Je me souviens encore avec nostalgie du moment où l'ancien rédacteur en chef d'un magazine bien connu consacré au cinéma fantastique, de retour de l'AFM (Americain Film Market) de Los Angeles, m'avait annoncé ces quelques mots : "J'ai vu là-bas un bon petit film sorti de nulle part, réalisé par un inconnu mais qui devrait pas mal cartonner avec le bouche à oreille... ça s'appelle Saw". Huit ans (et sept films au compteur) plus tard, on peut affirmer que sa prédiction s'est élevée bien au delà des espérances des producteurs du film. Succès populaire oblige, les jeux vidéo n'ont évidemment pas tardé à s'engouffrer dans la brèche.

SAW good

À la suite d'un court chapitre d'introduction dans lequel on incarne provisoirement un toxicomane dénommé Campbell, dont la destinée influera sur l'habituelle fin à choix multiples, on se retrouve rapidement dans la peau du reporter Michael Tapp (fils de David Tapp, le flic du premier épisode), qui couvre un crime dont tout laisse à penser que Jigsaw en serait l'auteur, ce dernier ne tardant évidemment pas à nous mettre le grappin dessus... Comme d'habitude dans la série, c'est maintenant lui qui tire les ficelles en nous confrontant à nos propres pêchés dans un parcours expiatoire et diabolique, éléments constitutifs de la saga et qui font ici office d'architecture de gameplay. Loin de se satisfaire de ce postulat de départ, les scénaristes font intervenir en sus une jolie brochette de flics pourris jusqu'à la moelle, accompagnés par divers autres personnages cinglés, dont la psychologie vire souvent à la caricature, ce qui participe paradoxalement au charme désuet d'une série B qui se revendique comme telle.

SAW true

C'est donc à l'intérieur du classique schéma emprunté au genre survival-horror que va s'épanouir une intrigue plutôt bien torchée, Jigsaw nous gratifiant toujours de ces incontournables - et un peu gonflantes il faut bien le dire - apparitions "jump-scare", sous les traits d'un Tobin Bell fidèlement modélisé et dont l'acteur prête sa voix anxiogène. Assez rapidement, SAW II trouve alors son rythme de croisière, enchaînant énigmes tordues dont certaines confinent à la crise de nerfs, révélations fracassantes et combats mal torchés (on y reviendra). Un curieux mélange qui nous rappelle que nous sommes bien en présence d'une adaptation de licence, une sorte de malédiction pesant généralement sur ce type de jeux. Pourtant, les petits bras de Zombie Studios ne sont pas des manches et le prouvent à maintes reprises, notamment dans l'aspect graphique de leur soft qui, évidemment loin d'égaler les ténors de cette génération (on ne parle pas du même budget non plus) offre un rendu largement acceptable, surtout que les sorties à l'air libre (et sous une pluie battante... "anxiogène" qu'on vous dit !) se font plus régulières que dans le précédent volet. La direction artistique et les différents cadres sont beaucoup plus variés que jadis, et nous évoquent même un léger parfum de Silent Hill, c'est dire... Par conséquent, en terme d'ambiance, SAW II reste un titre très fréquentable.

SAW long

En revanche, là où le jeu se vautre ostensiblement, c'est dans le domaine des affrontements avec les quelques PNJ croisés, et on comprend mal ce besoin qu'ont eu les développeurs de remplacer le système de combat en temps réel du premier SAW par une misérable suite de QTE mal branlés qui servent de résolution basique à la moindre confrontation sanglante. Anti-épiques au possible, ces bastons font peine à voir et confèrent un léger côté cheap à l'ouvrage, ce qui la fout mal pour un survival, vous en conviendrez. Heureusement, les rixes se font rares...

SAW II souffre également d'un manque de finition relativement flagrant, qu'on attribuera au planning serré des programmeurs, à l'image de ce bug assez incroyable qui fait que le jeu plante systématiquement dès lors qu'on se sert d'un flingue (du moins dans ma version). Sans compter les enchevêtrements réguliers de pixels entre le personnage et le décor en 3D, qui laissent augurer d'un fignolage qui aurait mérité un bien meilleur traitement. Dommage certes, mais pas suffisamment rédhibitoire pour jeter à la poubelle un soft imparfait, qui se savoure comme un film d'horreur décomplexé du samedi soir.

On ne peut décemment pas juger un jeu comme SAW II à l'aune de la grille de lecture habituelle d'un blockbuster lambda, car il fait partie de ses petits plaisirs coupables dont certains - comme votre serviteur - sont friands, d'autant plus que le genre survival-horror se fait plutôt rare de nos jours. Bien sûr, si vous ne comprenez pas que l'on puisse trouver des qualités aux films dont il s'inspire, passez votre chemin, car SAW II s'adresse clairement aux fans de la série. Et pour une fois dans un jeu à licence, ils sont traités avec un certain égard.