Aujourd'hui, le jeu vidéo est en train de rentrer dans les mœurs comme un nouvel élément de notre patrimoine culturel, et même parfois comme un art à part entière, ce que j'encourage comme tant d'autres. Seulement, qui dit patrimoine culturel, dit conservation de celui-ci, et comme le raisonnement est réversible (qui dit conservation dit patrimoine culturel, donc les gens comprennent qu'ils sont face à de la culture et non de la merde), on encourage tous les projets qui vont dans ce sens, sans parfois même réfléchir et se demander si la façon que l'on a de le faire est, sinon parfaite, tout du moins correcte.

En effet, au MJV, on tend plutôt vers une simple exposition des machines et des jeux, et quelques bornes jouables. On ne connaît pas encore exactement la forme que prendra MuseoGames, mais, ayant déjà vu des interventions de MO5, je pense que l'interactivité sera plus présente.

Mais une exposition sur le jeu vidéo a-t-il un intérêt si on ne peut pas jouer ? Pour moi, très peu : on se contente juste de rappeler des souvenirs aux joueurs, et d'apprendre quelques petits détails aux néophytes avec des panneaux disséminés bien textuels donc pas très attirants et qu'on lit les yeux à moitié fermés. Au mieux, on étudiera l'évolution du marketing sur le design des consoles et les jaquettes. Pour moi, c'est comme si on vous montrait la couverture d'un livre, qu'on nous disait :  « C'est très beau » mais qu'on nous interdisait de le lire. Une vidéo du jeu serait-elle suffisante ? C'est évident que cela serait déjà mieux, on pourrait voir d'un peu plus près le jeu, mais on perd l'élément qui fait que le jeu vidéo n'est pas du cinéma : l'interactivité.

Si le film Mario n'était que le video walkthrough d'un nouveau Mario, vous raleriez, non ? Cela n'a aucun intérêt de regarder quelqu'un d'autre jouer à Mario. La seule solution qui nous reste, c'est de laisser les gens jouer aux jeux . Oui mais voilà, il y a un argument de la mort qui tue contre ça : « Ils vont tout casser ! ». Et ce n'est pas faux. Je ne vais pas vous refaire tout le pitch anxiogène de ce monde décadent où les hommes cassent tout ce qu'on leur offre, mais il n'empêche que c'est vrai. On ne se retrouve pas pour autant dans une impasse. Comment fait-on pour lire un vieux livre ? On en achète une édition récente. Vous allez me dire qu'il n'y a pas de réédition récente de Space Harrier. Je vous répondrai que, si vous voulez y jouer, vous n'avez qu'à télécharger un émulateur et la rom du jeu. Le net est devenu le conservateur officiel du patrimoine vidéoludique.

Attention. Je ne dis pas qu'il faut totalement renoncer aux expositions sur l'histoire du jeu vidéo. Tout d'abord car on ne retrouve pas avec un émulateur les mêmes sensations que sur les machines d'antan. De plus, comme je le disais en début d'article, il ne faut pas négliger l'exposition médiatique que nous offrent ces évènements. Cependant, pour moi, ceux-ci n'ont aucun sens si l'on ne peut pas jouer aux jeux présentés. Il faudrait donc trouver un moyen de protéger les machines. Je ne me tenterais pas ici à des tentatives de résolution de ce problème, car je suis bien conscient des moyens que cela nécessite.

Je vais finir cet article par un compliment. J'ai entendu, probablement comme vous, Alexis Blanchet, dans le podcast 136, parler de la Bnf qui conserve et met à disposition un exemplaire de tous les jeux (merci au dépôt légal). Si je crois ce que j'ai entendu, car je n'ai pas encore pu essayer par moi-même, je pense que c'est tout simplement et évidemment la conservation parfaite : on peut avoir accès à tout, n'importe quand, et seuls les passionnés qui ne détruiront pas les consoles y ont accès (et, au pire, il restera toujours un deuxième exemplaire). De plus, je ne sais passi vous avez déjà essayé de finir un jeu dans en plein milieu d'une expo, mais bon, c'est pas top, alors que là, on a tout notre temps. Enfin, on retrouve les bonnes vieilles manettes des bonnes vieilles consoles, alors, même si on ne profite pas du même intérêt de la part des médias, je pense que l'on tient la solution parfaite. Ce qui, au final, est logique, puisque ca a été pensé pour.