En 2001, afin d'appuyer  la sortie de son jeu de mécha Zone of the Enders, Konami commande à la compagnie Sunrise un OAV et une série d'animation.

Le premier, baptisé 2167 Idolo est une préquelle au jeu. Pour résumer grossièrement, il raconte le développement du tout premier Orbital Frame : l'Idolo.  La série, quant à elle, prend place entre Zone of the Enders et Zone of the Enders : The 2nd Runner et fait directement suite aux événements de l'OAV. Je vous rassure, inutile d'avoir vu ce dernier. Tout est clairement expliqué en cours de route.

 

Petit rappel de background : Colonie et Guerre

Cela fait des années que l'humanité a pu s'établir à travers le système solaire. Néanmoins, à voyager toujours plus loin, les colons ont vu leur lien avec leurs racines terrestres devenir de plus en plus flou.

A présent une véritable animosité existe entre les Terriens et les colons, en particulier les Martiens. Ainsi toute personne née sur une colonie se voit appelée « Ender », un nom approprié pour ses « habitants du bout du monde ». Les Enders voient les Terriens comme des oppresseurs (Les ressources récupérées sur les colonies servent essentiellement à enrichir la Terre) tandis que ces derniers voient les colons comme de la vermine. Dans le canton martien de Vascillia, une faction gagne en importance. Ce groupe s'appelle le BAHRAM et il mise sur une guerre totale contre la Terre pour libérer Mars.

En vue de cette guerre, le BAHRAM a fait construire en association avec le NUT une arme nouvelle génération. En effet le gros des forces terriennes est constitué de LEV : des robots de combat performants et existants sous diverses variantes (Aériennes, amphibies, terrestres) et pouvant surtout se déplacer dans l'espace. A l'aide du minerai Metatron, le BAHRAM a donc créé un nouveau type de robot : les Orbital Frames. Plus puissant et plus rapide qu'un LEV, ce type de mecha devient alors le cœur des projets de conquête du BAHRAM.

Les LEV font vraiment beaucoup plus "classiques" que les Orbital Frame. Si vous étiez déçus dans voir peu dans les jeux, vous allez être ravi ici!

 

C'est dans  cet univers que s'installe l'intrigue de Zone of the Enders : à une époque où la Guerre Civile est prête à éclater et où tout repose sur une poignée de machines munies des dernières technologies.

 

Dolores, i : le combat d'un père

Dolores, i se déroule en 2172, c'est-à-dire la même année que Zone of the Enders. En vérité la Guerre d'Antillia décrite dans le premier jeu se déroule en parallèle de la série. (On voit Nohman revenir de ce raid avec Anubis en plein milieu de la série)

Nous suivons James Links, un ancien soldat devenu transporteur de marchandises. Le bougre a un sérieux penchant pour l'alcool et passe très peu de temps avec ses deux enfants, Noëlle et Léon, depuis que son épouse Rachel est décédée cinq ans auparavant. Toutefois la vie de notre routier de l'espace va prendre une tournure inattendue lorsqu'on va lui demander de livrer une mystérieuse cargaison et que celle-ci va s'avérer être un robot se présentant sous le nom de « Dolores  l'Orbital Frame ». Notre héros sera d'autant plus motivé à aider la machine que celle-ci lui amène un message audio de Rachel suppliant James de ne laisser personne prendre possession de Dolores. C'est alors qu'une course-poursuite entre James, l'agence de renseignement Terrienne WIRED et le BAHRAM va débuter. Une quête pour comprendre ce qui est arrivé à Rachel, ce qu'est Dolores et pourquoi tous veulent se l'approprier.

Dolores, i oublie les discours moralisateurs de Zone of the Enders premier du nom au profit d'un message sur l'importance de la famille. C'est clair comme de l'eau de roche, toute la série repose sur cette question. Il y a les Links bien sur, James tentant de profiter de la situation pour se faire aimer de nouveau par ses deux enfants qui ont une très mauvaise opinion de sa personne. Mais il y a également d'autres familles qui apparaîtront au fil de l'aventure, dont une famille antagoniste aux Links et fondée sur des principes opposés.

Le principal intérêt est que James devient finalement très attachant avec ses méthodes de lourdaud et que le personnage de Rebecca Hunter prendra également une tournure assez appréciable vue que sa conception de la famille se trouvera vite ébranlée avec ses convictions sur le BAHRAM.

Rebecca est sans doute mon personnage préféré de Dolores, i.

 

Néanmoins on aurait apprécié que Léon et Noëlle soient un peu plus mis en avant. Ils sont présents mais n'évoluent que très peu. Idem pour les deux frères de Rebecca qui font surtout de la figuration.

Vous l'aurez compris, la série est donc plus bavarde et plus terre à terre que le premier jeu. Et ce n'est pas foncièrement une mauvaise chose.

 

La libération des Enders

L'autre volet du scénario concerne bien évidemment la situation entre Mars et la Terre. Une grande partie de l'intérêt de Dolores, i se situe ici puisqu'en fait elle en dit bien plus sur le background que les jeux eux-mêmes !

D'abord il y a bien sur cette animosité permanente. Mais la série a la bonne idée de nuancer cet élément, montrant que finalement l'ultranationalisme de chaque planète ne concerne que certains individus. Mieux, la série insiste bien sur le fait que Mars n'est pas tellement un lieu de misère et que l'influence de BAHRAM se limite essentiellement au canton de Vascillia. Néanmoins la série ne recule pas devant certaines images fortes. (Un défilé des Orbital Frame du BAHRAM devant une foule en délire, galvanisée par la « Libération d'Antillia » ?) Il en va de même dans l'autre sens. Certains terriens ayant tendance à être particulièrement haineux à l'égard des martiens. Le personnage de Cindy est d'ailleurs une bonne illustration des préjugés idiots circulant sur Terre, cette dernière pensant offrir une « fortune » à un martien avec une vulgaire pièce de 500 yens. (Environ 5€)

"Pas de chichi entre nous. Je sais que ça fait plusieurs mois de salaires pour vous les martiens, mais ça me fait plaisir de vous aider. "

 

Aussi ces personnages pourraient paraître caricaturaux au possible mais heureusement deux choses permettent de les voir sous un meilleur angle. D'une part le but est clairement de montrer que cette haine est stupide, et d'autre part il y a une tendance jusqu'au-boutiste donnant des séquences assez choquantes. (Sans vouloir vous spoiler j'ai été assez choqué de voir un officier terrien voulant faire avouer à une petite fille martienne la position d'un fugitif en lui retirant son masque à oxygène, la menaçant ainsi d'asphyxie et annonçant à la foule qu'il va tirer dans le tas s'ils osent intervenir. Plus qu'un homme perdant les pédales, on voit ici un terrien qui ne voit aucune valeur dans la vie des colons)

Ensuite la série permet de découvrir que BAHRAM est une organisation bien plus tentaculaire que ce que les jeux veulent bien nous faire croire. Et surtout, on remet Nohman à sa place : celle d'un colonel parmi d'autres. Car même s'il est une figure influente du groupe, il n'en est guère le leader comme on aurait pu le penser avec les jeux. Il ferait même plutôt office d'électron libre.

Enfin Dolores, i permet de mettre en avant certains éléments faisant écho à ZOE : The 2nd Runner, et cette continuité fait bien plaisir.

 

L'Humanité dans la Machine.

La première chose qui choque lorsqu'on a connu les jeux et qu'on passe à cette série, c'est Dolores elle-même. Les jeux nous ont habitués à ADA, une IA froide et calculatrice de prime abord. Un véritable ordinateur pour qui les gens ne sont que statistiques.

Or, Dolores est le contraire même d'ADA. Cette intelligence artificielle s'avère très humaine, et même trop humaine par moment. (Si les délires kawai nippons vous horripilent, ça ne vas pas s'arranger avec cette série) Rechignant à combattre et à faire du mal autour d'elle, le plus souvent la « Petite », comme la surnomme James, se comporte ni plus ni moins que comme une jeune fille innocente. Capable de chanter, désirant se faire des amis et voulant par-dessus tout protéger James qu'elle désigne comme son « bien-aimé », l'Orbital Frame de la série pourrait passer pour un sacré sacrilège ! Mais il n'en est rien.

Un robot kawai... On aura tout vu! 

 

Alors oui, c'est assez déstabilisant de voir un robot de plusieurs tonnes avoir des manières de gamine, d'autant plus que lors des combats Dolores n'hésite pas à parler et à pousser des cris. (En fait tout ce que font personnages classiques en combat, sauf que là bah c'est le robot qui parle et pas son pilote) Néanmoins ce choix, d'abord de nature comique, met en évidence le contraste terrible entre une simple machine et les humains. Aussi à mesure que l'histoire évolue, Dolores sera finalement intégrée par le spectateur comme un personnage à part entière et non un simple robot piloté par quelqu'un d'autre. Et cette intégration se fera également dans l'intrigue, les Links s'attachant à cette machine au fur et à mesure, renforçant le discours sur la famille.

Mais n'allez pas croire que Dolores se limite à une geignarde rose de dix mètres de haut. Lorsque la situation l'exige elle sait se battre avec efficacité. Et puis, il y a Isis. Mais là je n'en dis pas plus.

 

Une série bipolaire

Ainsi Dolores, i mise en fait sur deux choses radicalement opposées : d'une part le sérieux de la situation politique et des difficultés personnelles de James, et d'autre part des situations beaucoup plus légères voire comiques. Si vous espériez une série totalement sérieuse vous allez être déçue. Mais à mon sens ce choix n'est pas un mal. On s'attacherait beaucoup moins facilement à James ou Dolores sans les situations cocasses les concernant,  par exemple. Et de toute façon, la série sait être sérieuse quand il le faut.

Cependant le bipolarisme ne se situe pas uniquement au niveau des choix scénaristiques. Malgré son histoire se suivant sans difficulté, la série souffre de deux gros défauts.

En premier lieu il y a le design général. Que le style soit daté n'est pas un problème, mais même pour son époque ça ne vole pas très haut. L'animation est même franchement aux fraises par endroit. Blue Gender, une série de real robot sortie un an plus tôt lui est largement supérieure sur ces deux points de mon point de vue.

D'autant que vu que ZOE : The 2nd Runner n'était pas encore sorti, le chara-designer était libre quant à certains personnages « inédits ». Ainsi  Nohman a un désign franchement raté. (En plus d'être moche, il fait surtout trop jeune comparé aux jeux)

L'autre défaut tient en un certain manque d'ambition si je puis m'exprimer ainsi. En fait je parle surtout des méchas. Il y a en tout trois Orbital Frame inédits. (Quatre si on compte Idolo qui apparaît en flashback) Le reste du casting mécanique martien est constitué de modèle aperçu dans le premier jeu. Alors oui c'est logique de se dire que les officiers du BAHRAM emploient des machines fabriquées en série et non des modèles uniques mais tout de même... Revoir Nebula, Tyrant et compagnie avec de nouvelles couleurs... C'était limite. La série va même jusqu'à montrer trois AfterNeith, qui sont ni plus ni moins que des versions noires du Neith de Viola. Et c'est encore pire lorsque plusieurs appareils de classe Raptor (normalement contrôlé par IA) sont montrés avec un pilote à leur bord. Je doute qu'il s'agisse de pur fanservice. J'ai plutôt l'impression que Sunrise n'a pas osé inventer trop de machines pour sa série et c'est bien dommage!

Au titre du fanservice j'ai été personnellement déçu de ne pas voir Léo. Il est à peine cité par Nohman, or j'aurais adoré le voir débarquer à la dernière minute avec le Jehuty. (Et croyez moi, j'ai espéré jusqu'au bout)

 Enfin le bipolarisme touche également la bande-son, divisée entre excellents titres et morceaux plus moyens.

 

 

Dolores, i est correcte, à défaut d'être exceptionnelle. On aurait apprécié un traitement plus sérieux quant à l'aspect purement technique et esthétique et peut être un peu plus de fanservice. Konami devrait peut être songer à mettre en production une nouvelle série pour appuyer la sortie de la HD Collection et le futur ZOE3. Pourquoi pas une histoire focalisée sur ce qu'a fichu Léo entre les deux jeux, dont la conception du Vic Viper ?