Ca n'a pas toujours été aussi évident, mais désormais, dans le jeu vidéo comme dans le reste, j'achète les œuvres d'artistes ou du producteurs que je soutiens. Je fais ainsi le choix très personnel d'acheter un jeu non plus seulement en terme de prix ou d'intérêt, mais en fonction de son développeur et du contexte très particulier dans lequel il est paru. Ça ne veut pas dire que j'exclus toutes les productions d'un développeur donné, mais c'est un paramètre qui rentre définitivement en ligne de compte.

Bien sûr la majorité des acheteurs ne s'embarrassent pas de tels critères. Le jeu vidéo revêt en fait des importances bien différentes, peut-être plus encore maintenant qu'apparaissent de nouvelles façons de jouer : passe-temps, divertissement, simple produit, objet de collection ou de culte, comme autant de point de vue et d'avis. Et de tous les publics possibles, les passionnés, ou les joueurs les plus engagés, auront certainement à cœur de transposer leur engagement et leur passion autrement qu'en jouant.

Illustration : en novembre, l'entretien de Joystiq.com avec un Bobby Kotick a priori honnête, loin de faire des émules, suscita une vague de suspicion. C'est que le président de Activision a la réputation de ne pas aimer les jeux vidéo et d'être avant tout un homme d'affaire, des choses assez mal vues par les passionnés. Parmi les commentaires, un lecteur - MDizzy - écrivait : « Comme souvent la solution est simple : si tu n'aimes pas la manière dont l'industrie fonctionne, vote avec ton dollar ». C'est sur ce principe que je souhaiterais revenir.

Comme dit plus tôt, il est question d'engagement, et cet engagement peut devenir une forme de militantisme, aussi exagéré que puisse paraître le terme. Il ne s'agit bien sûr pas d'aller militer, pancarte en main, devant les bureaux de Activision (encore que ?), mais bien de rendre concrètement cet engagement, chacun à son niveau. Il s'avère que la manière la plus accessible et la plus concrète de militer est aussi la plus banale : l'achat. En faisant l'acquisition d'un jeu (neuf ou de manière à rétribuer les concepteurs), on soutient financièrement son développeur tout en donnant sa voix pour ce que l'on supporte : un créateur, une idée, un concept. Aussi contestés qu'ont pu être les nombreuses itérations de jeux musicaux, de jeux de fitness, et globalement, les opérations bassement mercantiles autour du jeu occasionnel, les gens qui les ont acheté - et ce quelque soit les raisons - les ont adopté, inscrivant leur continuité dans l'agenda des sorties.

Plus tôt dans l'année une lettre envoyée par des épouses aux responsables du studio Rockstar San Diego - en charge du développement de Red Dead Redemption - faisait connaitre les conditions de travail de leur mari au sein de l'entreprise. Suite à quoi certains sites titrèrent « Faut-il acheter Red Dead Redemption ? », soulevant par là-même une problématique très pertinente : acheter un jeu ne revient-il pas à accepter tacitement la manière dont il a été développé ? Ne faudrait-il pas s'abstenir dès qu'on soupçonne de mauvaises conditions de travail pour montrer qu'on ne soutient pas qu'une société puisse exploiter ses salariés ?

On n'est d'ailleurs pas sans connaître les rumeurs autour des sociétés japonaises de jeu vidéo. En mars, un sondage évoquait les salaires d'un programmeur moyen au sein d'entre-elles, à l'occasion duquel l'un d'eux annonçait gagner 1 500$ pour 256 heures de travail par mois. Bien sûr l'importance de l'entreprise et ce que l'on peut considérer comme acceptable varient selon les sensibilités culturelles, mais on est déjà très largement dans l'excès, et c'est le genre de choses qu'il est difficile d'ignorer.

Plus récemment encore, je questionnais la décision de CD Projekt d'engager des sociétés pour poursuivre les téléchargeurs illicites. J'évoquais d'ailleurs, en fin d'article, ne pas vouloir acheter The Witcher 2 pour ces raisons, et il appartient à chacun de déterminer où la limite se situe, et comment l'exprimer.

Qu'il s'agisse ou non de jeux vidéo, faire entendre sa voix demeure primordial pour questionner les excès ou relayer les bonnes initiatives. Nombre de nos articles ont d'ailleurs eu à cœur de revenir sur certains sujets polémiques, qu'il s'agisse des DRM ou de la dématérialisation. Il convient simplement de ne pas céder à la facilité d'être perpétuellement insatisfait - voire intolérant - et de valoriser le jeu vidéo pour ce qu'il est : un médium jeune, fédérateur et passionnant.

Par Memento