En 2010, étudiant à mille lieux - quelque centaines de kilomètres, en fait - de mon doux cocon familial, j'ai été contraint de louer un microscopique logement dans une ville relativement moche dont je ne connaissais que le nom. J'avais pris soin d'emporter dans mon baluchon un écran cathodique bombé comme un ventre Heineken, tout droit sorti de la décennie précédente, et une console dernière génération qui devait avoir, à peu de chose près, une valeur supérieure à l'ensemble de la piaule ! Pour le reste, nous verrons là-bas...

Télévision, au-delà de l'écran

Les jours suivants mon emménagement, je m'installais.

Jamais je n'ai été au grand consommateur de télévision. Si, petit, je passais si peu de temps devant la télévision ce n'était pas par conviction idéologique - je n'ai pas grandi trop vite, rassurez-vous - mais parce que mes parents refusaient que je sois devant l'écran au cours de la semaine scolaire (du lundi au vendredi). En d'autres termes, je n'ai pas été habitué à regarder la télé. Ainsi, adolescent, je me suis rendu compte que cette activité était devenue un reflexe pour certains, plus qu'un désir. Tout de même, entre 12 et 18 ans, il m'arrivait de regarder la télé régulièrement, mais toujours avec modération. Disons que lorsque l'ennui venait frapper à ma porte, la télé ne s'imposait pas.

La boite à images est branchée. La console aussi mais ma ludothèque se limite seulement à un soft : Mass Effect. Au bout d'une poignée de semaines, je m'orientais avec davantage d'aisance dans la galaxie que dans la mansarde dans lequel je dormais.

L'antenne ? Pour l'instant, je passe mes longues soirées avec le commandant Shepard, ainsi le câble patientera dans le tiroir - je dors dans un placard, je compatis - et puis, il faut que je tende le bras pour l'attraper. Qui dit tendre le bras dit, éventuellement, luxation de l'épaule. Et qui dit luxation de l'épaule dit.... luxation de l'épaule.

Bon, l'antenne a quand même vu la lumière du jour. Pas longtemps ceci dit puisque l'état des lieux imposé avant de rendre les clés l'appartement fut expéditif. Ahah !

Découvrez l'internet sans débit !

Contrairement à la télévision, internet dévore beaucoup de mon temps. Je dispose d'un ordinateur mais je n'ai pas de modem et souscrire à un abonnement chez un FAI est hors de question et non-négociable selon mes parents. Il s'agit de se débrouiller avec les moyens du bord. Par chance, je reçois correctement le signal Wi-Fi de ma voisine de palier. Allons voir si cette dernière, qui m'offre des scènes de ménage avec son « copain » tous les soirs, souhaite partager sa connexion. Une fausse bonne idée en réalité.

La fourmi n'est pas prêteuse ! Qu'à cela ne tienne! Je m'en vais te cracker la box avec ma superbe distribution Backtrack conçue très précisément pour toute activité touchant au réseau et à la... Crash du disque dur, affaire classée.

Cet évènement clos une première semaine qui, au premier abord, introduit une année prenant une direction pas franchement excitante. Je ne compte ni passer mon temps libre avec Shepard et toute sa clique ni meubler mes weekend avec du vide ! Au bout de trois mois, je risque de chercher le sas d'embarquement pour rentrer chez moi sinon !

Oui, je n'ai pas eu internet durant toute l'année scolaire. Ainsi, le fait de m'éloigner autant de la télévision et de divorcer complètement du web, chronophage à souhait, pendant dix mois a logiquement ouvert des espaces temporels béants pour s'adonner à d'autres activités qu'auparavant je ne pratiquais peu, pas ou plus du tout.

Toutefois, des obligations scolaires me demandaient d'effectuer des recherches sur la toile. La solution s'imposait d'elle-même : le cybercafé ! Honnêtement, jamais je n'y avais mis les pieds (quelle année pleine de découverte !). Croyez-moi, faire le tour de ce qu'on a manqué pendant deux mois en une ou deux heures est évidemment impossible, et ce, même armé de la plus grande des volontés. Quand le compte à rebours fini finalement sa chute, c'est très frustrant. Vraiment. A noter que j'ai récupéré un ordinateur plus tard au cours de l'année. J'y reviendrais.

Littérature, à la recherche du temps perdu

Ce temps libre que prisaient autrefois les divers programmes télévisés et les interminables promenades sur internet devait être comblé. En outre, il est impensable d'avoir la console de Microsoft pour seul passe-temps.

C'est en flânant dans les rues pour me familiariser avec la ville et tuer les heures perdues que je suis entré chez un libraire et j'ai, tenez-vous bien, acheté un livre. Oui oui, j'ai dépensé de l'argent pour acquérir un livre. Ce n'est pas une métaphore, j'ai bel et bien acheté un livre. Un acte qui, en premier lieu, peut paraitre anodin mais comprenez bien qu'avant je ne lisais pas du tout (seulement ce qui m'avait été demandé au lycée) et que l'idée d'acquérir un bouquin pour mon plaisir ne m'avait jamais traversé l'esprit.

Ce désintérêt flagrant pour la littérature, le pauvre libraire à qui j'ai demandé conseil pourrait vous en témoigner. Je vois encore son visage tomber en ruine lorsque je lui ai balancé, au calme : « je cherche le livre 'Big Brother' s'il vous plait. ». 'Tain, la wel quand j'y repense...

Pour le reste, j'avais en tête une liste de bouquins connus de tous. Par conséquent, ma consommation de livres a ex-plo-sé comme jamais auparavant. Mon engouement - tout nouveau - pour la littérature m'a permis de m'essayer un grand nombre de genres littéraires - dont la SFet l'anticipation - et parfaire ma modeste - excusez l'euphémisme - culture concernant cet art.

D'autre part, une envie insatiable de lire s'est emparée de moi. Il m'est, parfois, arrivé d'acheter aux libraires les livres directement par cinq. Alors que je n'étais même pas arrivé au terme d'une œuvre, je ressentais déjà l'envie d'en commencer une autre. Au fil des chapitres, les ouvrages épais comme une Nintendo GameCube ne me rebutaient plus, bien au contraire. Le must : la ville dans laquelle j'avais élu domicile abrite un somptueux parc calme comme un lac gelé, l'un des plus beaux d'Europe (rien que ça), dans lequel je me suis surpris à passer des heures à tourner les pages des livres que je dévorais les uns après les autres.

Vous m'auriez dit ça quelques années avant, je vous aurai répondu : «Non mais TURBOLOL quoi !».

Jeu vidéo, a Punch to the past

Quand est-il du jeu vidéo ? Figurez-vous que cette année d'exile m'a grandement rapproché du rétrogaming. Le portemonnaie maigre en billet mais étrangement très lourd quand il convient de le sortir pour payer, je me suis rabattu sur les jeux et les consoles d'hier qui restent, de manière générale, bien moins onéreux. Pour quelques euros seulement, j'ai acquis une Sega MegaDrive II - en loose - avec quatre de ses jeux cultes : Aladdin, Sonic The Hedgehog, Castle of Illusion et World of Illusion. Par la même occasion, j'ai fait le plein d'heures de jeu. Nul doute que mon véritable attachement pour le « oldie » est né lors cette année.

J'étais une bille en littérature, certes, mais j'avais des connaissances certaines concernant le rétrogaming, surtout côté hardware. Ce fut véritablement l'occasion de me mesurer aux jeux d'autrefois. D'ailleurs, depuis quelques mois, une folie pour le rétrogaming était née chez les gamers et les prix se sont envolés. Le magasin dans lequel j'allais jeter un œil n'a pas échappé à la tendance.

Bien sûr, la Xbox 360 n'est pas restée tous ces longs mois dans sa niche en carton. J'ai allègrement pris mon pied sur trois bons softs, qui m'ont tous étaient prêtés, comme le sont Mass Effect, NFS : Shift ou encore Batman Arkham Asylum. Par ailleurs, cette année a été pour moi l'occasion de me rendre chez le buraliste fidèlement posté un peu plus haut dans ma rue pour y pêcher mes premiers magazines sur le jeu vidéo (feu Joypad, notamment) afin de suivre, autant que faire se peut, l'actualité en bon passionné que je suis.

Cinéma : Gattaca, pour la 15ème fois !

Je l'ai évoqué précédemment, j'ai mis la main sur un ordinateur pendant le mois de janvier. Le besoin absolu de disposer d'internet s'était grandement estompé et le désaccord de ma voisine avait fini d'achever mes velléités. Néanmoins, l'ordinateur est un excellent outil multimédia. Généreusement, les personnes que je côtoyais au quotidien alimentaient mon disque dur de films pour lesquels je n'avais jusqu'alors prêté aucune attention. A l'instar de la littérature, ma culture cinématographique était honteusement famélique.

Oui, j'étais un parfait ignare avant. Mais je n'en avais pas conscience, donc ça allait J !

Le mieux est de commencer par des classiques plus ou moins récents (épargnez moi, je vous prie, les films des années 20, 30, 40, 50). Je ne suis pas devenu cinéphile mais j'ai développé un esprit critique et pouvais à présent éviter le filer mon disque à certains dont je ne soupçonnais pas le mauvais goût cinématographique jusqu'alors. Les premières semaines, je vous l'accorde, je me suis tapé quelques nanars bien sentis.

Je pouvais mettre des films sur des noms de réalisateurs et, dès lors, briller en société. Enfin, paraitre normal. Concernant, j'étais ce genre de personne qui connaisse une montagne de titres de films, mais qui n'en n'ont vu aucun. Je pouvais te conseiller et même te raconter un long métrage, qui aux dires des accros du ciné était un monument, sans en avoir vu une seule image. Comment pourrait-on nommé ce genre d'escroquerie... Tu vois, je balançais ce genre de remarques : « Nan mais attends, L'Aurore, c'est juste un film culte. T'as pas le droit de ne pas aimer ». Sauf qu'en fait, je me suis rendu compte que ce film est irregardable et que je le conseille qu'à ceux qui font des études cinématographique... et encore !

...

Quoi ?

...

Oui d'accord ! Je l'admets, je me suis ennuyé devant Alien : le huitième passager ! Mais c'est lui aussi lààààà ! Il se passe rien et tout est prévisible !

Musique, my beautiful track twisted fantasy

Dans une moindre mesure, je pourrai en sus évoquer la musique. Jusque-là, je n'achetais pas de galette, me contentant de télécharger (en toute illégalité, bien évidemment). Du coup, je choisissais en fonction des artistes gages de qualité et parfois je m'autorisais une petite prise de risque inconsidérée. D'ailleurs, je me suis rendu compte que la jaquette d'un album a son importance. Ça peut, en cas de grande hésitation, faire pencher la balance.

De plus, les surprises - bonnes ou mauvaises - sont d'autant plus fortes puisque je n'avais pas la possibilité d'écouter les tracks avant de sortir l'argent. Par conséquent, quand on arrive chez soi et que la galette commence à tourner, on ressent une once de crispation : « Faites que je ne sois pas tombé sur une chanteuse à la voix criarde ou un artiste qui utilise disproportionnellement les bass comme cache misère ! ». On ne consomme pas la musique de la même manière. J'ai appris à aimer des albums qui ne m'avaient pas enchanté à la première écoute. Lorsqu'on a peu de musique, on repasse les mêmes morceaux plusieurs fois. On apprend écouter, d'une certaine manière.

Back to the futur

De retour à la maison (une vraie maison), Internet n'a pas attendu plus de deux heures pour surgir à nouveau dans ma vie. Cela dit, mes activités n'ont pas beaucoup changé seulement je consacre bien moins de temps à chacune d'entre elles (reprise du sport en club, blog, tutti quanti).

Mes habitudes de consommation et les budgets que j'allouer à chacune de mais activité ont beaucoup, « très beaucoup » changé même.

J'achète toujours des albums car j'ai aussi appris à apprécier la qualité sonore que nous offrent les CDs. Cependant, mes achats sont moins « risqués » puissent je me fais une idée avant, sur internet, de ce que l'artiste à produit. Je récompense seulement le travail que j'estime être de qualité.

Au fait, là-bas, j'ai acheté des cartes téléphoniques aussi... j'suis un déglingo quand on y pense.

Ce premier contact avec le rétrogaming ne fut pas le dernier. J'ai acquis par la suite une Saturne, une Dreamcast, une MasterSystem, une GameGear, entre autres. Honnêtement, je n'y ai pas passé beaucoup de temps et je ne me suis pas essayé à beaucoup de jeux car de nombreux softs m'attendaient également sur next gen. Quelques mois après, je me suis séparé de ma collection poussiéreuse qui dormait.

Pourrai-je revivre une année comme celle-ci de mon plein gré ?

Les premiers mois après mon retour, il était inenvisageable de répéter une année pareille. A présent, voilà 4 ans que je suis revenu à mon quotidien et je repense très souvent à ces 10 mois loin d'internet et des médias dominants. Ce fut littéralement une purge. J'y repense, sérieusement. Ca me tente... Peut-être pas un an, non, mais 6 mois. Pourquoi pas ?

J'aimerai vous convaincre d'en faire autant, dans la mesure du possible. J'ai, à nouveau, envie de lâcher prise. Croyez-le, je ne m'oppose absolument pas aux réseaux sociaux et au monde « hyper-connecté » mais il exerce sur nous une pression insidieuse et peu explicable. Une dépendance toute relative caractérisée par une anxiété lorsque nous n'y avons plus accès. Ne plus être abreuvé si violemment d'un océan d'informations - pour la plupart inutiles - permet de recentrer notre attention sur des activités moins futiles. Nous prenons plus de temps pour « nous-même ». On se pose davantage de questions, existentielles ou non, et on tente d'y répondre seul sans aller chercher l'information dans la seconde. On trouve du sens à l'ennui.

Seulement, si j'étais contraint de trouver des activités alternatives, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. J'aurai la tentation, au moins, de vagabonder sur internet puisque je ne compte pas m'en séparer (je ne vis pas seul). Ainsi, se couper radicalement de la toile apparait comme une idée légèrement masochiste et égoïste sans compter que c'est un outil dont j'ai besoin pour travailler.

Les conditions ne sont pas parfaites mais se fixer une limite minimale par semaine de temps passé devant son ordinateur ou sa télé est une idée que chacun de nous devrait creuser.

Par contre, je dois vous laisser. « Les anges de la télé-réalité » reprend. On se capte sur Twitter, j'y serai jusqu'à 3h du mat. #Peace #Geekerallthenight