Autant le dire tout de suite, The Void est un jeu qui ne s'adresse pas à tout le monde, loin de là. Il n'a d'ailleurs aucun succès particulier
et personne n'en parle, et je dois une fois de plus remercier les
excellents rédacteurs du non moins excellent Canard PC, qui
contrairement à certains vont parfois chercher de véritables pépites qui ne font l'objet d'aucune publicité / martelage médiatique. C'est leur
test qui m'a donné envie de me procurer cette rareté méconnue, sortie il y a quelques temps en Russie et traduit en anglais il y a peu.
Comme l'idée qui était la mienne en lançant ces articles sur les jeux
vidéos était de montrer un autre regard sur le jeu vidéo, je ne peux pas résister.

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The Void : c'est quoi ce truc ?
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The Void est un jeu à la première personne, vue subjective totale, mais
oubliez tout de suite toutes vos références de FPS, ce jeu n'a
strictement rien à voir avec un Doom ou un Half Life... Dans The Void,
vous incarnez un personnage qui vient de mourir, et dont l'âme s'est
égarée par hasard entre les plans de l'existence pour se retrouver dans
une zone étrange, sur le seuil de la mort, qu'on appelle le Void (le
vide).
Vous ne vous souvenez de rien de votre vie qui vient de s'achever, vous
découvrez un paysage désolé, une maison, un grand arbre. Vous vous
mettez à marcher vers la maison, et l'arbre s'illumine magnifiquement
d'un éclat doré. Vous êtes en fait dans la chambre d'une sœur, un être
féminin presque entièrement nu, qui va se lier à vous immédiatement et
vous demander de l'aide.

Le monde dans lequel vous vous trouvez est constitué de chambres dans
lesquelles se trouvent les Sœurs (sisters), des êtres complexes et
sensuels dont le monde meurt petit à petit. Cette déchéance de leur
monde passe par la disparition progressive des couleurs. Les êtres qui
sont sensés s'en occuper, et s'occuper d'elles, sont les Frères
(brothers), qui ont disparu depuis longtemps et ne donnent plus le
moindre signe de vie.

La première sœur, celle qui ne porte pas de nom, va vous demander de
remplir son cœur de couleurs, et pour cela, vous allez devoir apprendre
comment faire pour cultiver des couleurs. Elle vous explique comment
tout cela fonctionne dans une sorte de didacticiel surréaliste qui
expose des éléments de gameplay tellement uniques que même des vieux
briscards du jeu vidéo comme moi restent dubitatifs devant le bazar. Je
vais tâcher de vous expliquer à peu près l'affaire dans le paragraphe
suivant.

Le but du jeu semble donc être de sauver ce monde en perte de couleur,
en venant en aide à des sœurs délaissées qui ont besoin de vous. Cela
peut paraître relativement simple dit comme ça, mais je peux vous
garantir que ça ne l'est pas, et que le jeu devient rapidement
incroyablement complexe, j'y reviendrai.

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Un jeu hors-norme
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Au sens vrai du terme, je veux dire. Ce jeu n'a pas d'équivalent. Je n'ai jamais rien vu qui lui ressemble.
Lorsqu'on appuie sur la touche B du clavier, on voit son personnage, nu
comme un ver, avec une tête vraiment bizarre. Et dans ce corps qui est
le nôtre, nous disposons de plusieurs cœurs à remplir de couleurs. A
droite de l'écran, on voit un enchevêtrement de poches qui peuvent être
remplies des couleurs que l'on glane dans le jeu. Ces couleurs non
filtrées et stockées s'appellent le Lympha. Quand on prend ces couleurs
et qu'on les place dans un cœur du bonhomme, elles seront en quelque
sorte traitées lorsqu'on se déplacera sur la carte principale du jeu (et qu'on appelle le Void), et elles quitteront le cœur pour rejoindre
l'écran de gauche cette fois, où l'on retrouve des « poches » qui se
remplissent de couleurs, que l'on peut cette fois exploiter dans le jeu.
Exploiter comment ?
Eh bien, en appuyant sur la touche CONTROL, on peut tracer des signes
colorés sur l'écran pour déclencher certains effets. Par exemple, en
allant dans la zone du jardin (Garden), on peut dépenser de la couleur
pour redonner vie à un arbre en le faisant s'illuminer, il nous
permettra de récupérer des couleurs plus tard en venant récolter sur
lui. Pour lui redonner vie, il faut tracer un signe, le signe du
Donneur, en bougeant la souris de manière à créer une figure.
Je m'aperçois que décrire les mécanismes de ce jeu est pratiquement
impossible, alors je vais en rester là car je ne suis pas bien sûr que
vous arriviez à comprendre quoi que ce soit. Les images que j'ai jointes à cet article permettront peut-être de se faire une idée !

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Marre des jeux faciles ? Ne cherchez pas plus loin !
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The Void appartient à une catégorie de jeu devenue inexistante
aujourd'hui : le survival. Pas le survival horror à la Resident Evil,
hein, non non, le survival.
Il faut savoir que dans les chambres, le temps est figé, et il ne
reprend son cours que quand vous vous déplacez dans le void, sur la
carte principale du jeu (voir image). C'est là que les couleurs en
réserves dans votre cœur s'écoulent dans les poches à gauche pour être
utilisées. Ce processus est indispensable car c'est en utilisant les
couleurs que vous pouvez agir : remplir le cœur des sœurs, redonner vie à des arbres, se battre, etc. Néanmoins, il faut savoir une chose, si
vous vous trouvez dans le void et que vos cœurs sont vides, vous
mourrez. Si vous avez mal géré vos couleurs, que vous n'en avez plus
dans les poches de droite pour remplir vos cœurs, vous mourrez.
C'est donc une véritable course contre la mort, contre le temps, que
vous jouez en permanence dans ce jeu, et il n'y a pas la moindre place
pour l'erreur. Une erreur qui peut paraître anecdotique sur le moment
vous coûtera un game over deux heures plus tard.
The Void est un jeu qui incite à réfléchir au moindre de ses gestes, à
toutes les décisions que l'on peut prendre, et qui elles seules peuvent
nous conduire à un échec complet.
Je n'ai jamais vu un jeu qui vous fait porter un tel poids de responsabilité sur les épaules.
Vous voulez combler un peu vite les désirs de couleur d'une jolie sœur ? Oups, dans votre épanchement, vous avez peut-être donné un peu trop en
faisant le signe du donneur ? Vous vous dites que ce n'est pas grave ?
Que vous récupérerez le coup ?
Eh bien votre empressement, votre incapacité à vous contrôler et à
maîtriser vos pulsions va peut-être, sans doute même, vous coûter la vie à plus ou moins long terme.
L'anti-casual, donc, par excellence.
J'en suis déjà à mon cinquième game over, et je vais en voir d'autres.
Ce jeu est élitiste, comme s'il cherchait à écarter un certain nombre de joueurs d'entrée de jeu, en les usant, en leur révélant leur propre
manque de persévérance.

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Erotisme, philosophie, profondeur et méditation : le jeu vidéo et l'Art
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Les sœurs sont irrésistibles. Leur sublime voix vous accompagne dans vos pérégrinations. Des voix souvent douces et suaves, qui distillent des
paroles étranges, qui invitent à la réflexion et à la méditation. Des
phrases dont les sens peuvent être multiples, qui parlent de la mort, de la vie, des couleurs, du sens que l'on donne aux choses. Quand vous
remplissez leur cœur avec de la couleur, elles se mettent à bouger, à
moitié nues, et il faut souligner que cette forte sensualité présente
dans le jeu n'est JAMAIS vulgaire, bien au contraire. Les images sont
sublimes, et ce sont de véritables œuvres d'art mobiles qui vous
attendent, le jeu recélant des trésors de formes et de couleurs
esthétiques. C'en est simplement bluffant. Lorsque vous avez réussi à
accomplir quelque chose et qu'une des sœurs vous susurrent un « thanks,
my love » pour la première fois, vous êtes simplement transi, tendance
poils dressés sur les bras.
Par ailleurs, ce jeu est d'une rare intelligence.
Lorsque les frères débarquent, revenant enfin dans ce monde, attirés par votre présence et par le fait que quelqu'un ose manipuler les couleurs
dans le Void, vous vous mettez alors à flipper comme un malade. Pourquoi ? Eh bien, putain, parce qu'ils sont terribles les frères, et c'est
rien de le dire ! Ils sont aussi laids et torturés que les sœurs sont
envoûtantes et sublimes. On voit alors s'ouvrir devant nos yeux soudain
inquiets la deuxième face de cet univers troublant : après les débuts
cotonneux et sensuels du jeu, voilà la douche froide.
Les frères débarquent, et ils ne sont pas contents. Leur design est
terrible : des espèces de créatures à moitié mécaniques, traversées de
pics, de pointes, laids comme la mort, leur seule apparence est
perturbante tant ils représentent une torture visuelle.
Les frères sont aveugles, et les sœurs vont essayer de vous faire passer pour un apprenti auprès d'eux, afin de pouvoir les aider sans qu'ils se doutent de rien. Voilà qui va rendre le jeu encore plus tendu et
difficile, car les lascars vont vouloir vous tester en vous confiant des quêtes parfois impossibles à accomplir.
Mais le pire dans tout cela, c'est qu'ils vous tiennent des discours qui ne vont pas du tout dans le sens des sœurs, et qui vous vont salement
douter sur les intentions réelles des jolies donzelles. Et si elles vous avaient embobiné depuis le tout début en vous racontant n'importe quoi ? Dans quel but auraient-elles pu faire cela ? Ne se sont-elles pas fait
passer pour des victimes alors qu'elles fomentent un truc vraiment pas
net en vous manipulant comme un imbécile ?

Rien n'est sûr dans ce jeu, on avance sur des œufs, et on finit par se
sentir très très mal à l'aise. Les frères se mettent à parcourir la
carte en même temps que vous, il faut faire gaffe car ils peuvent vous
piquer vos jardins de couleur, ils vous parlent de temps en temps, et on flippe à chaque fois de ce qu'ils vont dire. Tout cela ouvre de
nouvelles possibilités de game over, et ajoute encore un degré de
difficulté au jeu, qu'on croyait déjà au taquet ^^'.

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Conclure ? Allons-y !
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The Void est un jeu éprouvant, épuisant parfois. Quand on y joue, on est en tension constante, et on est partagés entre ravissement devant les
poses et la douceur des sœurs (à nuancer car elles ont toutes leur
personnalité, bien trempée, et certaines sont d'un abord assez revêche), et la terreur qui s'insinue en vous à chaque intervention des frères.

C'est un jeu qui vous hante, qui vous travaille. Les thèmes qu'il
aborde, la mort, le temps, la couleur qu'on met dans la vie et dans le
vide pour continuer à percevoir la beauté des choses, la manipulation,
le secret, la sensualité qui peut se dégager d'un simple geste, d'une
inflexion de la voix, du contenu d'une parole. Tout cela se mélange dans votre esprit, vous poussant à revenir au jeu, toujours, après un ultime game over qui vous avait fait arrêter en vous disant que vous en aviez
marre et que vous ne vouliez plus entendre parler de ce jeu !

Ce jeu est aussi un OVNI dans la production actuelle. Beaucoup de
magazines et de sites spécialisés n'en parleront même pas, et cela n'a
rien d'étonnant. Mais si on est un joueur qui milite pour ce média, et
qui y voit quelque chose de noble, qui ne demande qu'à progresser et à
se tourner vers l'Art, dans ce que cela peut avoir de plus noble et de
plus novateur dans la forme autant que dans le fond, alors il faut se
jeter à l'eau et découvrir un des jeux les plus troublants, dérangeants
et intelligents jamais produits.
Amen.

 

Un jeu dense, sensuel, profond, intelligent, qui laissera 99% des joueurs sur le carreau...
Redonner la vie et la couleur à ce qui n'en a plus. Ici, vous avez pris un peu
de la couleur de votre coeur pour le rendre à un arbre mort. Rien à
dire, ce jeu est riche en symboles...
Mon jardin, je le remplis de couleurs, et il me le rend bien. Mais
attention, ces couleurs finissent par s'épuiser. Tout est question de
temps, la mort est inéluctable.
Les premiers écrans du jeu. Un décor surréaliste, un arbre lumineux. Plongée au coeur d'un mystère insondable.
Les soeurs. Sublimes, sensuelles. La nudité, très présente dans le jeu, est à l'opposé de la vulgarité.
Leur apparence est troublante, mais croyez bien que leurs paroles le sont tout autant.
La carte du monde, sur laquelle on se déplace. Chaque domaine est contrôlé par une soeur, qui donne accès à plusieurs chambres autour.
Le joueur, avec ses réserves à droite, ses couleurs transférées à gauche,
et les coeurs à remplir au milieu, directement dans le corps.
Les frères, flippants à souhait et pourtant étrangement sages dans les propos qu'ils peuvent tenir. Qui détient la vérité ?
Hum...ils sont vraiment flippants^^'
Cette soeur fantomatique en veut à la première soeur de vous avoir fait
prendre des couleurs, car vos actions sèment le trouble dans le Void. Le mystère est si épais dans ce jeu.