La 2ème en partant de la droite me fait peur.

Cela reste toujours étrange de tomber - par pur hasard lors d'une soirée dont le déroulement se révèle inattendu - sur une oeuvre marquante à plus d'un titre. C'est pourtant en tant que bouche-trou pour combler une panne d'inspiration sur que quoi faire des 2-3 heures qu'il me restait de viable d'une longue journée que je lançais RELATOS SALVAJES, titre espagnol d'un film argentin dans sa version originale. Et c'est autant avec surprise que joie que je me lance dans la difficile tache de décomposition, restructuration, et digestion d'un film, dans la veine (mais sans l'expertise) d'un Zhibou (dont je plagie honteusement le titre de post - j'assume cet acte comme la panne d'inspiration qui le précède) ou d'un Noiraude pour ne parler que des plus connus par-delà la Blogosphère. Afin de bien commencer cette critique, il est utile de rappeler ou peler (pour ceux qui ne savent pas) le genre auquel appartient l'oeuvre réalisée par Damian Szifron : le film à sketchs. Composante du cinéma qui propose autour d'un thème commun plusieurs petites histoires par la durée mais grande par la portée aussi différentes dans le cadre que le déroulement mais partageant une démonstration qui sera la thèse du film. Un genre notamment popularisé par le cinéma italien des années 50, 60 et 70.

RELATOS SALVAJES se présente ainsi comme la satire savoureuse d'une société argentine perdant complètement son self-control. Chacune des 6 histoires qui se succèdent narre la petite vie quotidienne d'un argentin ou d'une argentine, une routine qui va peu à peu s'estomper pour laisser place au réflexe animal d'êtres humains que nous sommes. Qu'il soit en rébellion vis à vis d'une société qui l'étouffe, victime du comportement ingrat de ses semblables ou encore prisonnier des codes qu'impose cette même société, chacun de ces argentins sans histoire va finir par péter une durite. La caricature n'étant souvent pas loin. Et c'est ce too much qui est aussi vivifiant, comme si le réalisateur/scénariste avait voulu pousser le curseur de la perte de sang-froid à son maximum, quand l'humain n'observe plus de limites dans ses réactions face aux situations qui franchissent les limites de son intégrité morale.

Ce qui est fort à mon sens et à mettre à l'actif de ceux parmi l'équipe du film s'étant chargé d'écrire le script, de choisir les décors et de les capter à la caméra, c'est le spectre social dépeint par le film. Aucune classe n'est écartée et aucune localisation géographique n'est figée. Il ne s'agit pas de réaliser une critique du petit contre le grand, du faible contre le puissant mais de montrer qu'à chaque cran de l'échelle de la société, vous, moi, nous pouvons être exaspéré par l'IRRESPECT d'autrui. Une notion fondamentale pour qui s'estime "civilisé" - terme que je rejette personnellement et avec fringance tant ceux que l'Histoire nous fait appeler sauvages ou autochtones ou ce que vous voulez montrent immensément plus de quiétude envers son prochain que nous. Pour moi, ce film est un pamphlet divertissant contre la connerie humaine et ce, par l'expression réactionnaire et disproportionnée de ceux qui la subissent. A titre personnel, pour moi, le seul terme important au monde n'est ni Amour, ni Vertu (quoi que ...) mais bien RESPECT. Celui tant bafoué tout au long de notre vie et qui reste pourtant la solution à tous les maux annonciateurs de conflit.

D'un point de vue sociologique et comme je le pointais précédemment, le film fait la pare-belle à toute l'Argentine, celle des riches aussi bien que celle des pauvres, celle des ruraux mais à la fois celle des citadins, celle des entourés comme celle des isolés. C'est avec minutie et efficacité qu'aucun archétype humain de la société n'est oublié, homme comme femme, jeune comme personne âgé. L'humain est une usine à sentiments. Haine, rancoeur, incompréhension, indignation, stupéfaction seront tous des moteurs d'un processus réactionnel qui verra nos personnages d'un moment réagir très différemment les uns des autres en fonction de leur personnalité. Entre le  vif sanguin et le machiavélique stratège, peu de points communs. Comme dans la vraie vie en fait. Et c'est bien cette absence de monotonie qui empêche le spectateur d'anticiper les différentes tournures que vont prendre les différentes péripéties traversées par nos acolytes d'un jour et d'être sans cesse surpris par ce qu'il découvre.

Cinématographiquement parlant, je tiens à souligner le choix des décors pour chacune des scènes du film. Que ce soit de jour ou de nuit, en intérieur comme en extérieur, difficile de ne pas trouver ce quelque chose d'attirant dans ce cachet argentin. Le film est en outre très bien filmé que ce soit en plan rapproché - généralement pour mettre en exergue l'affrontement cérébral entre l'un des héros et ceux qui lui posent problème - ou en plan lointain pour planter la scène ou intégrer au tableau les autres personnes impliquées par le sordide. D'ailleurs, comment ne pas saluer la performance de chacun des acteurs argentins à l'affiche donnant coeur à un ensemble chacun dans leur registre bien distinct. Ce qui me permet d'enchaine sur la VF de qualité qui se devait de l'être sous peine de faire passer à la trappe bon nombre des moments les plus mémorables du film. Un film tellement plaisant que je tiens vraiment à le revisionner et en VO - espagnol - cette fois. Même si j'ai fait allemand en LV2.

 J'ai vraiment un problème avec cette dame.

En guise de conclusion, je ne peux que vous conseiller de prendre 2 heures de votre temps pour passer un très bon moment - puis bon, film sélectionné au Festival de Cannes 2015 - avec des dénouements de scène à chaque fois hilarant. Je n'ai jamais autant ri d'un film traitant pourtant du sujet le plus important et sérieux à mes yeux : le RESPECT.

 

 

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