Les versions étant similaires, les tests le sont également.

Évidemment, pour être totalement transparent avec vous, il faut que vous sachiez que j'ai fait légèrement des pieds et des mains auprès de RaHaN afin de récupérer la critique de Battlefield Bad Company 2 : Vietnam, dans la mesure où je me considère comme un fan hardcore et un pratiquant assidu de la franchise Battlefield (même si je ne suis visiblement pas le seul à la rédaction, il fallait voir l'état de transe dans lequel est rentré Caf quand j'ai abordé le sujet avec lui hier soir : les vrais savent), pour les raisons que je m'en vais vous détailler un peu plus bas. Sachez tout de même pour situer l'oiseau, que j'affiche bravement 250 heures de jeu cumulées sur le mode multijoueurs de Battlefield : Bad Company 2 - BETAs et version finale confondues, avec une nette préférence pour la Ruée en Extrême -, et que je possède une belle collection de plaques nominatives récupérées à la lame de mon couteau (on me surnomme le Boucher dans le milieu), dans un jeu qui est sans conteste celui que j'ai le plus fait tourner dans ma Xboite en 2010. Voilà, c'est dit !

Outrages

Ce n'est pas la première fois que les vikings surpuissants de DICE explorent les contrées moites et hostiles de la jungle vietnamienne, puisqu'en 2004, le studio avait livré aux joueurs aguerris sur PC un spin-off de Battlefield 1942, déjà fort judicieusement nommé Battlefield : Vietnam, qui d'auguste mémoire, fleurait bon le rock'n roll seventies et la poudre des M16. Si l'impression de redite éditoriale est davantage accentuée par le sentiment fondé d'un studio qui tire sur la corde d'une licence lucrative au risque de la rompre, elle est naturellement contrebalancée par une expertise historique du FPS multijoueurs, hissée à un tel niveau d'ambition structurelle et scénique, qu'elle s'impose comme ce qui se fait de mieux à l'heure actuelle sur un marché pourtant ultra-concurrentiel (suivez mon regard). Il faut dire que la tentation de se tourner vers le pur spin-off dématérialisé n'est pas une première pour DICE, attendu que Battlefield 1943 avait déjà ouvert la voie en Juillet 2009, avec le brio et la réussite qu'on lui connaît désormais.

Full metal jacket

Afin d'appréhender la raison pour laquelle BFBC2 : Vietnam réitère le succès d'une formule gagnante, il est nécessaire d'analyser au préalable ce qui fait l'intensité du mode multi de BFBC 2, qui se résume ainsi en trois mots : le Frostbite Engine. En effet, le fantassin de base ne se sentira jamais réellement à l'abri sur une carte du jeu puisque le monstrueux moteur destructible développé par DICE permet toutes les fantaisies, libéré des contraintes physiques inhérentes à 90% de la production de FPS. Cela a pour conséquence de générer une dynamique générale d'urgence perpétuelle, qui fait sens dans le chaos permanent de son cadre guerrier, où les corps et les armes sont lourds et possèdent une réalité charnelle grace à leur inertie crédible. Sans oublier l'affichage 3D performant sur de vastes maps qui offrent un horizon clair et éloigné, propice à la guerre de position. Si l'on peut tout aussi bien flinguer un type solitaire planqué derrière une simple barricade, on a également la possibilité de réduire littéralement en miettes un bâtiment dans lequel sont retranchés plusieurs adversaires, en détruisant ses murs porteurs de manière méthodique, l'un après l'autre. Cette proposition de gameplay élargit considérablement le champs des possibles, ce qui multiplie d'autant les façons de tuer son prochain ou d'accomplir un objectif, car il ne s'agit pas seulement de fraguer dans BFBC2 : on expérimente aussi beaucoup. Il peut s'avérer utile par exemple de créer un tunnel artificiel à la roquette RPG au travers de deux maisons, afin d'atteindre une caisse trop bien défendue.

Platoon

Qui n'a jamais vécu une pleine partie de BFBC2 ne peut imaginer la densité ludique que procure son mode multi, via cette sensation d'adrénaline pure qui déferle dans vos veines dans les moments les plus âpres, qui sont aussi les plus épiques, et qui tend fréquemment vers la démesure propre au cinéma décérébré d'un Michael Bay. C'est au cœur de ces brèves envolées ultra-bourrines que BFBC2 flirte avec le gameplay émergeant, car si DICE se charge de mettre en place un théâtre stratégique accompagné de sa cohorte d'éléments dramatiques, ce sont les joueurs eux-mêmes qui créent leurs propres scènes de batailles, comme autant de tableaux uniques parmi les plus explosifs aperçus dans un jeu vidéo. Il faut en outre insister sur le fait que le gameplay encourage vivement le travail coopératif par le biais de quatre classes de personnages complémentaires (assaut, ingénieur, médecin et ce maudit éclaireur, qualifié volontiers de « snipute »), étant donné qu'il est toujours problématique, voire impossible, de repousser une escouade offensive suffisamment bien organisée. La communication - primordiale - entre les membres d'une team devient alors le maître mot qui pourra mener éventuellement vers la victoire. Cela dit, le gameplay mis en place par DICE est si pointu qu'il n'interdit pas pour autant les exploits individuels, un membre d'une escouade pouvant très bien se détacher de l'équipe pendant que les autres le couvrent, facilitant ainsi l'accomplissement de divers objectifs.

Voyage au bout de l'enfer

Ceci posé, revenons en à BFBC2 : Vietnam, extension spécifique d'une recette qui, comme on vient de le voir, est désormais bien maitrisée. Reprenez le moteur 3D dantesque de BFBC2, appliquez-lui une skin environnementale (américains VS vietcongs) adéquate, qui évoque les plus sombres heures d'un conflit extrêmement meurtrier, modifiez les compétences des belligérants en conservant leur complémentarité fondamentale, et en adaptant l'arsenal offensif et défensif à l'époque choisie à l'aide de 15 nouvelles armes (dont un féroce lance-flammes, prétexte pour les développeurs d'expérimenter des simulacres incendiaires saisissants), convoquez les Huey (les hélicoptères américains immédiatement identifiables de la Guerre du Vietnam) et autres machines de guerre pour leur aspect cinégénique, et enfin, soignez le sound design ambiant en mixant une bande-son et un vocable sixties, afin de rajouter la touche diégétique qui fera toute la différence. Cette somme gargantuesque de choix fonctionnels achève de former un ensemble cohérent et authentique, qui vous immerge littéralement dans la tourbe vietnamienne lors des campagnes majeures liées à cet antagonisme. Les quatre modes de jeu habituels sont bien sûr de la partie, allant de la Conquête à la Ruée, en passant par les multiples matchs de team en escouade.

Génération sacrifiée

BFBC2 : Vietnam propose quatre nouvelles maps (Phu Bai Valley, Hill 137, Cao Son Temple et Vantage Point) en plus d'une cinquième (Opération Hastings) qui sera débloquée lorsque la communauté aura atteint le compteur fatidique des 69 millions d'actions collectives effectuées (comprendre soigner ou ravitailler son prochain par exemple). Ce n'est pas vraiment une surprise de la part du studio, mais le level design se révèle tout à fait approprié puisque certaines d'entre-elles sont structurées de manière à favoriser les confrontations éclairs au sein de gourbis et de tunnels glauques, quand d'autres sollicitent plutôt l'enlisement typique de la Guerre du Vietnam, qui rappelons-le, sera considérée comme la première défaite militaire de l'histoire des États-Unis. À l'aune de la pertinence globale des zones d'affrontement issues de son précédent titre, DICE conforte son statut de leader, car force est de constater que ces aires de jeu inédites arrivent encore à surpasser leurs aînées dans leur propension à tirer partie des moindres particularités du terrain, ainsi que de la topographie caractéristique de la région. Bref, voilà une bien belle leçon de game design made in Suède, et une énième façon de finir l'année en beauté. Soldat, trêve de blabla, ma team m'attend. Rompez !

Quand DICE relance la machine martiale au moyen d'une extension qui prolonge l'intérêt, déjà copieux, du mode multijoueurs de leur franchise star, ils convoquent pour cela la totalité du folklore culturel et cinégénique d'un conflit cruellement médiatisé. Peaufiné à l'excès, Battlefield Bad Company 2 : Vietnam accroît d'autant le plaisir éprouvé qu'il regorge de morceaux de bravoures. C'est triste à dire, mais faire la guerre n'aura jamais été aussi amusant.