Alors que le premier épisode était sorti comme un jeu lambda, ce second opus a bénéficié d'un tapage médiatique assez étonnant. D'un coup, cette jeune licence ambitionnait le triple A. Le vilain petit canard, j'exagère un peu, devenait une poule aux œufs d'or. Seulement, un plan marketing ne fait pas la qualité d'un soft, qu'en est-il réellement de ce Red Dead Redemption ? Un bon GTA-like, à l'univers accrocheur, traînant pourtant à ses mollets quelques casseroles typiques de Rockstar.

 

 


Un monde ouvert plus crédible

Pour qu'un monde ouvert soit crédible, il faut qu'il y ait de la vie. Ou, à défaut d'y en avoir vraiment, que le joueur ait l'impression qu'il y en ait. Qu'il pense que les immeubles qu'ils croisent ne sont pas de simples textures, que les passants rencontrés ne se réduisent pas qu'à des scripts primaires réagissant tels des hallucinés au moindre coup d'épaule. Il faut travailler cette illusion.

Comme ça ne suffit plus de mettre quelques voitures qui déambulent ou quelques badauds qui répètent la même action, inlassablement, sans que l'on puisse faire quoi que ce soit pour mettre un terme à cela, Red Dead Redemption nous propose des missions aléatoires.

Quoi de mieux pour créer l'illusion d'une réalité crédible, indépendante de nous, que l'aléatoire. Des choses se passent à tel moment, mais pas à tel autre ni dans un endroit précis et surtout ne se reproduiront pas chaque jour telle une ennuyeuse monotonie. Le hasard, c'est la vie après tout. Même dans un schéma routinier comme le métro-boulot-dodo, le hasard peut surgir (rencontres, troubles, retards des trains...).

En jouant à Red Dead Redemption, on découvrira quelques-unes de ces missions aléatoires. Par exemple, une prostituée pourra vous amadouer dans le désert, prétextant qu'elle est perdue, pour vous piquer votre canasson une fois à proximité de la selle. Autre possibilité, pour rester dans le domaine du vol, celui du brave citoyen qui se fait chiper sa monture. Il faudra rattraper le vilain et ramener la bête à son propriétaire.


On continue les exemples, avec probablement le plus marquant. Me baladant tranquillement dans une rue du ranch des MacFarlane, j'entends un tintamarre dans mon dos. A peine ais-je le temps de me retourner que je vois foncer, et me frôler dangereusement, une bande d'illuminés traînant une pauvre femme par des cordes. Sans vraiment réfléchir, j'abats ces malotrus histoire de leur montrer que la galanterie, même au Far West, existe encore.

L'idée est excellente. On est libre d'intervenir ou non. Comme si on était vraiment dans ce grand Ouest turbulent et que l'on assistait à des scènes quasi normales d'un monde en gestation, ou plutôt en phase de régulation. Le problème, c'est que la variété des situations, un défaut récurrent chez Rockstar, n'est pas vraiment au rendez-vous. On retrouve très rapidement les mêmes schémas. De ce fait, l'artifice qui nous séduisait tant au début perd un peu de sa superbe au fil des heures. En une dizaine de missions aléatoires, on aura déjà des redites.

Des références aux westerns et la constitution d'une mythologie

Le jeu dissimule pas mal de clins d'œil au genre du western. Rien que dans les titres des missions, on relève plusieurs allusions plus ou moins explicites. Le titre « Règlement de compte à Pike's Basin » nous fait forcément penser au fameux Règlement de compte à O.K Corral. Le film de John Sturges avec Kirk Douglas et Burt Lancaster. Autre mission, autre allusion, il s'agit cette fois-ci d'une citation d'un dialogue. « Dans la vie il y a ceux qui creusent... » est un extrait issu de la fameuse phrase de Clint Eastwood dans Le Bon, la brute et le truand de Sergio Leone lors du final dans le cimetière.

Au-delà de ces références, il y a bien entendu les codes du genre. On les retrouve sans assister pour autant à un enchaînement de clichés. Il y a bien un train, des Mexicains, une révolution chez ces derniers (comme dans le film de Sergio Leone, Il était une fois...la révolution), de grandes plaines désertiques et j'en passe.

Seulement, Red Dead Redemption sait nous proposer autre chose. On n'est plus dans le simple hommage, on est clairement dans la création. Le jeu bâtit sa propre mythologie avec ses événements, ses personnages (la famille MacFarlane qui peine à développer son ranch, le vendeur de potions un brin escroc...), ses relations (celle, tout en retenue, entre Martson et Bonnie MacFarlane...). Bref, le titre de Rockstar prend le temps de développer son propre univers, en évitant soigneusement de nous réchauffer une situation type, un schéma un peu convenu du genre dont il s'inspire. On ne peut qu'apprécier cet effort qui permet, au final, de nous offrir une histoire originale, intéressante et surtout plus profonde qu'on ne pourrait le croire au premier abord.

Personnages complexes et intéressants

Tout d'abord, à tout seigneur tout honneur, évoquons le cas de John Martson. Le personnage central.  Notre héros, appelons-le ainsi par convention, est un être ambigu qui oscille mais ne tombe jamais dans les stéréotypes qui le précèdent. Autrement dit, on ne retrouve pas un énième homme silencieux à la Corbucci ou Leone.

Au contraire, John Martson a ses zones d'ombre, qui ne sont jamais guignolesques lorsqu'il s'agit de révéler ces dernières ; ses doutes également, des attaches (sa famille). Bref, un personnage qui a de l'épaisseur, qui dépasse le protagoniste monolithique certes charismatique mais franchement limité, à la limite de l'irréel, tel l'homme sans nom campé par Eastwood dans les premiers Sergio Leone.

D'ailleurs, les actions que doit entreprendre Martson ne sont jamais simples ni claires. Il doit, pour atteindre ses objectifs (ceux imposés par l'Etat et ceux qu'il cherche à atteindre, plus personnels), faire autant le Bien que le Mal. Lorsqu'il aide Seth, le chercheur fou, à trouver son trésor il se voit obligé à un moment de voler un cheval pour détourner l'attention d'un garde. Ses actions seront parfois plus conventionnelles, bonnes. Comme, par exemple, lorsqu'il séjourne chez les MacFarlane et qu'il les aide dans leurs tâches quotidiennes (dresser des chevaux, promener le bétail...).


Les autres personnages sont également intéressants. Originaux ou profonds, ils offrent un spectacle accrocheur au joueur. Bonnie MacFarlane par exemple est une paysanne, jolie mais vivant seule (zone reculée, ranch à tenir), qui développe un rapport intime, mais néanmoins bridé, avec Martson. Il ne s'agit aucunement de la femme de la terre, bourrue ni de la femme fatale, hautement aguicheuse. Au contraire, Bonnie MacFarlane est une femme touchante, hésitante, on présume en la découvrant un passé amoureux pas forcément évident, lourd de silences.

Le leader de la révolution mexicaine est également un protagoniste intéressant. Apparaissant tout d'abord comme une sorte de Che Guevara avant l'heure, leader/idéaliste/poète. Il montre rapidement son vrai visage, la victoire en poche. Notre homme est vénal, frivole et nymphomane. Une sorte de petit bourgeois se rebellant contre sa condition.

La rédemption

John Martson est un homme au passé sulfureux, un ancien bandit, qui cherche à éliminer ses camarades d'un temps révolu, on le force d'ailleurs, et surtout à retrouver une vie normale. Quasi mort, après un assaut qu'on considérerait presque comme suicidaire du fort où se cachait l'une de ses connaissances, Martson est recueilli par Bonnie MacFarlane à la campagne. Cette convalescence sera l'occasion pour notre ancien hors-la-loi de s'initier à la vie en société. Une vie qu'il tentera de reproduire, chez lui, à la fin du jeu, dans sa propre ferme. Comme si cette tutelle était la dernière chance d'une possible rédemption, d'un retour dans le droit chemin à forger soi-même.

Les développeurs nous proposent une construction cyclique concernant l'histoire. Un premier temps pour l'initiation, une parenthèse où Martson cherche à se libérer des tâches qu'il est forcé d'accomplir (purger sa dette), et une conclusion qui se fait l'écho de l'initiation du début. Martson tente de recoller les morceaux, détenteur d'une vie éclatée (ranch pillé, récoltes lamentables, fils méprisant, femme fragile mais difficile d'accès...), pour reproduire cette vie normalisée dont il a goûté les fruits durant sa convalescence.


Mais malgré les efforts du joueur, la boucle étant logiquement bouclée, Martson ayant réussi les différentes étapes lui permettant de se sortir de son ancienne condition, c'est un final hautement pessimiste que nous proposent les gens de chez Rockstar. L'homme de loi qui obligeait John à éliminer un à un ses anciens compagnons, n'ayant jamais cru à la possible rédemption de Martson, le fait abattre par l'armée.

C'est donc face à une vingtaine de soldats que l'on se retrouve cherchant, vainement, à tous les descendre. Tous ces efforts pour rien, rédemption impossible pour un ancien déviant. Comme si la condamnation qui leur tombait une fois sur la tête collait littéralement à la peau de ces êtres en reconstruction. Connaissant l'engagement politique de Rockstar, il ne serait pas étonnant de voir là-dedans une critique du système judiciaire américain. Punitif et destructeur.

En tous les cas, une telle situation, au lieu d'aider, de ramener une paix durable dans les régions visitées, ne conduit qu'à la violence. La mort de Martson ne créera que des tensions supplémentaires. Son fils, pourtant parti pour une brillante carrière d'étudiant, amoureux des livres, entreprend de venger son père et part abattre l'homme qui a ordonné son assassinat. Le jeune espoir se transforme ainsi en hors-la-loi, reprenant les traces du paternel. Il y de la fatalité dans cette histoire, un cri qui nous dirait qu'il faut faire confiance. Croire en la rédemption, en la bonté, non pas naturelle, mais progressive, d'un être sur le déclin. Un système inégal entraînera toujours plus d'inégalités et pervertira même les plus beaux espoirs. Un final en guise de pamphlet politique ? Pas faux.

Mention :

Commentaire : Red Dead Redemption est un bon gta-like, le soft réussit à apporter quelques petites nouveautés au principe du monde ouvert. En plus de cela, le jeu est maîtrisé sur bien des aspects avec une histoire prenante, une réflexion intéressante sur la rédemption, la justice ou encore des personnages souvent très fins. Néanmoins, on regrette que Rockstar n'arrive pas plus à diversifier les situations. C'est l'ennui qui domine le joueur après quelques heures de jeu. Autre problème, tout de même plus grave, le jeu ne propose pas vraiment de moment épique. En dehors de la lutte désespérée, à la fin de l'aventure, entre Martson et l'armée, on ne relève aucune situation dantesque, marquant les esprits. Les missions sont carrés, intéressantes mais aucune ne porte le sceau du génie. En bref, un bon jeu mais qui oublie qu'à côté du fond il y a la forme, et qu'à côté du réflexif il y a le ludique.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=164:chronique-red-dead-redemption-360&catid=25:360&Itemid=28

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