Dans un futur incertain, le monde voit
l'apocalypse pointer le bout de son nez. L'Antarctique est recouvert
d'une insondable matière noire qui ne cesse de s'étendre et seules
quelques images mystérieuses ont pu être récupérées. Qu'à cela ne
tienne, le gouvernement envoie une équipe d'experts, dont vous faîtes
partie, pour étudier le phénomène baptisé « Schwarzwelt » et trouver une solution pour s'en débarrasser avant qu'il ne recouvre le globe,
provoquant la mort de l'humanité. Rien que ça.

Strange Journey se trouve à la croisée
de deux chemins. Côté face, le désir d'émancipation est palpable :
l'action quitte Tokyo et ses quartiers pour partir au Pôle Sud. Le
casting revêt en outre un manteau pluriethnique : de la russe Zelenin à
l'américain tendance hispanique Jimenez, les Japonais ne sont plus au
cœur du récit. Ainsi, l'identification du joueur s'ouvre sur le monde,
une ambition revendiquée par les créateurs. Oubliez également la
personnalisation totale de votre avatar : suite à un petit quizz, vous
serez redirigé sur un profil type qui augmentera automatiquement
certaines capacités à chaque passage de niveau. Encore plus étonnant,
votre alignement (law/neutral/chaos) est visible à tout moment du voyage (d'habitude, il reste caché jusqu'au dernier donjon).

Côté pile, alors que l'on aurait pu
craindre une perte d'identité de part l'ouverture à l'Occident, le jeu
se paye un trip rétro, revenant aux sources de l'époque SNES, le
Dungeon-RPG pur et dur en vue à la première personne. Des couloirs sans
fin, des pièges tous les trois pas, des couloirs encore, de la
route il va falloir en parcourir pour découvrir l'allure du boss final.
Une expédition semée d'embûches vous attend : cases empoisonnées,
téléporteurs, trous dans le sol, portes cachées, murs invisibles,
parcours dans le noir total, on imagine aisément les sourires sadiques
des concepteurs en train de tracer des étages plus labyrinthiques les
uns que les autres. Fort heureusement, la carte se dessine d'elle-même
au fil de vos pas, sur l'écran inférieur de la DS. Indispensable pour ne pas finir pas s'arracher les cheveux.

Le système de combat reprend les
principes connus de la saga : un bestiaire hétéroclite et fascinant à
embrigader pour gonfler son équipe, des joutes au tour par tour
nécessitant l'exploitation des faiblesses de vos ennemis et bien
évidemment la fusion, un ingrédient indispensable sachant joindre
l'utile à l'agréable. Aux rayons des nouveautés, les Press Turn sont
remplacés par un système de co-op : à chaque déficience touchée, les
compagnons du même alignement effectuent une attaque supplémentaire.
Autant dire que se promener en groupe uni vers un objectif similaire
s'avère pratique. On peut aussi noter la grande place que prend
l'analyse des adversaires, tous futurs alliés potentiels. Plusieurs
stades s'offrent au joueur, de l'impossibilité de voir la véritable
apparence du démon à la connaissance complète, la jauge se remplissant
en accumulant les affrontements. L'intérêt majeur, outre survivre avec
plus d'aisance, est de pouvoir récupérer les sources de vos camarades.
Sources utilisables pendant les fusions pour offrir des skills à un
autre démon. Tactique oblige, les choix seront parfois délicats : garder une source puissante pour plus tard, pour son favori, pour tout de
suite ?

Toujours muni de votre combinaison
Demonica, vous serez de plus capables de repérer des démons cachés
(souvent plus fort que la moyenne environnante), des incontournables
passages secrets et surtout des « Forma ». Une fois ramenés à votre base (le tank Red Sprite), ces objets divers et variés vous permettront de
composer de nouveaux équipements. Les Forma les plus difficiles à
obtenir sont bien entendu ceux détenus par les boss, vous octroyant la
possibilité d'améliorer les techniques de recherche de votre Demonica.
Ainsi, une fois acquis, il sera utile de revenir explorer les donjons
précédents, afin d'accéder à certains corridors obstrués auparavant.

Le jeu commence plutôt fort point de vue du scénario, une longue présentation d'une heure vous expose les faits
et introduit les membres de l'équipage. Les donjons se révèlent
audacieux, voire originaux, ils créent un suspens quant à leur apparence (un succès déjà atteint dans Persona 4). On se demande rapidement quels secrets peuvent bien cacher l'IA Arthur, le vénérable Mastema,
l'innocent Bugaboo ? Est-ce que les représentants des alignements
Loi/Chaos sauront vous convaincre par leurs nuances ? Sauf qu'il faut
malheureusement bien avouer que le jeu peine à maintenir le cap. La
première moitié passée, les décors redeviennent plus classiques et les
surprises / révélations espérés répondent aux abonnés absents. Malgré de nombreuses phases narratives (surtout pour un D-RPG), les personnages
secondaires ne passionnent guère. La carotte « nouveaux démons / tronche du prochain boss » et l'ambiance oppressante marchent suffisamment pour maintenir l'intérêt, toutefois on aurait souhaité un peu plus de folie
pour un épisode considéré par beaucoup comme un palliatif de SMT4. Les
habitués de la série resteront sans doute un peu sur leur faim, Strange
Journey ne cherchant pas vraiment à aller plus loin que ses
prédécesseurs.

Qui dit Megaten dit habituellement
difficulté au rendez-vous ! Avec un minimum d'attention, vous ne devriez pas mourir toutes les deux minutes, attention cependant à certains boss qui auront vite fait de vous remettre à votre place. Telle une
communion sacré, le jeu met à votre disposition une structure d'échange
de démons. Oui, vous pourrez filer votre protégé favori et customisé à
la planète entière sur le web. Le système reste assez rébarbatif, se
basant sur des codes longs comme le bras à rentrer dans votre
Compendium. Si votre niveau et votre fortune le permettent, vous pourrez invoquer les fruits de multiples fusions et de litres de sueur d'
internautes inconnus pour vous donner un coup de pouce.

Qu'on ne s'y trompe pas, si
Strange Journey n'innove peut-être pas suffisamment, il reste un RPG
plus que solide, se basant sur un système qui a déjà fait ses preuves.
Long (40 heures minimum) et exigeant, on regrettera simplement que
l'exploration des vices de l'humanité cède sa place à une croisade
plutôt entendue (voire répétitive) pour un Megaten. Atlus prendra-t-il
en compte une console de salon next-gen pour sa prochaine annonce ?
D'ici Persona 5 et Shin Megami Tensei 4, Strange Journey vous permettra
de patienter, la portable en main.

Mololo

 www.consolesyndrome.com