ? Pour faire des photocopies ? Et là, j'anticipe le Liehd qui va questionner le sens de l'expression "belle vie" pour me dire que donner du pain au canard à moitié habillé en porte-jarretelle pour madame et en robe de chambre pour monsieur, c'est ça la belle vie :D

Le FBI t'aurait traqué en '56 :/

Attends, il suffit qu'un japonais me voie en porte-jarretelle en train de donner du pain aux canards, et paf, je deviens le héros d'un prochain Final Fantasy !
L'Ecole qui n'a Jamais Existé. Ça me va tout à fait, et ça ferait un chouette titre pour un roman de la série Chair de Poule.

Ceci étant, comme tu l'avais anticipé, je pense que les gens assimilent à tort "gagner beaucoup d'argent" et "la belle vie". Ce n'est ni sain, ni très futé. De l'argent, à partir du moment où tu en as assez pour vivre et t'autoriser quelques petits extras, c'est suffisant. En restaurant, tu peux bien manger pour 20 balles. Ou 40. T'as pas besoin de casquer 150 euros pour un pauvre flan au tofu élevé sur le cul de la Reine d'Angleterre. Le mec qui me dit qu'il est plus heureux parce qu'il a une bagnole d'une brique, je le plains sincèrement, parce que c'est juste de la tôle. Le plus important, il est ailleurs, et il ne s'achète pas.

Tu me files une feuille blanche, un stylo et trois heures de tranquillité, tu fais de moi un Prince.

(Oh, et pour info, le FBI me traque DEPUIS 56).

"Tu me files une feuille blanche, un stylo et trois heures de tranquillité, tu fais de moi un Prince" => c'est un message subliminal pour ta femme ? :D Espérons donc qu'elle lira l'interview ^^

Oh non, c'est un message que j'adresse plutôt à mes supérieurs hiérarchiques, dans la mesure où PYT est assez coulante sur ce plan (ça doit bien être le seul, d'ailleurs, car elle sait bien jouer de la massue le reste du temps …). Espérons cependant qu'ils ne lisent jamais l'interview sans quoi ils pourraient vouloir me rétrograder (encore qu'ils ne pourraient pas vraiment vu que je suis au plus bas de l'échelle - rapport au fait que j'ai le vertige et tout ça).

C'est plus l’extrémisme et le manque de maturité des réponses qui t'as surpris ? Plutôt que cette opposition légitime de fans qui voient leur mythe se fissurer sous le marteau et l'enclume d'un Gamer - rappelons-le - aux mains carrés (c'est plus facile pour taper) ?

Absolument. L'opposition, c'est une dynamique naturelle, normale et saine. Nous avons tous nos propres critères d'évaluation, notre propre façon de ressentir les œuvres, en fonction de notre vécu, de notre culture, de nos attentes et de notre maturité intellectuelle. Autant de vérités humaines qui, forcément, n'iront pas toutes dans la même direction et se tireront la bourre, parfois. Sauf que ça n'empêche pas la courtoisie, le respect, le dialogue, l'ouverture d'esprit. Au contraire : lorsqu'il est question de débats d'idée, l'opposition ne vaut que tant qu'elle respecte ces principes. Sans cela, elle ne peut rien produire de constructif, elle se résumera à une guerre de tranchée puérile dont le seul enjeu sera d'avoir plus raison que l'autre.

Sauf que voilà, la génération internet, toujours elle, a bien du mal à tolérer que des gens puissent avoir l'outrecuidance de ne pas penser comme elle. Chacun ici (ou peu s'en faut) est tellement convaincu d'être le parangon de l'intellectualisme moderne que tout avis contraire est vécu comme une agression, et donne lieu à une réaction proportionnelle en termes de virulence. On ne cherche pas à comprendre, on ne cherche pas à peser, on ne cherche pas à aller au-delà du ressenti. On se sent "frappé", alors on frappe. Et ça, c'est très inquiétant, comme façon de gérer l'opposition. Ça tend à démontrer qu'on n'est pas/plus capable d'accepter l'"autre" dans sa différence. L'incompréhension que cette dernière suscite n'entraîne pas une volonté de comprendre, mais des tartes dans la gueule sans autre forme de procès. Or ce qui a court sur le net est représentatif, dans une moindre mesure, de l'évolution de la société. Laquelle fait froid dans le dos, mais ça n'engage que moi.

Bien sûr, il est malhonnête de ma part de tout mettre sur le dos du web, là où celui-ci n'est qu'un catalyseur. Il n'est que l'instrument par lequel ces attitudes se banalisent, se généralisent et, au-delà, se "normalisent" (au sens de "devenir une norme"). Au nombre des responsables, au risque de paraître réac' (rires), on compte les désaveux parentaux, éducatifs et consorts, toutes ces bonnes intentions qui pavent l'enfer d'un monde humain dans laquelle les individus n'apprennent plus à supporter la frustration, l'effort, l'empathie, l'attente, et tout un tas de valeurs morales passées de mode aujourd'hui.

"L'évolution de la société" ? Mais Liehd, la société n'évolue pas. Le primitif, l'instinct, la violence, ce fut, c'est, ce sera. C'est pour ça qu'il faut purifier les masses et fonder notre secte, la Liehd&Neves Society.

Quand même. On n'a certes pas fait beaucoup de chemin depuis l'époque où on tagguait du bison à Lascaux, mais enfin, on n'en est plus à se taper dessus au gourdin comme au début de 2001 (enfin, pas tous).

L'homme, dans le fond, reste un animal, mais c'est un animal qui pense, qui possède une faculté d'abstraction et qui, cerise de Groupama sur le gâteau, a connaissance des principes ataviques qui le gouvernent d'un point de vue subconscient. Ce qui implique qu'il a le choix. Il peut s'abandonner à sa nature bestiale et s'en servir d'excuse. Ou bien il peut la dompter et la dépasser, dans la mesure de ses moyens. Par conséquent : il peut tendre à autre chose. Avec ses bons jours et ses mauvais jours, mais l'intention a son importance. Il est là, le véritable arbitre. La nature de l'homme "animal social" est duelle. En partie biologique, et en partie "construction conceptuelle". A chacun de choisir de quel côté il veut voir pencher sa balance, en son âme et conscience. Sachant qu'évidemment, il y en aura toujours pour ricaner en disant "qu'il faut s'accepter tel que l'on est", pas parce qu'ils sont plus sages, comme ils le prétendre, mais une fois de plus parce qu'ils sont plus paresseux.  En accédant à la conscience, l'être humain est devenu un "monde ouvert", qu'on peut explorer à l'envi. Là où la plupart des gens se contentent d'y jouer façon Beat'them All.

Du coup, la Neves&Liehd Society, je suis plutôt pour. A condition que ce soit un mélange entre Wolfram&Hart et le duo Locke/Démosthène de la Stratégie Ender.

Faut-il policer internet ? Ou tout du moins l'inquisiter à minima ? Censure nord-co' ? Gardien de la Stagnation ?

J'assume. Oui, il faut policer internet, ça devient même urgent. Il faut également éduquer, et de plus en plus jeune. Internet, en l'état, c'est une grosse poubelle. Un dépotoir à ciel ouvert dans lequel on jette pêle-mêle les bonnes et les mauvaises choses, sans faire de distinction. Ce qui est franchement dramatique, d'un point de vue culturel : numériquement, tout se vaut. La quantité étouffe la qualité. C'est le clic qui va faire la différence. Or le clic, on ne le sait que trop bien, il ne va pas aller plébisciter des articles longs, complexes et cultivés, mais des posts racoleurs (de la postitution, qu'on appelle ça, lol), simplificateurs, réducteurs et souvent erronés. Si bien que ce sont les mauvaises infos qui vont remonter le plus facilement, et être relayées en l'état par un lectorat qui ne sait plus vérifier la pertinence de ses sources depuis longtemps (si tant est qu'il l’ait jamais su).  On retombe là encore sur le clivage Lucchini/Youtubbeurs que j'évoquais précédemment : il ne faut surtout pas faire d'effort, l'internaute lambda ressent la chose comme une agression. Il veut du pré-mâché, du consensuel, du démago et surtout, surtout, du "qui pense comme lui", du "qui dit tout haut ce qu'il pense tout bas" (car l'internaute lambda a toujours raison, évidemment. Il a beau n'avoir rien lu, ne pas maîtriser sa langue, ne pas vouloir réfléchir plus de trente secondes d'affilée, il est convaincu que de tous les individus passés, présents et à venir, lui seul voit juste et sait "ce qui est vrai". LOL).  En ce moment, on a coutume de dire que l'Education Nationale (et au-delà, le gouvernement) nivelle volontairement ses enseignements par le bas, pour "transformer le futur citoyen en un outil sans âme", mais si c'est le cas, les mecs devraient arrêter tout de suite d'investir là-dedans, vu qu'internet s'en occupe quotidiennement, et de manière bénévole. Avec, qui plus est, des résultats probants. J'en veux pour preuve la mouvance "Social Justice Warrior", que j'ai découverte sur le tard et qui, en plus d'être ridicule, se révèle intellectuellement dangereuse.

Pour rectifier le tir, il faudrait séparer le net en deux : l'un officiel, sérieux, contrôlé, auquel n'auraient accès que les internautes accrédités, en "lecture seule" pour les autres ; et un second, ouvert à tous, qui servirait de poubelle et d'exutoire pour le petit peuple.

Et là, paf, tollé d'indignation ! "C'est de la discrimination, de l'élitisme, du snobisme, du nazisme", j'en passe en d'autres mots en "isme" (en oubliant que c'est déjà un peu ce que pratique Gamekult au niveau de ses forums depuis des années). Car tout le monde a droit à la liberté d'expression, enfin, Liehd, as-tu perdu la raison ?

Dans un monde où tout un chacun serait assez mature pour faire un usage raisonné de cette liberté, et saurait poser ses propres limites, moi je dirais "banco", je signerais de suite. Mais puisque de toute évidence, ces prérequis minimaux sont hors de portée du plus grand nombre, c'est alors aux institutions de prendre le relais et de les encadrer, ne serait-ce qu'à titre didactique, dans l'intérêt de ce même plus grand nombre (comme un parent est supposé cadrer sa progéniture, ou comme un individu sous Curatel - les rapprochements ici sont tout sauf innocents). Parce que quand plus haut, je te parle de "petit peuple", je ne vise pas les classes moyennes ou les nécessiteux. Je vise tous ceux qui ne savent pas se tenir, quel que soit le statut, et pour qui l'usage de la liberté, c'est pouvoir faire caca sur le paillasson du voisin parce que c'est trop lol. Parce que la liberté, sans la maturité, ça ne peut pas fonctionner. La liberté "absolue" n'existe pas, parce qu'elle finit toujours par empiéter sur celle d'autrui. La liberté, la vraie, c'est de ne plus avoir à subir arbitrairement les règles dictées par un individu ou une institution, précisément parce qu'on n'a plus besoin qu'on ne nous les impose. Parce qu'on comprend la nécessité de ces règles et parce qu'on se les impose à soi-même, sans avoir besoin qu'on ne nous les souffle à l'oreille. Or dans la vie comme sur le net, on en est loin. J'ai même l'impression qu'on s'en éloigne chaque année un peu plus.

Plus prosaïquement, je suis pour que d'un point de vue symbolique, les organes décisionnels posent de manière explicite que "non, tout ne se vaut pas", et rappellent à tout un chacun ici que nos opinions, ben... on s'en tape pas mal, en fait. Je rêve que les sections "commentaires" des articles ou forums soient soumises à un correcteur orthographique qui empêcherait de poster tant qu'il y aurait plus de deux ou trois fautes par paragraphe. Ça obligerait les gens à se relire, à progresser en français ou à se demander si leur intervention vaut vraiment tant d'efforts. Parce que ça aussi, c'est un gros problème, il me semble, quand on creuse : internet encourage les gens à croire qu'ils ont de l'importance, que leur voix compte, qu'ils sont "quelqu'un", en plaçant le centre de gravité des échanges à hauteur de leur nombril. En témoignent le nombre d'individus qui ne prennent la parole que pour dire "moi j'ai aimé", "moi je n'ai pas aimé" (souvent en des termes beaucoup plus fleuris) (mérogis, lol) et ils ont le droit de le faire, évidemment, je ne le leur enlève pas. Mais enfin, que des gens jugent ce type d'interventions pertinent, ou utile, ou nécessaire, ça me dépasse. Parce qu'osef grave. Qui t'es ? Pourquoi je devrais en avoir quelque chose à cirer de ton avis ? Qu'est-ce qui te pousse à penser que le monde entier souhaite savoir ce que tu en penses, alors qu'il ne connaît même pas ton existence ? Ecris un article, ponds un argumentaire, fais-nous rire, rêver ou réfléchir. Là, ok. Mais balancer ton avis, là, comme ça, sans même y mettre les formes, c'est comme se planter sous l'Arc de Triomphe et gueuler "moi j'ai kiffé Mad Max Fury Road".  Dans la vraie vie, les gens feront comme s'ils n'avaient rien entendu, ce qui est l'attitude la plus rationnelle à avoir dans ce cas de figure. Alors qu'au contraire, sur le net, non seulement ça ne choque personne mais tout le monde va embrayer derrière. IRL, ça donnerait des centaines de gens sous l'Arc de Triomphe en train de gueuler tous ensemble sans s'écouter les uns les autres, et parfois en train de se bastonner. Paie ta bande de névrosés narcissiques, ai-je envie de dire, et tant pis si ça vexe du monde. Moi, vraiment, tout ça me fiche les jetons. J'en ris, là, comme ça, mais j'ai plutôt envie d'en chialer.

Social Justice Warrior !? Connais pas. Qu'est-ce que c'est. Des types qui reprennent les misogynes sur Femme Actuelle !?

Heureux homme que tu es. Ignorance is bliss, comme on dit. Mais oui, c'est un peu ça : des types qui reprennent TOUT LE MONDE, PARTOUT, SUR TOUS LES SUJETS. Si tu n'es pas misogyne et que tu n'es pas d'accord avec eux, tu es misogyne quand même. Parce qu'ils te connaissent mieux que tu ne te connais toi-même. Ils sont les Socrate des temps modernes.  Même si intellectuellement parlant, ils sont plus proches de Platon. Pardon, je voulais dire Pluto (fichu correcteur orthographique!). Quoi qu'il en soit, ils empoisonnent le net avec leur rhétorique fumeuse, qu'il est aisé de démonter (encore faut-il que la personne soit capable de comprendre la démonstration argumentative, ce qui relève plus de l'exception que de la règle) et qui se repose beaucoup sur un vocabulaire néologique inventé exprès pour (du type cis-genre, male tears, mansplaing, etc...).

Comme je l'écrivais dans mon article sur Final Fantasy XV et le sexisme, il y en a même qui chronomètrent le temps de parole des personnages masculins et féminins dans les séries ou dans les films. Ce sont également les mêmes qui ont imaginé plusieurs centaines d'orientations sexuelles et de genres différents sur Twitter. Parce que "mâle" et "femelle", c'est pour les faibles, tu vois. C'est tellement plus badass, de dire qu'on est "Edwardcullenosexuel", tu penses. Ça donne un genre (justement, c'est le but). Généralement, il est d'autant plus facile de les repérer qu'ils collent des é-e-s à tous les mots jusqu'à rendre leur discours complètement illisible et ils prônent un discours "non-oppressif", à savoir qu'il ne faut pas dire "gros" ni "con", mais "un peu enveloppé" ou "déficient intellectuellement", et si tu ne respectes pas leurs consignes, c'est que tu es un gros con. Je sais, c'est un peu contradictoire mais c'est pour ça qu'ils restent entre eux. Il n'y a que comme ça qu'ils peuvent se donner l'impression d'avoir raison. C'est triste, un peu, quand on y pense.

"Pour rectifier le tir, il faudrait séparer le net en deux : l'un officiel, sérieux, contrôlé, auquel n'auraient accès que les internautes accrédités, en "lecture seule" pour les autres ; et un second, ouvert à tous, qui servirait de poubelle et d'exutoire pour le petit peuple." => Oui le Darknet, la Dark Army ... attends, putain c'est toi Whiterose !!!???

Oh non, rien de tout ça. Non, je pense à internet tel qu'il existe déjà, auquel on collerait un palier "supérieur" accessible uniquement aux contributeurs dont la pertinence aura été institutionnellement reconnue : les historiens, les sociologues, les professeurs assermentés. Ça n'empêchera pas le bullshit, c'est certain, parce qu'avant d'être un spécialiste, on n'en reste pas moins un homme. Mais on réduirait ainsi grandement les risques de désinformations et on cesserait d'entretenir cette fausse idée (si commode) comme quoi "tout se vaut" et comme quoi "oué mai c pa paskon a pa de diplome kon peu pa savoir la vérité vré dabor".  J'ai toujours pris le parti du peuple contre les élites mais quand ledit peuple se prend lui-même pour une élite alors qu'il ne sait pas orthographier Dylan convenablement, je n'ai aucun scrupule à retourner ma veste. Elle est comme nos éditions collector préférées : elle a une jaquette réversible.

C'est vrai qu'on sent un reliquat de Diktaliehd dans tes derniers propos. Quand on commence à dicter ses règles et à priver les libertés fondamentale(ment) débilitantes, on s'approche dangereusement du Despotisme. Mais en soi ce n'est pas une mauvaise idée. Mais c'est comme dans la vraie vie dehors, pas de règles = anarchie. Quoi que même en en imposant ... En fait, plus qu'une Ecole de Bonne Tenue, c'est Liehdland qu'il faut créer. (Le Royaume, pas le parc d'attraction)

Le Royaume que tu évoques (soupir... aaah, si seulement...) ressemblerait quand même pas mal à un parc d'attraction, il ne faut pas se voiler la face. Et je collerais discrétos du Prozac dans la barbe à papa. Mais oui, tu n'as pas tort, c'est exactement ça : on fait tout un foin de la liberté, dont on se fait une fausse idée infantile (la liberté c'est quand on peut faire tout qu'est-ce qu'on veut !) et qu'on considère à tort comme un idéal positif  dont il n'est pas possible de remettre la légitimité en question (non mais y'a encore des gens qui lisent cette interview ? Franchement ? !). Puisque je suis lancé en mode réac' depuis un paquet de lignes, il y a un vieux dicton que les parents d'aujourd'hui oublient d'apprendre à leurs mômes, j'ai l'impression : la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Si tu ne respectes pas ce principe minimal, tu n'as pas la maturité nécessaire pour jouir de cette liberté, et tu as donc besoin d'un encadrement "despotique" jusqu'au jour béni des dieux où tu grandiras dans ta tête et où tu sauras te passer de ces garde-fous.  Sans cela, en effet, on bascule dans l'anarchie et quand on voit ce que ça donne sur le net, on n'est pas forcément pressé de voir la même chose IRL. Perso, je n'aime pas les séries de zombies. La liberté, finalement, c'est un peu comme le vélo cross : si tu dois garder les petites roulettes jusqu'à 70 ans, ben on te laisse les petites roulettes et puis c'est marre, sans quoi on risque de faire exploser le budget mercurochrome.

Sur le net, on a tendance à confondre "liberté" et "impunité". Le concept de liberté n'est plus ni compris, ni respecté : il ne sert que d'excuse et de paravent pour justifier l'injustifiable. Si celles et ceux qui se sont battus pour que nous puissions en bénéficier nous voyaient, ils auraient honte de nous, vraiment.

« la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres » => en fait, je crois que tu comprends le truc de travers. Si un mec fait du cross à fond les ballons à 3h du mat’ juste devant chez toi, ce n’est pas de l’impunité, c’est juste que le mec respecte la règle, il a juste plus de liberté que toi. Maintenant que tu le sais, il te reste à bien fermer ton clapet. Ou charger ta carabine. Pour inverser la tendance.

Il ne peut pas avoir plus de liberté que moi vu que dans l'absolu, la liberté n'existe pas. Il "pense" en avoir plus que moi, ce qui lui confère ce sentiment d'impunité, mais dans les faits, moi aussi, je pourrais faire du cross devant chez lui à trois heures du mat' avec la sono à fond la forme. Ce qui m'en dissuade, outre le fait que je sois allergique au sport, ce n'est pas que je suis moins libre que lui, mais ma capacité à concevoir mon prochain comme un autre moi-même (cette "empathie" qui, selon Philip K.Dick, distingue les humains authentiques des robots-humains - bien sûr, il parlait ici au figuré. Il vaut mieux préciser, avec lui). Si tu comprends comment fonctionne la société, tu en acceptes les règles, pas parce que tu les juges justes ou légitimes, ou parce que tu es un mouton, mais parce que tu en saisis la nécessité. Tu renonces sciemment à une part de ta liberté par respect pour la liberté d'autrui, sans te soucier de savoir si tu le connais ou non, par principe, parce que tu le reconnais comme ton égal. C'est tout le problème aujourd'hui : sortis des sphères familiales/amicales, les gens ne considèrent plus leurs semblables comme tels, mais comme des éléments du décor, des objets, des nuisances ou des marchepieds. Ils n'ont aucun scrupule, aucun remord à en tirer avantage, profiter d'eux ou leur faire mal parce que symboliquement, ils ne leur reconnaissent pas le statut d'hommes à part entière - ce qui, du reste, caractérise le fonctionnement des psychopathes. Aussi le comportement des gens vis-à-vis des règles ou de leurs semblables est-il plus révélateur de leur véritable intelligence, de leur humanité et de leur santé mentale que tous les grands discours ou les tests de QI du monde.

D'ailleurs puisqu'on en parle, à titre personnel, j'aimerais bien que quelqu'un m'explique rationnellement pourquoi CERTAINS AUTOMOBILISTES NE SONT PAS FICHUS DE COLLER LEUR PUTAIN DE CLIGNO QUAND ILS CHANGENT DE DIRECTION ?! HEIN ? POURQUOIIIIIIIIIIIIIIII ?!

Je veux dire... ça peut pas être parce que c'est compliqué, quand même ! Ou parce que c'est fatigant ! Alors quoi ? Est-ce que c'est une façon de dire aux autres "OSEF de vos gueules, démerdez-vous, vous méritez même pas que je lève vaguement la main pour actionner mon bidule" ? Sérieusement, j'ai beau y réfléchir, je n'arrive pas à envisager une seule bonne raison à ça. Or comme c'est davantage la règle que l'exception, de nos jours, je suis perplexe. Et inquiet.

fin de la quatrième partie.

2014-2017 Time Neves, c'est dans la boite Réservé.