Avant Lost j'ai eu un premier amour télévisuel. Une série américaine que Canal + annonçait révolutionnaire ! Et c'était le cas. Au départ je n'ai pas saisi le concept de "série en temps réel", je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Mais c'est normal, puisque rien ne pouvait me préparer à voir ça : Une série où les épisodes se suivent chronologiquement, où chaque épisode est la suite directe du précédent, où vous allez rester une semaine dans l'attente intolérable de la suite. Aujourd'hui c'est très commun, mais il y a huit ans, un tel concept de série en temps réel était prodigieux. 

Des séries dont les épisodes se suivent, on en a connu bien avant 24 évidemment, mais cette utilisation là est unique. Une journée de 24 heures découpée en 24 épisodes pour faire une saison. Simple, efficace, et d'autant plus intelligent que la durée des pubs (aux US) était comprise dans cette heure (ce qui réduit les épisodes à 42 minutes). C'est juste génial ! Le temps que t'ailles aux chiottes, que tu ailles chercher ton paquet de chips parce que la pub t'a donné faim, et bien Jack continue sa vie pendant que tu glandes sale feignasse ! Mais ce rythme et ce dynamisme s'exprime également dans une mise en scène "a l'épaule", et souvent "instinctive" pour la bonne et simple raison que les cameramans de la série ne sont pas présents durant les répétitions, afin de filmer de manière plus spontanée. 

La pièce centrale de la série, après son concept de temps réel, est le personnage principal : Jack Bauer. Interprété avec passion par le petit Kieffer Sutherland, Jack Bauer est le patriote dont une statue devrait être érigée devant les locaux du parti Républicain, en tout cas pour la première moitié de sa carrière (jusqu'aux changements d'opinion envers G.W Bush en fait). Jack Bauer est un homme d'action, dévoué corps et âme à son pays, aux valeurs de la constitution. Ce n'est pas un homme tout blanc, et ce bien avant The Shield. Jack Bauer est prêt à tuer un innocent s'il peut en sauver 100 fois plus, il peut tuer un coéquipier pour obtenir une information, il peut même tuer son patron pour gagner du temps, mais avant tout, il est prêt à mourir pour son pays, à se couper les veines sur le drapeau pour s'assurer qu'il reste rouge. Mais le principal soucis de Jack Bauer, c'est que Kieffer est également producteur de la série. 

Des séries comme Grey's Anatomy, House, Castle, ou encore My Name is Earl.. ces séries ont pour nom le patronyme du héros, donc il est impossible pour ce personnage de mourir, puisqu'il faudrait changer le nom de la série, ou trouver un moyen d'utiliser le même nom sur un nouveau personnage... Mais pour 24, le nom c'est le concept! Et avant la saison 03, Kieffer Sutherland précisait que "la série parle de la cellule anti terroriste, pas de Jack Bauer, donc Jack Bauer peut mourir ". Mais merde ! Où sont passées ces vaines paroles?!  Quand on sait que Jack Bauer a survécu à la cellule, qu'il a empêché des complots, des attaques nucléaires, biologiques, qu'il a du perdre 150 litres de sang et se retenir de chier pendant toutes ces années... Mais tuez le bordel ! 

C'est le principal reproche que je fais à la série, c'est d'avoir sacrifié un si bon concept sur l'autel de la Star. Et ça c'est triste. 

Mais quand on y pense, 24 heures chrono a traîné dans ses 4 dernières saisons, une somme incroyable de redites, de clichés et de cliffhangers éculés depuis des lustres. A chaque saison, on se demande qui est la taupe, on sait pertinemment que le méchant ostensiblement montré du doigt, n'est qu'un vulgaire pantin face à l'individu qu'on montre gentil depuis le début, mais qui a malgré tout un regard de vicieux. A force, les fans ont pris ces faiblesses narratives pour des clins d'oeil aux spécialistes de la série, de la même manière qu'on attend la mort de Kenny dans South Park. Cependant, les quatre premières saisons étaient toujours très inventives, intelligentes, de plus en plus subversives au fil du temps. La force du show réside cependant à sa capacité à nous maintenir en haleine face à autant de virages, de boucles et de ficelles. Ce n'est qu'à la fin d'une saison, quand on se rappelle des premiers épisodes, qu'on se dit "mais qu'est ce qu'ils m'ont raconté ?!" Et ça c'est très fort, d'arriver à nous faire croire à n'importe quoi.

Si je devais choisir ma saison préférée, je prendrai la cinquième saison, car elle marque la fin d'une époque, en nous rappelant les anciennes saisons, les anciens personnages, tout en posant une intrigue de complot particulièrement bien ficelée. Mais c'est dans son ensemble, car si je devais prendre un Season Final, je choisirais sans conteste le final de la quatrième saison, car il annonçait un tournant radical (qui malheureusement n'a pas vraiment eu lieu), mais qui reste selon moi la meilleure fin de toutes les huit saisons. 

Mais cette ultime saison, que vaut elle? Dans l'ensemble, elle a su rester cohérente du début à la fin, sans nous emmener à droite et à gauche. En maintenant l'intrigue dans un seul sujet, en ne multipliant pas les personnages inutiles, cette dernière saison s'est montrée assez intéressante dans la forme.. mais dans le fond.. Qu'est ce que c'est que cette morale de merde? Qu'est ce que c'est que cette fin de merde? A chaque fois que je me suis dit "ah là ils ont les moyens de faire un truc de fou!", et bien les scénaristes n'ont pas eu les couilles d'aller au bout de leurs idées, et nous ont redonné l'amère saveur d'une menace terrible qui va s'évanouir comme peau de zob au soleil. Et que dire du dernier épisode.. Non mais merde quoi ! C'est la fin des aventures de Jack Bauer! Vous avez mis ce personnage au dessus de la CTU et du Concept lui-même, et c'est comme ça que vous terminez la série?! 

Depuis la saison 6, 24 heures chrono s'est empêtré dans une dynamique bancale, et n'avait plus de personnages secondaires d'intérêt. Quand Jack n'a plus que Chloé O'Brian, là on a envie de pleurer. Et la raison est très simple : "Je ne crois qu'en Jack, Chloé est là pour râler et faire rire les ménagères, tous les autres je m'en branle ! Ils peuvent mourir ça me passe par dessus la jambe". Et ce constat est alarmant, car si je repense deux secondes à LOST, à la fin de la série il restait plus de la moitié du casting de la première saison, après six ans! Et quant à Jack? Très simple, il est le seul rescapé des huit saisons. Triste.

 

J'ai sûrement l'air déçu, et c'est sans doute le cas. Il me reste néanmoins le doux souvenir d'une série innovante, passionnante, crispante, violente, et beaucoup de mots en antes que j'ai oublié. Je suis triste que la fin des aventures de Jack Bauer marque non seulement la fin d'un si beau concept, mais également des aurevoirs si plats, si quelconques. Après huit saisons, un film télé et un jeu vidéo, 24 Heures Chrono sonne ses derniers tic tac, Adieu? Ou juste, A bientôt?