III Emprunté

 

Une formule miracle addictive comme je le mentionnais. Addictive, certes mais limitée dans le temps. Personnellement, au bout de 2 heures, j’en avais ma claque sévère de trimballer ma carcasse aux 4 coins du monde pour finalement toujours faire la même chose : laisser à trépas tous mes opposants et fouiller tous les recoins. Et c’est précisément en constatant cette situation de lassitude que le terme addictif prend tout son sens. Le jeu et sa structure sont ainsi conçus qu’il est difficile de résister à l’appel du spectre même 24 heures plus tard tant le sortilège prend de l’ampleur au fur et à mesure que le temps s’écoule depuis la dernière session de jeu. On a beau se dire qu’on y va juste pour décharger une nouvelle fois 2000 munitions en 2 heures, ça fonctionne ! On rapplique et sans vraiment broncher. Un complot je vous dit !

L’alchimie entre les différentes composantes composant le jeu est donc quasi-parfaite, on dégomme tantôt du sac à PV, tantôt des ennemis un peu plus dimensionné à la mesure de notre talent et puissance de feu, on jongle entre son arsenal et ses capacités et on vient à bout de la menace si possible au moyen d’un acte valant la Purple Art et on se récompense en lootant, une fois de plus, une fois encore. La mécanique est rôdée et ne joue pas vraiment sur notre reconnaissance du plaisir et de la qualité d’une mécanique mais sur notre faiblesse de joueur en manque. Sur notre addiction, ponctuelle, localisée certes mais notre addiction, point. Le cheval de Troie est en place. Certains diront que c’est le contrecoup à encaisser pour être épris dudit titre, d’autres que le procédé est quand même bien batard (et réfléchis !) pour qu’on l’accepte sans broncher.

Reste que j’accepte volontiers la donne si le jeu poursuit un but scénaristique. Personnellement, à moins qu’un jeu renouvelle sans cesse ses mécaniques et ses situations (genre SuperMario3DWorld), j’ai besoin d’une carotte pour avancer. J’ai besoin d’un but final ou à minima jalonné. Découvrir le fin mot d’une histoire et bien sûr ses multiples développements avant d’y parvenir fait indéniablement parti de mes aspirations de joueurs. Donc, non, le scénario post-it, ça ne marche pas. Sauf quand encore une fois, il est très malin. J’en reviens une nouvelle fois à Borderlands qui propose de se mêler à la lutter pour mettre la main sur l’Arche conférant ultime pouvoir à qui de droit la découvrait. Les développements, twists et autres évolutions n’étant en soi pas si intéressants que je l’aurais espéré mais étant plus que largement compensés par un soin accordé aux personnalités très marquées rencontrées  le long de l’aventure.

La limite que j’entrevois donc à ces titres au combien fédérateurs que sont Destiny et TheDivision intervient dans l’aptitude du scénario à répondre à des enjeux un brin captivant (en eux-mêmes ou comme le fait très bien Borderlands par les acteurs qui foulent ce monde). Pas besoin d’avoir joué à Destiny pour savoir que l’histoire du jeu correspond à une entrée en matière, une mise en bouche, un prologue et qu’il aura fallu 4 fois moins de durée de vie à la campagne du Roi des Corrompus pour livrer une copie plus conformes aux veines attentes qu’on avait osé placer de ce côté-là du titre. Je comprends les aléas de développements mais là, faut pas déconner, Borderlands n’était même pas en Cell-Shading 3 jours avant sa parution (j’exagère à peine le trait), mais faut pas déconner. Quant à TheDivision, il est encore trop tôt pour se prononcer mais les retours indiquent malheureusement un scénario aussi  prétexte que bidon.

C’est que l’enjeu pour ces 2 jeux se situe passablement ailleurs. Borderlands qui n’était « qu’un » FPSRPG pouvait peut-être concentrer plus d’efforts sur une trame narrative correcte. Destiny et TheDivision qui intègrent (souhaite intégrer) une dimension sociale et multi conséquente mettent alors les œufs dans le panier d’à-côté. Et tant pis pour moi. Bien que disposant d’un multi (à 4 qui plus est), l’épopée en groupe de Borderlands s’arrêtait au partage d’une campagne. Contrairement à ces 2 acolytes, l’enjeu n’était pas de construire certains piliers du jeu - pour ne pas dire le principal – sur les aspects compétitifs, coopératifs entre joueurs.

Ainsi, la fin narrative n’est pas une fin en soi et la faim post révélation finale est conservée par une quantité phénoménale de DLCs, patchs, ajustements permettant au titre de conserver l’intérêt qu’il n’a jamais vraiment eu scénaristiquement et qui dans le cas contraire est entériné depuis la révélation finale. La particularité – et ce, contrairement à la démonstration que je prophétisais par l’exemple (Borderlands) – de ces 2 poids lourds résidant dans le fait que la montée de niveau, la découverte d’artefacts et l’acquisition de capacités conservent encore un intérêt une fois la courbe de progression scénaristique stoppée. Rassurant dans une certaine mesure puisque le scénario tient sur le ticket de métro de votre copine. Cette dernière phrase est sujette à libre interprétation.

C’est ainsi tout l’intérêt pour certains (ou tout le désintérêt pour moi mais on ne choisit pas ses gouts), se retrouver avec l’objectif de se surpasser tant au niveau de la maîtrise des commandes conférées par le jeu (le gameplay) que de la stratégie pour battre un Boss 4 fois plus monté (en niveau hein) que la somme qu’atteint le level de chacun des membres de votre escouade. Un but noble en soi, un but finalement dévoué au cœur de l’expérience d’un jeu tout compte fait : son gameplay (et son level-design tant qu’à faire). Louable même si in fine, la mécanique addictive à coup de patchs, raids, missions temporaires, quêtes un brin repoussantes, loot aléatoire, n’en prend que plus, de l’ampleur. Encore une fois, on acceptera ces mécaniques un tantinet manipulatrices ou non. Sans réserve ou pas.

 

IV Bourse

 

Ce modèle nécessite du joueur qu’il s’investisse en temps (ce n’est pas un problème, des jeux longs et prenants, c’est ce que le consensus international demande à l’heure des jeux indés à 20€) mais aussi en argent. Activision a souscrit un emprunt pour développer Destiny et joueurs, il va falloir le rembourser ! Alors, au pas, arrachez-vous les éditions collectors (forcez les éditeurs à commander de nouveaux tirages), souscrivez au season pass, précommandez la version jour 1, etc. Etc. Bon, je fais mon anticapitaliste l’espace d’un paragraphe mais Destiny ou TheDivision ne procure pas plus, pas moins de plaisir que d’autres jeux. Ca ça dépend de chacun, de ses affinités et beaucoup y voit le genre providentiel au même titre que moi, je vois dans les Chupachups aussi un genre providentiel. Donc, il faut l’accepter et je l’accepte.

D’autant plus que je fus au moment du teasing parcimonieux de Destiny ou encore du One More Thing 2013 d’Ubi l’un de ceux qui étaient en passe de retourner sa veste. Celui qui n’avait jamais utilisé le PSN (en dehors de LitttleBigPlanet, mais lui, ça ne compte pas) et qui pour ces expériences envoutantes (dans la plastique comme dans les mécaniques – le souci du détail de TheDivision est assez bluffant) s’apprêtait même à souscrire à un abonnement pour jouir des possibilités multi-joueurs. Seulement, j’espérais une carotte différente. J’espérais un fil conducteur me donnant envie de réaliser tel ou tel forfait, d’effectivement me délecter du gameplay comme des perspectives d’évolutions du personnage (cosmétique, capacitif, puissance) tout en combattant pour une finalité tout en découvrant l’univers. Et même si dans les 2 cas, il y a bien une quête principale, son exécution semble unanimement foirée et ou en deçà des espérances.

En réfléchissant un peu plus loin que mes simples volontés de joueur soliste, et même si je ne suis pas partisan des jeux sans fin, mais puisque j’ai expérimenté la nature addictive de la formule sur Borderlands ; j’imagine sans trop de difficultés les habituels arpenteurs de multi des FPS ou TPS phare de l’industrie se retrouver dans un synthèse de ce que la dernière décennie de tendances à formuler : shooter, hybridation de tous les genres avec des mécaniques propres aux jeux de rôles et enfin multijoueur (massif dans la mesure du possible). Cette mouvance relativement jeune d’un point de vu gamedesign (créant d’ailleurs un genre) doit cependant d’un suivi régulier impliquant une politique de contenu comme tarifaire douteuse. Pour changer.

Jouir de Destiny sur la durée, c’est accepter de payer le jeu au prix fort quel que soit le moment choisi pour jeter son dévolu sur la relique d’Activision dans la mesure où le suivi opéré par les développeurs pour rajouter à intervalle régulier (tous les 3 mois pour les extensions, tous les mois pour les patchs de ré-équilibrage) du contenu est partie intégrante de l’expérience. Ce n’est pas un hasard si l’extension majeure Le Roi des Corrompus a raffler le hit-parade des téléchargements sur le PS Store. Bien sûr, tout le monde ne joue pas à Destiny une fois la campagne bouclée et tout le monde ne se rue pas sur les extensions m’enfin une part non négligeable de joueurs doit en tout cas se satisfaire à minima des menues évolutions gratuites du jeu instaurés via la ribambelle de patchs après-ventes. Si l’on en croit la revendication de la vingtaine de millions de joueurs actifs de la part d’Activision.

Encore une fois, en soi, l’évolution des pratiques tarifaires ne me dérange pas tant que ça dans le sens ou un jeu ne se définit pas tant par rapport à son cout que par le plaisir intense et/ou constant qu’il procure (si en plus, il le fait sur la durée, le sentiment de retour sur investissement n’en est que plus accompli). #Driveclub, Splatoon, Hitman, LifeisStrange, sans aller jusqu’au meuporg pour shooter en mal de loot, les jeux empruntant de nouvelles voies pour fidéliser le joueur sur la durée sont de plus en plus nombreux à franchir le pas. Même si la facture pour Destiny peut allègrement atteindre le double du prix du jeu de base, peut-être que l’expérience en vaut largement le coup/t, c’est à chacun de se faire son idée et je suis d’avantage du côté de ceux qui pensent que l’investissement en vaut la chandelle lorsqu’on est client du concept (là encore, en me projetant depuis ma seule expérience dans ce qui ressemble en partie à ces expériences : Borderlands).

Ce qui est plus dérangeant par contre, c’est le fait de payer pour des promesses. Ça, je ne comprends pas trop. Bon, en disant ça, j’en suis limite à reconsidérer la notion de season pass avant que le contenu soit sur orbite mais j’ai un peu de mal avec ces titres qui promettent mais qui ne les tiennent pas. Ou alors partiellement. Parce que le joueur a tendance à vite fantasmer (moi le premier) sur ce qu’allait être la grande épopée spatiale Destiny, le niveau graphique de Watch Dogs ou TheDivision. D’aucun me répondra que le suivi de Splatoon comme #Driveclub n’a pas déçu, que les futurs contenus de TheDivision ou Destiny sont alléchants, que les Raids comme les quêtes nivellent le niveau par le haut et répondent à un désir de défi (limite infaisable seul) de la part de la communauté. Oui mais. Oui mais à trop valider des pratiques étonnantes pour ne pas dire à la lisière de franchir la ligne jaune, on risque de se retrouver avec la fin du jeu en DLC. Ah merde, ça a déjà été fait. Assassin's Creed II. Ubisoft. 2009.

 

 

fin de la deuxième partie

 

 

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