Le temps défile en accéléré... Déjà septembre. Dans deux semaines, la Beta. Depuis mon retour de Cologne, toute l'équipe est en mode crunch-time intense... L'intégration de la musique a commencé chez les scripteurs sous la direction de Steve. De mon côté, je passe en revue tous les moments clés de l'histoire pour retravailler la mise en scène. Après une grosse passe sur les scènes d'Ethan un peu avant Cologne (notamment pour la scène qui a été présentée à la presse), je suis passé aux scènes de Shelby. Le gros du travail a été sur Kramer's Party, une scène où Shelby et son « partner » viennent enquêter dans la villa d'un milliardaire pendant une soirée un peu... dépravée. Beaucoup de boulot, la scène était une des premières sur laquelle nous avons travaillé, et elle méritait une sérieuse mise à jour... J'ai quand même passé une semaine dessus, juste sur la mise en scène...
 
Close-up of Shelby

Quelques scènes de Shelby plus tard, je passe aux scènes d'Ethan. Beaucoup de scènes clés évidemment, reposant énormément sur la qualité de l'acting. Plutôt de bonnes surprises en filmant les scènes, je retrouve une bonne partie de ce que j'avais vu sur le plateau de tournage.
Le travail actuel est un peu étrange, mélange d'utilisation des données tournées mais morcelées (toutes les animations sont découpées pour pouvoir être utilisées par le game play) et de données « ajoutées ». Tous les regards par exemple entre les personnages sont ajoutés de manière procédurale. On mélange les micro-mouvements des yeux capturés sur l'acteur avec une direction imposée par le metteur en scène au moment de la mise en scène (on peut donc ajuster la direction des regards jusqu'à la dernière seconde).
Même chose pour les animations faciales : si les dialogues sont tournés spécifiquement, tout ce qui est « hors texte » (les réactions, les silences, etc.) est géré grâce à une librairie d'émotions que le réalisateur peut appeler comme il le souhaite. On peut par exemple décider qu'un personnage va réagir par un sourire à une réplique, ou au contraire qu'il va être en colère. Chaque personnage de HR possède une librairie de plusieurs centaines d'émotions, allant de la tristesse au dégoût, de la séduction à la haine. Toutes ces émotions ont été capturées en plusieurs versions avec les acteurs en motion capture.

Le pouvoir du réalisateur au moment de l'intégration devient donc assez important : loin de se contenter de placer des caméras, il participe quasiment à la performance de l'acteur en choisissant ses expressions et en dirigeant son regard.

La différence est assez spectaculaire dans le résultat : pas de facial entre les répliques et pas de direction de regards, on assiste à un dialogue plat entre deux poissons morts. En intégrant correctement tous les éléments, le dialogue prend soudain vie.
Ce pouvoir m'oblige à être particulièrement vigilant sur les contre-sens... Un sourire ajouté au mauvais moment, et c'est tout le sens d'une scène qui peut s'en trouver changé.
 
Série d'expressions facials génériques

L'intégration des caméras se fait dans un module baptisé « Sequence Editor » au sein d'un outil appelé IAM. IAM est un outil de scripting qui permet d'assembler tous les éléments de HR, de positionner les triggers, de définir les conditions et les variables, de configurer les IA, etc. En bref, c'est da    ns IAM que se créé véritablement le jeu.
Le Sequence Editor est un logiciel de montage avancé dédié au temps réel. On peut y appeler toutes les datas du jeu (personnages, animations, sons, FX, etc.), les assembler selon des conditions et y ajouter si on le souhaite des caméras. Etant donné le parti pris cinématographique de HR, c'est évidemment un logiciel clé du développement.

De manière schématique, on dispose de pistes de montages et d'une time line. On peut placer des animations sur une piste, les dupliquer, découper, redimensionner, accélérer comme on le souhaite. On peut ensuite créer une piste de caméra et la déplacer en temps réel pendant que se joue l'animation. On peut évidemment enregistrer les mouvements des caméras, en créer autant qu'on le souhaite, afin de créer une mise en scène.

Cet outil a joué un rôle majeur dans l'idée d'affranchir la caméra du personnage. HR tente de créer une expérience où la caméra n'est pas bloquée en permanence dans le dos du joueur, mais où elle participe activement à la narration, comme si le joueur jouait dans une cut scene. Il conserve en permanence le contrôle tout en profitant d'une véritable mise en scène.