Celle par qui le mouvement s'est immiscé dans nos salonsNintendo a été le
premier à négocier le tournant avec la Wiimote et sa grande sœur plus
efficace, la Wiimote MotionPlus. C'est un carton, la console se vend
parfaitement bien encore aujourd'hui. Elle est également responsable de
la vulgarisation des termes « casual » et « hardcore » qui symbolisent la scission entre les jeux passe-temps procurant un fun accessible et immédiat, et d'autres qui
impliquent plus d'efforts, de concentration, de temps et provoquent
généralement davantage d'immersion par l'émotion et la narration.
Peut-être par peur de la critique négative auréolant cette «
casualisation » des jeux Wii ou le temps de la recherche et
développement, Microsoft et Sony mettent bien deux ans avant de
rétorquer leurs atouts dans cette mouvance. Les dés sont jetés, ce sera
le Projet Natal pour l'un, un détecteur ultra-sensible des mouvements du corps sans avoir besoin de tenir quoi que ce soit en main et le
Playstation Move pour l'autre, un controller similaire à une Wiimote
mais terriblement plus aiguisé et qui reproduit exactement le mouvement
effectué. Le recul aidant, les deux concurrents explosent totalement la
Wiimote sur son propre terrain, techniquement parlant.


Wii Sport est-il vraiment aussi conviviale et immersif que le marketing le laisse entendre ? Avec la Wii, on avait l'impression que jouer en bougeant pouvait
aboutir à des sensations nouvelles dans les jeux. Des sensations de
mouvements comme quand on fait du sport en vrai, quoi. Rien de terrible à se mettre sous la dent surtout que Nintendo s'évertue à pondre des
titres de sport dans lesquels on fait "comme en vrai" sauf qu'en vrai,
bah, le sport c'est mieux hein, faut pas se leurrer. En plus, c'est
socialement très bien accepté, alors sortez de chez vous ! Alors je
comprends ainsi la volonté de Sony et de Microsoft de se mettre dans le
même bain que leur concurrent : profiter de ce marché florissant en
tentant de le renouveler et d'y apporter un nouveau souffle, un intérêt
particulier et des sensations inédites, qu'on ne retrouvera pas avec un
pad et qu'on ne peut pas faire dans la réalité.


Souvenirs, souvenirs Le gameplay par le mouvement est-il l'avenir ? Va-t-il ranger nos
bons vieux pads au placard ? On a l'impression qu'il y a en ce moment
les vieux gamers qui résistent en se raccrochant à la nostalgie de leurs moments d'anthologie passés sur arcade ou sur 8-bits avec leur pavé
entre les doigts. Il y a également ceux qui comme moi, sont venus sur la planète jeux vidéo un brin plus tard mais qui, avec la Playsation
première du nom, la Saturn ou encore la Nintendo 64, ont cette même
nostalgie, cette envie de se poser dans le canapé et de vivre des
expériences à la fois émotives, sensorielles et intellectuelles. Une
simple résistance au changement ? La peur de l'inconnu, de bousculer nos habitudes ? Pourtant, une telle richesse ne nous a jamais été enlevée à cause du pad qu'il ait un fil ou non. Alors on se demande ce que peut
bien nous apporter ces jeux où il faudra bouger. Cela peut nous donner
l'impression d'une régression par rapport à ce qu'on a vu sortir sur la
Wii. On se demande ce qu'ils font de nous, ce que devient notre
condition de joueur. Peut-être même que certains gamers ont peur. Enfin, il y aura ceux qui auront toujours vécu le mouvement avec leur console, ceux pour qui les pads seront le symbole de la gloire passée ou bien de la déchéance d'antan. Ces pads qui avaient largement rempli leur office dans le temps et qui terminent leurs vieux jours dans les musées du jeu vidéo et les étagères des collectionneurs nostalgiques...


Une démo similaire à l'esprit Nintendo. Allez, au boulot maintenant Revenons en 2010 pour s'interroger sur l'intérêt que l'on pourrait accorder à ce renouveau du gameplay. Pour moi, lorsqu'on souhaite
impliquer le corps entier dans le jeu, je vois ici une volonté de
plonger davantage le joueur dans l'expérience, d'en accroître
l'immersion. Ici, ce serait davantage une immersion par les sens donc.
Alors, a-t-on besoin de cela pour être immergé dans un jeu ? La réponse
est évidemment non car cela fait belle lurette que le jeu vidéo au pad
nous immerge dans des ambiances, des sensations et des narrations
poignantes et je laisse exprimer vos références dans les commentaires.
La différence est qu'au lieu d'impliquer directement la physique du
corps, le jeu vidéo utilise des effets mêlant les mêmes « pouvoirs »
(je les juge personnellement ainsi) que la littérature, le cinéma et la
musique afin de poser une ambiance, de raconter quelque chose que l'on
reçoit à nos yeux, nos oreilles, notre cœur, notre subjectivité et
surtout, par la sensation des pressions de nos doigts sur le pad, créant ainsi ce lien entre l'écran et nous-même. Il est étrange de constater
que ce lien physique paraissant restreint (simplement presser des
touches) par rapport à l'action s'affichant à l'écran est suffisant pour impliquer le joueur. Je pense qu'il est efficace car il se mêle aux
autres propriétés narratives du jeu vidéo empruntées à la littérature,
au cinéma et à la musique comme énoncé plus haut. Ainsi, le parti pris
des constructeurs serait peut-être de renforcer ce côté relationnel
entre le joueur et l'écran, en rendant cohérent l'action de notre corps
avec celle affichée à l'écran, tout en conservant les qualités
narratives et immersives liés à l'aspect multimédia du jeu vidéo bien
évidemment. Bien évidemment... Mais si la Wii est décriée, c'est justement qu'à part trémousser son popotin, on ne vit pas grand-chose
d'intelligemment réalisé et d'intellectuellement et émotionnellement
immersif sur cette console. Donc, je peux comprendre la riposte de Sony
et Microsoft en ce sens : continuer à faire des jeux avec de réelles
qualités narratives tout en immergeant le joueur efficacement par le
biais des mouvements. C'est en tout cas ce que j'espère et cela paraît
réalisable, intéressant, vendeur.


Se représenter et imaginer l'action, selon Microsoft Pour terminer, j'aimerai appuyer le fait que le jeu se conçoit par l'intermédiaire de notre personnalité, de notre histoire propre, de
notre façon d'appréhender le jeu. Ainsi, l'immersion qui résulte de
l'expérience dépend aussi de nous, de notre faculté à penser l'action
immédiate, à nous la représenter, à la vivre. Il me semble alors très
avantageux pour l'immersion, de pouvoir sentir les choses, de prendre
clairement conscience de l'impact de la balle s'enfonçant petit à petit
dans l'armure pour aller déchirer l'épiderme et trouer les organes. Bien sûr, la qualité des graphismes, le travail sur l'environnement sonore
notamment, voire des effets de style tel que le
« bullet-time » aident largement dans cet exemple, mais cela
fonctionne si la personne est sensible à cette action, si elle a pris
plaisir à décortiquer l'évènement et les effets. Il convient ici de
profiter de l'instant présent en quelque sorte. Décomposer les détails
d'une action, d'un moment, pour en apprécier les caractéristiques et les changements que le joueur a occasionné. Paradoxalement, j'ai bien peur
que seul un pad permette cet « exercice » très immersif car il nous
éloigne de l'action physique justement, chose que le gameplay par le
mouvement aura peut-être du mal à proposer étant donné que nous serons
peut-être trop occupés car directement impliqués dans le feu de l'action physique. Mais je garde espoir.


Broken Elfen, rédacteur chez Sociopads