En gros, on a souvent la prise de position dans le sang et la fanboyite facile : du pain béni pour les géants de l'industrie vidéoludique, qui aujourd'hui font l'économie des attaques de front envers le camp adverse et laissent faire la plèbe. On sort sa plus belle trollface, on lâche un communiqué dans la nature et on attend. La suite, on la connait : les Internets montent au créneau pour leurs constructeurs/éditeurs fétiches, les intéressés bouffent du pop-corn devant leurs Google Analytics et tout le monde il est content. Merveilles des guerres propres.

Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Tous ces petits soldats ont un jour fait leurs classes, au coeur du conflit, en plein champ de bataille : la cours de récré, mec ! La vallée de Da Nang des moins de 12 ans. L'équipe Rouge contre l'équipe Bleue, le plombier contre le marathonien acéré... Nintendo contre Sega : c'était pas notre guerre. Et pourtant on en a cassé des égos, on en a invité des voisins juste pour show-off la nouvelle Game Gear quand eux se tapaient le combo Game Boy + loupe éclairante. J'ai retrouvé des collègues étranglés avec des câbles link, d'autres la boîte crânienne enfoncée à coups de MégaCD. J'ai vu l'enfer pavé de plastiques de mauvaise qualité et laisse moi te dire que c'était sacrément moche.

Sega, c'est plus fort que toi. Super Nintendo, un monde aux 32 000 couleurs. On n'était que des pions, le cerveau lessivé à grands renforts de pub ringardes et flashy. Avec le recul, je suis sûr qu'elles étaient blindées d'images subliminales. On était des enfants soldats, tahvu ? Juste on avait troqué nos kalash contre ces engins là :

Perso, j'étais un Bleu. Mais un Bleu franc, le vrai Segafag. Outre des perles comme Streets of Rage, Comix Zone et Altered Beast, la Genesis faisait déjà du gringue à mes tympans avec la puce audio la plus lovely de l'histoire du silicium. Et tant pis si le catalogue de jeux tirait un peu la gueule face à la concurrence, c'était bien assez d'amour comme cela.

J'étais un Bleu.... Je.. J... Ok, arrêtons de tourner autour du pot. Ce message s'adresse à l'un de mes frères d'armes, Julien B, retrouvé comateux, un Zapper de Nes enfoncé dans le thorax. Julien, je ne saurai vivre une heure de plus avec un tel poids sur ma conscience. Julien, je... je trahissais la Cause. Alors que tu défendais fièrement nos idéaux, je passais mes week-end chez mes grands-parents. Là bas Julien, il y avait... il y avait une Super Nintendo. Mais tu sais, je n'avais qu'un ou deux jeux et c'était les plus nazes... On pourrait presque appeler ça du renseignement, know your enemy, tout ça... ? Ok, j'avais une bonne vingtaine de cartouches et c'était que des classiques, mais je jouais si peu ! EN VRAI JE JOUAIS COMME UN PORCO TOUS LES WEEK-END ! Ahem... woops...
Julien, je... j'avais le Super Scope, aussi. Et je préférais la manette Super Nes.

Voilà Julien. Repose en paix, de toute façon cette guerre est depuis longtemps derrière nous. A présent je peux aller de l'avant, le coeur léger. J'ai d'ailleurs choisi d'embrasser ma condition et j'ai poussé l'insolence jusqu'à accrocher ces deux beautés cote à cote dans mon appart' :

Je dois te laisser, on toque à la porte : je pense qu'on vient me raser le crâne.