Bit Murton (vous comprendrez en temps et en heure) revient sur le devant de la scène avec dans ses escarcelles le duo Amy Adams/Christoph Waltz pour nous conter la véritable histoire de Mr et Mme KEANE, peintres émerites des Fifties, Sixties et Seventies, et faussaires aussi. Tiré de réels faits, il ne s'agit pas là d'un éhontable spoiler mais bien du coeur du sujet, comment un couple a pu trompé son monde pendant tant d'années. Côté face le génial vendeur Mr KEANE et dans les coulisses la réelle artiste Mme KEANE. Le film ne se fait d'ailleurs pas l'avocat d'une quelconque intrigue, au bout de 10 minutes, on sait déjà tout de la réelle personnalité de Mr KEANE, et on ne cherche pas à déceler un quelconque retournement de situation, il n'y en aura pas. Il s'agit simplement d'assister à l'évolution psychologique d'une entreprise qui ne laissera aucun des 2 protagonistes indemnes.

Même si je ne suis pas un grand connaisseur du 7ème Art, je ne suis pas un théologien comme le grand Zhibou, j'ai été frappé par la colorimétrie très chaude du film. Un régal. S'il s'agissait d'un Woody Allen. Mais où est passé le Tim Burton (et pas son cousin au quarantedouzième degré Bit Murton pour le coup), le vrai ? J'ai envie de dire et même si l'excellent Charlie et la Chocolaterie est passé par là qu'il y a trop de couleur et - en apparence - joie pour qu'on puisse testifier sur l'honneur qu'il s'agit d'un Burton. Qui aurait deviné que c'était lui le réalisateur du film si il n'y avait pas écrit son nom en gros sur l'affiche, qui ? C'est bien ce que je pensais ... Qu'à cela ne tienne, l'avantage est d'être dérouté et quelque part satisfait de voir Bit Murton se diversifier. Et tenter de plagier son ami Woody. Je blague. Il ne s'agit pas de juger le changement d'orientation du cinéaste mais bien de l'oeuvre : Big Eyes. Et oui, je les ai fait les gros yeux ... (facile, celle-là).

Big Eyes, c'est un film - à mon sens - plus porté par son duo d'interprètes - respectivement Amy Adams toujours aussi crédible lorsqu'elle est parachutée 60 ans en arrière et Christoph Waltz que je ne connaissais que vaguement puisque je n'ai pas vu deux des principaux films dans lesquels il a tenu un rôle : le très mauvais Inglorious Basterds (je vais me faire des amis) et Django Unchained. Tarantino, c'est plus que c'était. On accuse Christoph Waltz de sur-jouer son rôle de faux-gentil (vrai truand) dans Big Eyes comme on aurait pu accuser Amy Adams de sous-jouer son rôle de ménagère en manque d'assurance et de confiance docile face à une figure un brin affirmé. Je pense dans les 2 cas ne pas être d'accord. Il est difficile de juger là comme ça le jeu d'acteur tant je ne dispose pas de référentiel. J'ai fait du théâtre dans ma jeunesse. Cette tournure de phrase me donne un coup de vieux inatendu. Mais peut-on réellement parler de théâtre quand il s'agit d'amateurisme sans cours magistral à la clé ? Et bien entendu, je n'ai pas étudié une seule seconde l'univers du cinéma que ce soit à la Sorbone ou en Free-lance. J'ai eu le sentiment d'avoir 2 acteurs jouant juste. Ni un jeu exceptionnel, ni un jeu exécrable. Un jeu calé. Pas de quoi en faire tout un plat.

Puis bon, si l'un surjoue, l'autre sousjoue donc l'ensemble joue, non ? Ce qui est il me semble, tout ce qu'on leur demande. Oui, Waltz fait une tonne de mimique aussi tirée que forcée, et alors ? Personnellement, je l'ai très vite intégré comme une composante du personnage et non de son interprête, et c'est passé café-crème tout le long du film ! Oui Adams semble un peu en retrait, effacée. Elle n'en demeure pas moins invisible et à l'instar de son partenaire d'un film répond à ce besoin d'accentuer le jeu. Trop suggéré diront les détracteurs. Moi, je ne crois pas. C'est à mon sens une exagération (sur mise en avant de l'un et sur mise en retrait de l'autre) bienvenue qui pourrait s'apparenter à un choix réfléchit de mise en scène et non à un ratage dans la direction d'acteurs. C'est comme ça que je le perçois. Et qu'on ne s'y méprenne pas, ce n'est pas Waltz prent tout la place à l'écran et Adams dont on pourrait aisément regarder à travers, l'affiche comme la scène sont bien au contraire partagées équitablement entre les 2 protagonistes. Simplement, il y a clairement un ascendant de Mr sur Mme, tant en terme d'emprise que de personnalité.

Parce que Mr KEANE est ce qu'on appelle dans notre jargon un beau parleur. D'autres appellent ça un escroc. Moi j'appelle ça un banquier. Ou un assureur. Parce que Mr KEANE est frappé d'un syndrome bien connu chez l'homme vénal (on en revient toujours au banquier) : la folie des grandeurs. Pourquoi rouler dans un tas de férails quand on peut dormir dans un manoir ? Le film - rappelons-le - n'est pas inspiré de faits réels. Il narre des faits réels. Le bon en arrière est à la fois saisissant et réussi. On s'y croirait dans ce Los Angeles des années post-guerre. A ce titre, la photo aussi joviale que richement colorée s'imbrique parfaitement dans l'entreprise de façade du couple. Celle qui les voient vendre le fruit de leur talent (mais qui a lequel ? Telle est la question) artistico-commercial aussi bien à des bobos en mal de dernière acquisition qu'a monsieur-madame tout le monde. L'art à diffusion de masse. Une photographie tout aussi capable de s'émanciper de ce cadre idylique pour contraster amèrement avec cette love-success story de façade. Une noirceur détonante, celle du cadre (moment de la journée, exiguïté de la pièce) comme de l'âme, comme pour nous mieux nous montrer la vraie réalité, celle des coulisses.

Big Eyes n'est clairement pas un film à suspense. Même si, n'étant aucunement au fait du dénouement de la réelle histoire, le film peut présenter un intérêt de ce point de vue là. Qui survivra à la tourmente ? Les deux, l'un des deux, aucun des deux ? Envoyez votre réponse au ... Une potentielle dimension tragique du drame jamais vraiment effleurée par le métrage même si une scène en particulier instigue un soupçon de doute quand à l'issue heureuse de cette escalade conjuguale. Une scène qui aurait gagnée à être plus poignante - et cela sera mon principal grief contre le film - puisque celle-ci, bien qu'intensive, en manque un peu d'intensité. Je regrette que l'on est pas assez peur de Mr KEANE même si bien évidemment, sa personnalité cyclotimique se dévoile au grand jour dans ses accès de colère. C'est bien là un registre auquel j'aurais aimé que Waltz prenne l'ampleur et la mesure des circonstances. Qu'à cela ne tienne, le reste tient la route aisément.

In fine, le film se pose comme un miroir de la vie, un reflet de l'humain. Avec ses qualités et ses travers. Le postulat n'est pas de catégoriser de but en blanc les genres. Oui, Big Eye nous dépeint un homme expert dans l'art de la manipulation, et oui, c'est surtour la candeur qui caractérise la femme tout au long de cette reconstitution de la vie des KEANE. Mais jusqu'à preuve du contraire, la personnalité ne choisit pas un genre plutôt qu'un autre en fonction du sexe auquel elle fait face au moment de la transmission du patrimoine génétique. La preuve, je suis un mâle. Cette nature humaine qui peut être aussi rassurante (l'argent, l'argent, l'argent) que désespérante ("il a l'air gentil Mr KEANE") est surtout nous là pour nous rappeler un point essentiel : aimez vous les uns les autres mais méfiez-vous avant tout. Et je sais de quoi je parle, j'en ai vu des connards dans ma vie. Je les ai juste évité en changeant de trottoir.

 

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