I) La genèse des jeux vidéo

Des Pixels à Hollywood commence, comme bien des documentaires sur les jeux vidéo, par une genèse du média interactif. Ainsi, Alexis Blanchet revient sur l'origine des jeux vidéo, de Pong à Space Invaders, j'en passe et j'en oublie. Il s'agit là de la partie la moins intéressante, la plus conventionnelle, de cet essai pourtant riche en informations et en critiques. Ce passage qu'on dirait obligé ne devrait pas l'être tant un tel historique est froidement resservi à chaque publication. Soit en guise d'introduction, soit comme thématique centrale de l'ouvrage.

 

 

 

Néanmoins, Alexis Blanchet arrive à nous proposer quelques anecdotes amusantes, connues et moins connues, à propos de ces premiers jeux. Ce souci du détail reflète le chercheur qu'est à la base notre essayiste. Seulement, Alexis Blanchet ne s'arrête pas là. Il ne suffit pas de raconter une anecdote, il s'agit surtout de l'analyser. D'où, l'intelligente analyse que notre homme livre à propos du succès de Pong.

Installé dans un bar, aux Etats-Unis, la borne d'arcade ne tarda pas à tomber en panne. Non pas à cause de défaillances techniques mais du fait d'un excès de pièces bloquant le monnayeur. Pong, victime de son succès. Alexis Blanchet voit dans cette mésaventure la constitution d'un mythe fondateur. A l'instar du train faisant frémir les spectateurs dans L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat des Frères Lumières, le dysfonctionnement de la borne Pong incarne un moment-clé. On y trouve deux éléments forts : la hantise du bug (crainte éternelle du développeur) et le symbole de la fulgurance économique (non démentie encore actuellement) de ce média. Par cette analyse, Blanchet creuse un écart sévère entre son travail et celui, redondant, de bien des « historiens » du jeu vidéo. Il y a conter et penser.

II) Une analyse pertinente, mais incomplète des films

Alexis Blanchet revient un moment donné sur plusieurs films, adaptations de jeux vidéo au cinéma. Il évoque, chiffres à l'appui, la réussite ou non de ces portages tout en rapportant quelques anecdotes suivies parfois d'analyses. On retrouve par exemple un commentaire sur le film Final Fantasy. Un film ambitieux à l'époque, mais un échec public, entraînant la dissolution d'une société créée spécialement par Square Enix pour tenter de conquérir le cinéma.

Image extraite du film Final Fantasy

On aurait aimé, le cinéma étant le champ disciplinaire premier d'Alexis Blanchet, comme une continuité, une analyse filmique de quelques séquences. Découpage image par image, parallèles avec le jeu originel, une réflexion sur l'adaptation du gameplay en procédés filmiques...Il y avait plus à dire à ce sujet que de simplement rapporter des chiffres et dresser des listings. Peut-être pour un prochain ouvrage ?

III) L'évocation des conglomérats

Alexis Blanchet, dans son étude, évoque les conglomérats dans le domaine de la culture. Ces logiques culturo-économiques consistant à rentabiliser une licence en échangeant des savoirs , des thématiques. Créer un univers permanent permettant un traitement par différents médias afin de sortir sur le marché, régulièrement, des produits culturels (Bandes dessinées, jeux vidéo, fims...). On découvre ainsi une industrie soudée, aux nombreux échanges.

Même si les conglomérats n'ont rien d'originaux pour celui qui étudie l'industrie culturelle, il est appréciable de voir une telle citation, un tel historique, dans le cadre d'une étude sur les jeux vidéo. Les historiques précédents, auto-centrés, ne prenaient bien souvent en compte que le média jeu vidéo, sans jamais l'inclure dans une dynamique économique plus globale. Un réajustement bienvenu et intelligent.

IV) Le travail de l'universitaire

Globalement, Des Pixels à Hollywood respire le travail universitaire. On apprécie la rigueur du chercheur nous proposant de nombreux tableaux, des graphiques, des statistiques rapportées et issues d'analyses parfois personnelles comme l'occurrencedes héros Disney dans les productions Sega...


Les informations sont nombreuses, le contenu forcément dense, enrichi de citations. On est plus étonné de ne pas retrouver le jargon typique des universitaires, des néologismes pompeux utilisés à foison, un style un peu lourd. Même si Alexis Blanchet n'est pas un styliste, son écriture reste simple et limpide. Et, pour être honnête, c'est tout ce qu'on lui demande.

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