Cet article retrace les origines du DLC et analyse les
dérives de ce système afin de comprendre pourquoi les joueurs en consomment tout en
hurlant au scandale.

 

L'extension... Parent du DLC.

Le DLC, downloadable content, est un contenu additionnel qui comme son nom l'indique
est à télécharger par le joueur directement sur le net. Avant la dématérialisation, et donc la
possibilité de télécharger ces contenus additionnels, il fallait bouger son cul au magasin de
jeux vidéo du coin, attendre que le vendeur daigne lâcher sa manette, et lui demander s'il
avait reçu ce qu'on appelait alors "l'extension du jeu".
Difficile de dire quelle a été la toute première extension officielle, surtout qu'à l'époque
nombre de joueurs créaient leurs propres contenus additionnels. Mais ce qui est sûr c'est
que le premier roi de l'extension est sans conteste Blizzard avec d'abord Warcraft II puis
Starcraft. VALVe avec Half Life embrayera le pas par la suite.
À cette époque l'extension jouissait d'une image plutôt positive, même des studios de
développement comme Maxis créateur des Sims 2 avec ses 8 extensions et sa masse
d’éditions spéciales ne défrayait pas les chroniques. En effet les joueurs voyaient les
extensions comme une continuité dans le travail des développeurs pour prolonger,
optimiser et varier l'expérience de jeu. À se demander pourquoi ces extensions en
devenant téléchargeables, en devenant des DLC, cristallisent aujourd'hui le
mécontentement des joueurs.

 

Et VALVe créa la démat...

D'abord arrive Steam en 2003. VALVe en maître quasi absolu du jeu en ligne impose
l'installation de Steam à tous les joueurs de Counter Strike, de Team Forteress, de Day of
Defeat et bien d'autres. Bref, impossible de passer à côté. Un coup de maître qui leur
permet aujourd'hui d'avoir le monopole du démat.
Avec Steam, rien ne change au début : ce que l'on achetait en CD, on peut maintenant
l'acheter en ligne et le télécharger directement sans bouger d'un pouce. Tout devient
achetable sous la simple pression d'un bouton. Fini les difficultés de production et la
rigidité du support CD ou DVD. Et si tout devient achetable, tout devient vendable. Là où
le CD et le DVD imposaient une certaine quantité de contenu, sur Steam et sur les autres
plate-formes de téléchargement il n'en est rien. C'est ainsi que l'on vit apparaître des
contenus additionnels de plus en plus petits...
Si à l'époque Activision avait vendu un CD additionnel avec 3 maps en plus pour le
premier Call of Duty, les joueurs croyant à une blague en auraient chialé de rire.
Maintenant, avec la demat, les éditeurs nous vendent des packs de 3 maps ou parfois
moins, des skins d'armes ou de persos, des extensions d'une heure de durée de vie... Bref
la dématérialisation a permis aux plates-formes de téléchargement de devenir de
véritables quincailliers du jeu vidéo.
En soit ce n'est pas une mauvaise chose, peu importe la taille du contenu pourvu qu'il soit
de qualité et qu'il soit correctement décrit pour éviter de leurrer le joueur. De plus, les
divers skins et autres personnalisations répondent à une vraie demande des joueurs qui
cherchent à assouvir leur désir de collection et à se démarquer des autres. Là où il y a
anguille sous roche, c'est dans le comportement de certains éditeurs quant à ces mini
DLC. Ceux-ci vont se mettre à amputer les jeux qu'ils éditent, afin de vendre en DLC ce
qui aurait dû être dans le jeu initial. En fait il s'agit de vendre un jeu incomplet, et de faire
acheter aux joueurs les DLC pour le compléter, un jeu en kit en somme.
C'est dans cette optique de vente des jeux en "morceaux" que les Call Of Duty se sont
retrouvés au fil du temps à avoir de moins en moins de maps et modes de jeu, afin
qu'Activision vende ce contenu manquant en DLC à peine quelques semaines après la
sortie du jeu.
Dans la même logique on peut aussi noter l'aspect dérangeant des contenus déjà
présents sur les disques mais déblocables qu'après l'achat du DLC. Cette pratique sera
utilisée dans des titres comme Resident Evil 5 et 6, Street Fighter X Tekken, Mass Effect 3
et bien d'autres...
Plus récemment encore, Mortal Kombat X a été amputé de 5 personnages qui ont été mis
en vente en DLC dès la sortie du jeu. L'un de ces personnages étant disponible
immédiatement à la sortie du jeu, et les quatre autres sortant un par un toutes les trois
semaines environ. En n'indiquant pas le nom de 2 de ces personnages et en les sortant
toutes les 3 semaines, l'éditeur (Warner) espère faire croire que ces nouveaux
combattants n'étaient pas prévus de longue date et nécessitent un temps de
développement. Bien naïf celui qui croit que ces personnages ne sont pas déjà finalisés et
qu'il ne s'agit pas d'une manoeuvre habile pour glisser en douceur la merguez et éviter le
scandale.
Ainsi, compte tenu de ces dérives, il est évident que les joueurs se sentent floués lorsqu'ils
achètent un jeu et qu'ils se rendent compte qu'ils n'en possèdent pas l'intégralité. Face à
ces abus des éditeurs, la haine des joueurs n'a de cesse de progresser, et on se retrouve
dans une situation où joueurs et journalistes se mettent à rejeter en bloc la notion même
de DLC. Pourtant là où des éditeurs abusent de la situation, certains autres font preuves
de sérieux dans la sortie des DLC en apportant de réelles plus-values.

 

Ces DLC qui agacent, mais auxquels on ne peut rien reprocher.

Revenons sur le cas de Mortal Combat X dont les DLC ont déjà fait couler beaucoup
d'encre. Alors que les 5 personnages vendus en DLC le jour même de la sortie du jeu
semblent choquer personne, la réaction est vive lorsque l'éditeur met en vente des jetons
permettant des "Easy Fatalities".
Pour les néophytes, les Fatalities permettent, après avoir gagné le combat et en effectuant
un combo complexe sur sa manette, d'exécuter son adversaire de manière gore et stylée.
Il s'agit là d'une sorte de célébration de la victoire en étripant joyeusement son adversaire.
Ainsi les Fatalities n'ont qu'un attrait esthétique et n'ont aucune influence sur l'affrontement
entre les 2 joueurs.
Pour faire de l'argent, Warner met en vente des jetons permettant aux joueurs d'effectuer
les Fatalities sans avoir à faire de manoeuvres complexes à la manette. Ces Easy
Fatalities provoquent une vague d'indignation chez de nombreux joueurs et journalistes.
Mais pourquoi une telle réaction? Ce DLC n'est fait que pour l'esthétique du jeu, Il ne
permet pas de prendre l'avantage sur son adversaire et en plus il est accessible à tous
moyennant un tant soit peu d’entraînement. Curieuse levée de bouclier qui a du mal à
trouver une justification.
Énormément d'éditeurs ont recours à la vente de contenus purement esthétiques. World of
Warcraft, Counter Strike : Globale Offensive, League of Legends, sont des exemples de
jeux à faire énormément d'argent grâce à cela. Et si il est vrai que cette pratique est
cupide, il est tout aussi vrai que ces contenus sont pleinement additionnels, facultatifs,
inutiles. Alors il paraît curieux que ces DLC engendrent régulièrement l'indignation des
joueurs.
Il y a aussi beaucoup de joueurs qui considèrent que certains DLC sont vendus à des prix
excessifs. Cet argument n'a aucun sens car le but d'une entreprise est de faire de l'argent,
donc si les joueurs sont prêts à débourser de grosses sommes pour des DLC, les éditeurs
auraient tort de s'en priver. Les prix répondent à la logique de l'offre et la demande et non
à celle du service public ou de l'associatif.
Pourquoi ce DLC me choque-t-il ? Voilà la question à laquelle les joueurs doivent répondre
pour savoir si leur indignation est justifiée, et être sûr qu'il ne s'agit pas que d'une attitude
envieuse et futile.
Enfin, il faut aussi souligner tous ces DLC qui répondent à la notion d'extension. Leurs
objectifs est de prolonger, optimiser et varier l'expérience de jeu. Et même si l'heure est au
bashing d'Ubisoft, on peut admettre que cet éditeur développeur est l'un de ceux à fournir
des DLC de qualité. Far Cry 3 Blood Dragon, Far Cry 4 : La vallée du yéti, ou les
extensions des Assassin's Creed ont le mérite d'apporter une nouvelle vision et des
éléments additionnels aux jeux dont ils sont issus. Ubisoft n'est pas seul à fournir des DLC
de qualité, pour être honnête, nombreux sont les éditeurs à ne pas abuser de ce nouvel El
Dorado. Toutefois pour limiter les tendances pernicieuses, il semble que des mesures
doivent être prises.

 

Les solutions.

Alors bien sûr, jamais personne va se prendre la tête à rédiger une loi pour réglementer
les DLC. Mais quand on y pense, une règle simple pourrait permettre d'éviter les dérives :
L'interdiction totale de développer les DLC tant que le jeu n'est pas totalement finalisé. En
empêchant les développeurs de réfléchir sur les futurs DLC du jeu avant la finalisation de
celui-ci, les DLC répondront forcément à la notion de contenu additionnel. Cette règle,
défendue par Masahiro Sakurai, créateur des Smash Bros, qui s'est récemment indigné
en parlant d'épidémie et d'arnaque du DLC, permettrait de stopper la vente des "jeux en
kit".
Bien évidemment cette règle est une utopie, il est peu probable que l'on légifère un jour
pour répondre à ce problème. Cependant, il y a une autre solution plus simple et plus
productive. Lorsqu'un DLC est manifestement abusif, si joueurs et journalistes le
dénoncent et le boycottent massivement, alors ces DLC disparaîtront quasi
immédiatement. L'argent est le nerf de la guerre, si vous touchez l'éditeur au porte-feuille,
il vous mangera dans la main.

 

Pour conclure.

Aujourd'hui, dans le contexte d'explosion du marché de la dématérialisation, les éditeurs
ont le choix entre deux stratégies pour vendre les DLC de leurs jeux. Soit ils décident de
produire un contenu intéressant et de qualité, soit ils imposent l'achat des DLC aux
joueurs en usant de techniques peu scrupuleuses.
L'une de ces techniques consiste à couper le jeu en "morceaux", et à vendre ces
"morceaux" en DLC. Le joueur souhaitant profiter de l'intégralité du jeu, se voit donc
quelque peu forcé d'acheter les DLC.
La seconde technique consiste à accorder à l'acheteur des DLC des avantages
considérables lors de ses affrontements contre les autres joueurs. S'ils veulent rivaliser,
les joueurs sont donc obligés d'acheter les DLC.
Ces méthodes vicieuses et cupides doivent cesser. Et comme la réglementation n'interdira
jamais cela, c'est aux joueurs que revient la responsabilité de se mobiliser pour que ça
cesse. Cependant, les joueurs doivent être capable de réfléchir et de pointer clairement du
doigt ce pourquoi ils s'indignent, tout en faisant preuve de recul pour savoir si l'indignation
est réellement justifiée.

Pour comprendre et être confronté aux dérives des DLC. Je vous conseille de jouer à DLC
quest, un jeu indé qui traite le sujet avec humour, mais qui est loin de manquer de sens