La technique de pinceau dite "Cun" est l'une des principale technique de dessin dans la peinture traditionnelle chinoise. Yongliang prend des paysages urbains photographiés par ses soins et leur donne un effet "Cun" par des procédés de retouche photo. L'artiste incorpore la modernité dans une iconographie traditionnelle, pour un résultat assez fantastique, je trouve. 

Ses paysages irréels montrent aussi la violation de l'espace naturel, la pollution, le gaspillage. Dans ses images se mêlent beauté et laideur, la vitalité superficielle cache une crise intérieure survoltée, l'extérieur est brillant, l'intérieur sombre, comme un rêve prémonitoire. Les photos de Yongliang sont d'une harmonie et d'une unité visuelle stupéfiante. Poétiques de loin, chaotiques de près, elles apparaissent finalement comme des montagnes dénudées et des villes arides, ou la seule loi qui existe est celle du béton. 

Yongliang expose toutes les contradictions, tensions et conflits possibles entre tradition et réalité. Un équilibre fragile et risqué, mais atteint de manière majestueuse.

 

"Une oeuvre très singulière vient d'apparaître en Chine. Elle prend à bras-le-corps la culture ancestrale de ce pays pour mieux la détourner et créer un nouveau monde d'illusions, une vision entre rêve et cauchemar inspirée par la peinture traditionnelle de paysages, les fameux shanshui. C'est l'oeuvre d'un jeune artiste photographe shanghaien, Yang Yongliang. Comme celui-ci le dit lui-même, il crée pour «critiquer la réalité qu'il a sous les yeux», alors même que les anciens traduisaient par leur art le sentiment profond qu'exerçait sur eux une nature qui semblait immuable. Le travail de Yang Yongliang dépasse la notion du pastiche, même si l'humour joue un rôle déterminant dans chaque image recomposée. Aux yeux d'exégètes de son pays, parmi lesquels le professeur Gu Zheng, cette oeuvre, par sa finesse, par sa texture, devient un shanshui photographique. Comme ses illustres ancêtres, il privilégie la composition pour masquer de prime abord le contenu, ce paysage chaotique fourmillant non plus d'arbres centenaires, de cascades, de pavillons, mais de pylônes électriques, de gratte-ciel, de bagnoles ! En revenant aux longs rouleaux panoramiques, en jouant sur des détails, sur des effets d'échelle, Yang Yongliang incarne effectivement un nouveau shanshui. Et le miracle s'accomplit : un «horrible charme», pour reprendre l'expression de Gu Zheng, se dégage de cette improbable reconstitution. Mieux, il suffit de reculer de quelques pas pour se laisser prendre par une vraie poésie, née des formes inspirées des anciens ou de la courbe vertigineuse de la Bourse de Shanghai. Yang Yongliang oscille lui aussi entre une réalité sublimée et une composition fictionnelle. Il s'inscrit dans cette lignée, au point de décliner avec grâce les signes distinctifs du shanshui : pics et vallées, sceaux, poèmes, nuages, pleins et vides se succédant pour mieux créer un espace-temps consubstantiel à cet art, avant de nous plonger sans crier gare dans l'enfer de ce que lui-même nomme «les villes fantômes». Car Yang Yongliang est tout sauf un artiste «rétro»: son oeuvre visionnaire s'inscrit de plain-pied dans l'art contemporain. Que ce travail se lise en outre comme un cri d'alarme, face aux effets dévastateurs d'une urbanisation et d'une industrialisation sauvage, est d'autant plus fort."

 

Claude Hudelot

 

Pour plus de travaux de l'artiste, ça se passe ICI.