Phoenix est un film allemand. Probablement en tout cas. Puisque je l'ai visionné en allemand. Peu de chance qu'il soit Austro-Hongrois, l'Empire ayant été défait au sortir de la Guerre de 100 ans. Quoi qu'il en soit, c'est en feuilletant la page des films sur canal à la demande pour ne pas citer mes sources que je tombai sur cette même affiche ainsi que son pitch. Assez intriguant pour faire un petit tour sur mon site de confiance officiel de validation de visionnage : Allociné. Ca peut sembler puéril voire immature si ce n'est inconsidéré de ne s'en remettre qu'à la moyenne des notes de la presse française compilé sur le dit site mais 9 fois sur 10, ça marche. Et celle-ci n'a pas dérogé à la règle. En sachant que je ne suis absolument pas l'actualité du cinématographe, c'est de toute façon ce mode de fonctionnement ou rien.

Phoenix nous renvoie en 1948 au sortir de la Seconde Guerre Mondiale en Allemagne, une fois n'est pas coutume. Ne serait-ce que pour cela - et dans la veine d'un Deutschland83 ou Unsere Väter, Unsere Mütter qui à l'instar des 2 autres mastodontes Goodbye Lenin ! et La Vie des Autres - le film mérite mon intérêt. Le positionnement allemand plus que le point de vue allemand sur ces éléments historiques du XXième siècle me fascinant toujours autant que ce soit par leur expression (les oeuvres sus-citées) ou par leur affreuse rareté. Pour ne rien gâcher, le film se veut de surcroit déroutant. A vrai dire, à la lecture du résumé, je ne m'attendais pas du tout à un tel traitement, une telle vision. La conséquence ? 40 premières minutes horribles puis la scène qui fait comprendre d'instinct la note avantageuse que le consensus critique lui a décerné et là, tout commence vraiment ou plutôt, tout ce qui vient de se dérouler prend tout son sens et définitivement l'ampleur qu'ils méritent.

Je m'en voudrais presque d'être si expéditif dans mon jugement (et donc impatient) quand je compare mon sentiment (légitime !) au début du film et celui bien différent au sortir des crédits de fin. Mais, revenons-en au synopsis, je vous sens un brin hésitant. Au lendemain de la WWII, Nelly, une survivante de l'Hollocauste portant sur son visage les stigmates atroces de son internement en camp de concentration est recueilli par son amie Lene (oui, c'est un prénom - allemand), elle, visiblement épargnée par les répercussions de la guerre. Nelly est défigurée et subit une reconstruction faciale - prenant l'apparence d'une autre - afin de continuer à vivre, tout simplement. On passera sur la reconstruction faciale en 1950 qui parait un brin avant-gardiste mais peut-être suis-je tout simplement tort de croire que la première date de 2005 (auquel cas, vous me corrigerez poliment, j'espère). C'est l'un des trucs qui m'avait d'ailleurs dubitater (transitif de l'action d'être dubitatif) avant le fameux tournant une fois la scène centrale de l'oeuvre en point d'orgue.

Le film a de déroutant au début qu'il s'apparente clairement à un court métrage dans le fond et un long métrage (90 minutes) dans la forme. Ce qui est pour le coup une critique négative pendant la moitié du film donc (on en revient toujours à cette scène aussi révélatrice qu'évocatrice), devient par la suite une critique positive et finit par incarner la thèse même du billet que je vous propose. Très rapidement, le spectateur se rend compte que le nombre de personnages principaux et secondaires ne tient que sur les doigts d'une main. Je répète pour les malentendants : "sur les doigts d'une/eins/one/uno manita". Pire ! Les décors. Il ne vous faudra pas énormément de lieux différents pour comprendre que le cadrage serré que propose le réalisateur Christian Petzold sur le décorum illustrant et accompagnant les scènes jouées tient autant par le budget un poil serré du film que par l'orientation qu'il veut bien se donner. Ainsi, à l'instar de pas mal de court-métrages que j'ai pu découvrir lors de ma brillante carrière de simple spectateur, un bon nombre sont recyclés à intervalle régulier en fonction du développement du scénario, le restant constituant tout simplement le pied-à-terre des scènes les plus marquantes de l'oeuvre.

Je suis en train de me rendre compte que je n'avais pas fini sur l'histoire. Je reprends. Une fois refaite, on ne va pas vraiment assister à la reconstruction psychologique de notre protégé mais prendre part à sa quête : retrouver son mari - en théorie épargné par les Nazi, lui. Ce qui semble vain au premier abord- comment retrouver quelqu'un sans Facebook, sans Twitter, sans Instagram et sans faire de Selfie en 1948 sérieux !? - va finir par se réaliser et alors là, il vaut mieux que je me taise parce que cela serait vraiment gâcher tout ce qui fait du film, du scénario une réalisation surprenante et à part. Le film est beau mais les quelques acteurs/actrices composant son affiche le sont aussi. A commencer par cette fringuante Nelly - Nina Hoss - dont on ne soupçonne mais alors pas un seul instant la grande force qui l'anime tant elle apparait décomposée suite à son expérience traumatisante et la perte de son identité quelque part. Son Johnny n'est pas en reste, incarné par un Ronald Zehrfeld aux accents de Russel Crow allemand (la ressemblance est troublante), le jeu (double-jeu ?) du sieur étant saisissant, tout comme ses desseins peu académiques ... L'amie de Nelly, Lene, étant à mon sens un personnage un peu trop en retrait (aussi bien dans les apparitions que la portée même si on la voit beaucoup sur la première moitié) pour qu'on puisse parler de trio. Véritablement, ce duo, ce couple qui n'en est pas/plus un porte aussi bien les stigmates d'une époque, d'une cruauté qui ne dit parfois pas son nom, que le film en lui-même.

Phoenix porte bien son nom. Vous assisterez bien à la renaissance d'une jeune femme. Par pur respect, je ne tenterais pas la vanne des cendres, du Phoenix et de l'Hollocauste puisque je pense qu'on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui mais ah merde, trop tard, ça m'a échappé. A travers le spectre intimiste de son casting, de sa réalisation comme des quelques lieux traversés sur l'ensemble, le cinéma de Christian Petzold se propose à travers le prisme de reconstruction matériel d'après-conflit (qui aurait clairement pu être substitué par un autre) de s'attacher à l'immatériel. La reconstruction de l'esprit, la reconquête de l'amour, la nature désincarnée de l'humain sont autant de sujet entrelacé qui n'auront que cesse de nous titiller. Entre désir charnel et cupidité maladive, Phoenix n'épargne rien, ni personne, quel que soit l'issue et la supposée morale sous tenante, l'humain en ressortira gagnant. Enfin, je crois.

 

2014-2016, Time Neves, Le retour du Zhibou Reserved.