Seul. Je me suis senti bien seul face à Lone Survivor. Il attendait de moi que je survive, clairement, que je dépasse mes émotions, que j’appréhende ma peur sans qu’elle me domine. L’archétype du survival horror en somme. Me positionnant dans la peau d’un héros sans nom, sans histoire, sans passé, avec un futur écrit en pointillé dans un chaos glaçant, le message devenait limpide : je devrai ouvrir seul la porte de mon salut.

Peur primale

Dès l’entame, je suis perdu. Perdu dans cette bâtisse en bois, loin du camp de vacances pour adolescents. Face à moi, des murs recouverts de sang, des cadavres en décomposition, des créatures sans forme définie. Accueil charmant. Une ambiance proche d’un épisode TV de Twin Peaks. Difficile de me sentir à mon aise. J’avance, je marche. Je souffle. Ma lampe torche dans une main, un pistolet dans l’autre, j’arpente de longs couloirs sombres, sans savoir où aller, sans savoir où ils me mèneront. J’ai faim. J’ai sommeil. J’ai toujours faim. Il faut que je dorme. Alors je me couche. Et je me réveille. J’ai encore faim. Il faut que je mange. Je dois manger. Mais comment faire ? Je dois survivre. Dépasser mes émotions. Appréhender cette peur primale, celle de rester prisonnier d’un corps qui est en train de me dominer. Je dois écouter mon esprit. Le reposer. Alors je dors. Et je rêve. Je vois cet homme. Sans visage. A la place de sa tête, une boite en carton. Il me parle. Je l’écoute. Attentivement.

Je me réveille. J’ai faim. Alors j’avance. Je marche. Je trouve une peluche, des piles -ma lampe fatigue elle aussi- des oranges irradiées, une boite de conserve, des gâteaux salés au fromage. Je ne sais pas quoi en faire. Je les garde précieusement avec moi. La faim m’obsède. Ces monstres difformes, que j’arrive à contenter en leur jetant de la viande avariée, se font de plus en plus pressants. Je dois les fuir. Je dois fuir. Trouver une issue. Au fond de ma poche, une carte froissée. Je la regarde : où aller ?  Je n’en sais rien. Les lettres et les notes manuscrites que je ramasse ici et là ne me sont d’aucune aide. D’aucun secours. Alors je marche, et je cours. Je dois me faire une raison : je ne survivrai pas.

Le fou sur la colline

RPG caduc (la gestion de l’inventaire et des vivres est plus éprouvante qu’autre chose), jeu d’action molasse, fable psychologique désarticulée : plus que la solitude, c’est l’incompréhension qui semble dominer en regardant Lone Survivor droit dans les yeux, puisque rien ne vient jamais alimenter le postulat de départ, pourtant alléchant, de sortir le joueur de sa condition. Un peu à la manière d’un Silent Hill, dont les influences sautent ici à la gorge (notamment au niveau de la bande-son assez suggestive) sans pour autant provoquer autant d’effroi. De malaise.

Livré à lui-même, le casque vissé sur les oreilles (recommandation affichée à l’écran dès l’entame du jeu), le joueur se perd complètement au fil de la narration, déjà pas bien expressive -mais traduite en français, l’une des nouveautés de ce Director’s Cut-, en partie à cause d’un gameplay archaïque, qui confond sentiment de désuétude et simplisme béat, en obligeant sans cesse à répéter les mêmes actions. Sans parler des allers-retours intempestifs, imposés de fait par une carte décidément peu claire. Même avec une lampe torche braquée dessus. Pauvre en gameplay, le titre de Jasper Byrne, développeur indépendant britannique, fait surtout valoir sa direction artistique. Ce Pixel Art et son scrolling vertical, portés haut comme l’affirmation d’un style et d’un caractère. C’est encore une faute. De goût ? Difficile d’entretenir la peur, le sentiment d’oppression, de mettre un visage sur l’horreur, la folie, même suggérée, dans des décors si ternes, face à des ennemis à l’aspect quelconque, dans un mouvement aussi lent. Sentiment d’une répétition éternelle du début à la fin de l’aventure, assez courte malgré les embranchements multiples. Libre alors au joueur d’imaginer seul -décidément- quelle forme le mal doit revêtir. Celle d’un ennui mortel, ça, c’est acquis.

Lone Survivor The Director’s Cut de Curve Digital, disponible sur l’eShop

Prix : 11,99 euros

Taille : 184 Mo