Final
Fantasy XIII et Mass Effect 2 sont deux représentants du jeu de rôle
sur nos consoles. Deux mastodontes même, très attendus par les fans et
porteur d'immenses promesses. Au-delà de la qualité de chacun, ces
titres ont surtout marqué pour l'hybridation de leur gameplay. Leurs
mécaniques RPG se voient compléter par d'autres routines, classiquement
associées à d'autres genres. FF XIII a fait évolué le cheminement
classique d'un jeu de sa lignée en restreignant l'exploration, en
supprimant les villages, les shops et la profusion de PNJ. La narration
n'est alors entrecoupée que par les combats, dynamiques et
stratégiques. Certains parlent ainsi de beat them all stratégique
scénarisé (sic). Pour Mass Effect 2, c'est son système de combat qui
s'est vu fluidifier, en proposant une dynamique proche d'un TPS. En
contrepartie, l'inventaire et l'aspect customisation des persos ont été
raboté. Le phénomène d'hybridation de gameplay est en pleine
expansion...

... mais pas forcément nouveau

L'hybridation consiste en une fusion de plusieurs mécaniques de genres différents (action, RPG, stratégie) au sein d'un seul et même gameplay. Souvenez-vous de Shenmue. Le hit de Yu Suzuki proposait un cheminement proche du jeu d'aventure : discussion avec les PNJ, récolte d'informations, orientation vers le prochain destinataire. Pourtant dès que la situation s'envenimait, le gameplay « baston » prenait alors la relève dans une phase de jeu qui n'avait rien à envier à Virtua Fighter. Enfin, nous nous rappelons tous des séquences QTE, chargées de rendre les cinématiques interactives. Ces trois composantes, pourtant très différentes, se fondaient à merveille dans une mécanique spécifique, qui a fait la renommée de ce titre Dreamcast.

Plus proche de nous, un titre comme Grand Theft Auto représente parfaitement cette fusion. En effet, dans GTA, on conduit des voitures (composante course), on déambule dans la ville (composante aventure), on tire sur tout ce qui bouge (composante action) et on customise son avatar et son évolution (composante RPG). En bref, un vrai best-of de ce que dont est capable d'offrir le jeu vidéo. Le succès aidant, on constate que de plus en plus de jeux mixent ces différentes inspirations pour enrichir une formule de base.

2009 est très représentative de cette hybridation de gameplay. Parmi les plus gros hits de cette année, beaucoup jouaient sur plusieurs tableaux : Uncharted 2 lorgne sur l'action et la plate-forme ; Borderlands allie RPG, FPS et Diablo-like ; Brutal Legends combine RTS, course et beat them all, etc. Même les jeux de foot prennent leur aise en offrant des interfaces de gestion complexes ou encore la possibilité de créer son avatar et de le faire évoluer. Tout ceci bien sûr en supplémente du gameplay sportif traditionnel. La formule gagne en consistance, le joueur en possibilité, le jeu en durée de vie. Tout le monde est content. Mais on touche surtout du doigt le vrai potentiel du jeu vidéo. En effet, pourquoi son jeu devrait-il se limiter à une approche de gameplay, selon le genre auquel il appartient ? Une réflexion qui fait son chemin, en majorité auprès des développeurs occidentaux, plus prompts à digérer les diverses influences reçues pour les ré-interpréter. On sait aussi que les japonais sont plus conservateurs, voire même xénophobe pour tout ce qui touche au jeu vidéo. De ce fait, beaucoup de leurs productions restent cloisonnées, enfermées dans un pattern préhistorique. D'ailleurs, les genres qui cartonnent là-bas sont souvent très codifiés (RPG, Tactics, Wargame).

La disparition des genres ?

La conséquences évidente de cette hybridation résulte en la disparition (au moins la raréfaction) de quelques genres bien particuliers. Les jeux d'infiltration au sens strict, pourtant à la mode il y a une dizaine d'années, sont quasi-inexistants de nos jours. Pourtant, la furtivité comme composante de gameplay n'a jamais été aussi présente (Batman Arkham Asylum, Uncharted 2, Assassin's Creed II). Autre exemple : le jeu de plate-forme traditionnel a vu son champ d'action élargi avec l'arrivée de la 3D. Mario 64 lorgnait déjà vers le jeu d'aventure (collecte et recherche des étoiles), voire même le jeu de course au travers de ses mini-jeux au détriment du postulat plate-forme : « se rendre d'un point A à un point B en évitant les obstacles ». De même, Ratchet and Clank ou Jak and Daxter ont introduit une dimension très action à leur univers. C'est dommage pour les férus de ces genres en particulier, mais le jeu vidéo y gagne à coup sûr.

Porteur de promesses

L'hybridation des gameplay s'est faite de manière naturelle. D'abord avec l'évolution de la technique (cf. l'exemple de Mario 64), puis par une prise de conscience des développeurs consécutive à une demande des joueurs. Pour celui qui aime l'approche stratégique des combats de RPG, pourquoi ne s'y adonner qu'exclusivement dans le cadre d'aventures extrêmement codifiées et donc par définition limitée ? Ainsi, les carcans volent en éclats, les concepts progressent et le jeu vidéo gagne en maturité. Même un enfant de 6 ans pourra vous le dire : utiliser les points forts de genre différents au sein d'un même gameplay a tout de le formule magique. Bien sûr, il s'agit ici d'un point de vue théorique, la réalité n'étant pas si simple. Cependant, rêvons deux minutes : si on cesse de ranger les jeux dans des catégories restrictives, peut-être aurons nous droit à des softs plus ambitieux, débarrassés de cette classification qui calme souvent les ardeurs des éditeurs. Un titre comme Heavy Rain par exemple n'appartient pas vraiment à une catégorie précise. Pourtant cela ne l'empêche pas de proposer une alternative crédible dans sa réflexion au même titre n'importe quel autre jeu « labellisé ». Peut-on s'attendre à un nouvelle classification pour nos jeux, en fonction pourquoi pas du mode de narration ou de l'émotion dominante ressentie durant une partie (à la manière du cinéma avec le « film d'amour », le thriller, etc.) ? Rendez-vous dans 10 ans pour la réponse.

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