Avec le thème de Guile, la rubrique Beat Hit commençait assez fort en terme de culte.

Aujourd'hui, pour le deuxième article de cette rubrique, j'aimerais vous emmener dans l'espace, à l'aide de l'une des mélodies 8-bits les plus connues : le thème de la lune de Picsou. Que vous aurez peut-être déjà entendu sous son nom anglais : The Moon, ou Moon's Theme

The Moon est un morceau du jeu Duck Tales,  sorti sur NES et sur Game Boy en Septembre 1989 et vendu à 3 millions d'exemplaires à travers le monde (ben oui, pour le succès musical, il faut déjà un succès commercial !). Il accompagne le 5e niveau de ce jeu dans lequel on incarne Picsou (car pour rappel, Duck Tales est le nom anglais de la série Picsou), qui se déroule sur la lune, donc. Et ce morceau, comme la totalité de la BO de Duck Tales, a été composé par Hiroshige Tonomura, compositeur pour Capcom de 1988 à 1990, entreprise pour laquelle il signera 5 autres bandes originales inconnues en France. La suite de sa carrière se fera chez Taito, sous le pseudonyme de Piroshiki Touno, et sur des bandes sons toutes aussi peu connues.

Son nom n'apparaîtra ensuite plus que dans les innombrables reprises de The Moon qui ont pu être faites. Mais d'ailleurs, on parle là du thème d'un random niveau d'un jeu Disney, alors comment a-t-on pu en arriver à un tel succès ?

Voici quelques éléments de réponse.

Car comme le souligne Brentalfloss dans la vidéo précédente, The Moon aurait très bien pu être la musique du générique de fin, tant la mélodie percute.

Le morceau est en Fa# Majeur : il se veut donc plutôt aigu à priori, et surtout joyeux et dansant (à l'inverse, les gammes mineures donnent à la musique un aspect triste, sombre). Le tempo est de 180, c'est-à-dire qu'on joue 3 temps par seconde ; plutôt rapide pour le commun des mortels, ça va accentuer le côté dansant évoqué trois lignes plus tôt.

En ce qui concerne les accords qui forment le corps du morceau, sa base, nous avions déjà parlé des progressions "1-4-5", plus précisément "1-6-4-5", dans le cas du thème de Guile, en disant que c'était la progression passe-partout, qui marchait en permanence.
Et là ? Bingo : "1-5-6-5-4-4-5-5". On retrouve les mêmes accords, mais dans un agencement différent. La deuxième partie de la progression est en fait un chouïa plus compliquée que ça, le "4-4-5-5" étant sujet à pas mal de nuances, mais je ne veux pas vous perdre dans une théorie que je ne comprends, moi même, pas complètement.

Mais si vous voulez des preuves, la vidéo suivante est un clip du rappeur Lupe Fiasco, la chanson s'appelle The Show Goes On. Ecoutez bien le refrain.

 

Mouais hein. On entend une similitude mais rien de flagrant, vous allez me dire... 

Pourtant, voici la suite d'accords du Moon Theme :

 

Et celle de Lupe Fiasco, sur laquelle j'ai pris soin d'augmenter la hauteur pour coller avec le Fa# de Duck Tales, et le tempo pour coller au 180 :

Chaud, hein ? Ben voilà. Toute la base des musiques qui marchent le mieux dans le monde partent de là. Et peut-on vraiment appeler ça du plagiat ? La musique, c'est mathématique. Vous n'imaginez pas le théorème de Pythagore porter plainte contre une autre formule qui utilise une somme de carrés, non ?

Bref, je m'égare énormément...

Puis est venue, en 2013, la version "Remasters" de Duck Tales. Toutes les musiques ont alors été revues et corrigées, stylistiquement en tout cas, par Jake Kaufman, un jeune génie de 33 ans ayant déjà un palmarès sacrément long (Double Dragon Neon, Contra 4... et beaucoup de trucs moins glorieux, il faut l'avouer).

 

Une version beaucoup plus moderne mais toujours électronique des morceaux, qui fait mouche encore une fois. Il existe d'ailleurs un mini-documentaire réalisé par Capcom, nommé Music Duckumentary. C'est intéressant car, au-delà de la petite interview de Jake Kaufman, il y est dit des choses sur la réinterprétation des morceaux qui est également très vraie sur la version de 1989 de The Moon : par exemple, l'accent franc mis sur le tempo et les percussions, qui ont même fait danser les développeurs. On sent les vibrations, la puissance et la vie qui sort des morceaux, réhaussés par une légère orchestration.

 

Et voilà pourquoi cette BO est sortie de lot, et pourquoi The Moon plus que tous les autres est devenu un morceau absolument culte du jeu vidéo !

La prochaine fois, moins de bla-bla théorique, plus d'anecdote et d'évolution d'une musique, pour l'une des pièces majeures de la musique de jeu !