Que se passerait t-il si notre monde était voué à l'extinction? Quoi, encore cette vieille histoire! En ces temps d'incertitude sur l'avenir de l'humanité, voilà une question qui est devenue bien banalisée à travers les ½uvres de divertissement. Mais voilà à la manière de la série animée Casshern Sins, Nier ne compte pas répondre à cette problématique en offrant un prétexte pour une violence décomplexée mais préfère plonger le joueur dans un voyage épique et désespéré où l'humanité atteint son crépuscule. La gravité du sujet est appréciable et nous rappelle agréablement que les RPG Japonais ne sont pas condamnés à interpeller un public adolescent même s'il ne faut pas placer trop d'espoirs dans l'émancipation créatrice de Nier.

Certes le périple est mature à bien des niveaux, de part le cynisme des personnages, l’ambiguïté idéologique croissante, la direction artistique glauque, la violence visuelle ou bien entendu le langage cru des dialogues mais derrière cet enrobage le récit accumule des scènes d'un classicisme absolu dans le cadre d'un RPG Japonais tout en conservant finalement la naïveté banalisée de certaines scènes.

Au delà de cette prétendue maturité, la véritable force de Nier réside en réalité dans son immersion émotionnelle grâce à une narration subtile prenant le temps de véhiculer le désespoir de son univers. Construit en deux parties narratives bien distinctes, l'intrigue de Nier prend le temps de faire ce que les récits post apocalyptiques veulent généralement éviter: montrer d'abord un monde tenant encore sur ses fondations avant qu'il s'écroule. Un principe qui implique inévitablement une narration lente, ennuyeuse d'un certain point de vue car relatant d'abord la banalité de l'existence du héros avant qu'il soit amené à plonger en enfer. Et c'est justement cette immersion dans la banalité de l'action qui permet d'apprécier par contraste le danger auquel le personnage fait face, de part l’héroïsme décomplexé des affrontements de boss ou l'assombrissement global de l'univers qui suit la progression du joueur. Un concept narratif qui aurait logiquement dû s'accompagner d'une troisième partie dépeignant la résignation du héros face à l'effondrement inéluctable de cet univers, un dernier acte qui ne viendra malheureusement jamais laissant le sentiment que Nier n'a développé que les deux tiers de son propos. A l'image du rebondissement narratif de la dernière heure entrainant une remise en question du combat du héros qui aurait gagné à être appliquée en pratique dans une troisième partie plutôt que les attentes du joueur soient interrompues par le générique final. Une déception auxquelles les fins supplémentaires n'apportent qu'une maigre compensation.

La réussite émotionnelle et immersive de Nier était suffisante pour que le jeu surpasse son manque de variété, sa réalisation technique médiocre ou l'incroyable répétitivité des quêtes secondaires. Malheureusement alors que tous les éléments narratifs étaient en place pour achever en beauté ce voyage crépusculaire, l'aventure s'interrompt avant d'avoir développé ses derniers chapitres laissant le souvenir d'un fascinant voyage dont on aurait privé au joueur la conclusion véritable. Il demeure après cela l'originalité incontestable du jeu, un bien précieux au regard du manque d'audace de l'industrie vidéoludique, appuyée par un doublage d'une efficacité étonnante et surtout de l'OST la plus épique que le jeu vidéo ait proposé depuis Shadow Of The Colossus. C'est déjà ça.