C'est donc en l'an de grâce 1987 que Namco lance sur Famicom un certain Family Tennis. Ce dernier se distingue par le look "Super Deformed" de ses personnages et un gameplay déjà très élaboré et réaliste pour l'époque. Des qualités qui lui vaudront une adaptation en Arcade (sous le nom de World Court Tennis), puis en 1989 sur PC Engine, où il est étoffé d'un surprenant mode RPG. Quatre ans plus tard, Super Family Tennis sur Super Famicom arrive enfin. Véritable second opus de la série et connu sous le nom de Smash Court hors de l'archipel. Moins pointu, mais incroyablement fun (on pouvait jouer sur la plage, voire en haut d'une montagne), Super Family Tennis allait asseoir la popularité de la franchise dans la catégorie "arcade", les représentants tennistiques de l'époque (Super Tennis, Jimmy Connors Tennis et surtout Final Match Tennis) se voulant nettement plus orientés simulation. C'est à partir de cette approche axée sur la bonne humeur que Namco va poursuivre la série sur PSone, sous la dénomination Smash Court... trois épisodes à la qualité malheureusement décroissante (1996-1998-2000). Malgré quelques excellentes idées (le retour du mode RPG dans la seconde itération, en particulier) la profondeur du gameplay passe progressivement au second plan par rapport au contenu, les courts et les joueurs se faisant sans cesse plus "exotiques". Autant dire que l'on ne regrette pas que Smash Court 3 soit resté exclusif à nos amis nippons...

Pac Man perd la grosse tête

D'ailleurs le chiffre 3 ne semble pas porter bonheur à la série. En effet le troisième épisode à porter l'appellation Family Tennis (mais affublé d'Advance), sur GBA, constitue lui aussi une légère déception. Très proche de la mouture Super Famicom à bien des égards, Family Tennis Advance introduit moult fioritures (balles spéciales, déguisements) mais n'offre cependant pas une jouabilité aussi cossue que son aïeul. Et c'est comme par hasard à cette époque (2002), largement dominée par Virtua Tennis 2, que Namco réoriente la saga sur une toute autre voie, marquée par un bref retour en arcade suivi d'un portage sur PS2. Exit les grosses têtes, le fraîchement rebaptisé Smash Court Pro Tournament se veut visuellement très réaliste, à l'instar du Blockbuster de Sega. En dépit d'une réalisation moins tape à l'œil que celle de Virtua Tennis 2, Smash Court Pro Tournament tire son épingle du jeu grâce à un gameplay bien plus subtil et réaliste. Une approche que Smash Court Pro Tournament 2 et son remake dissimulé sous le nom de Roland Garros 2005 vulgariseront davantage à la faveur de graphismes plus attrayants et d'un gameplay plus accessible. C'est de ce prestigieux héritage dont bénéficie (ou plutôt aurait dû bénéficier) Smash Court Tennis 3. La présence du chiffre 3 n'aura pas manqué d'éveiller des craintes chez les superstitieux, hélas à raison. Et pourtant, tout semblait si bien parti...

Tout pour plaire

D'un point de vue réalisation, Smash Court Tennis 3 conserve la philosophie des itérations PS2, à savoir un travail soigné mais pas vraiment tape à l'œil, voire austère. Ce qui n'empêche pas certains courts de flatter la rétine (le soleil couchant de la Tropical Bayside Arena par exemple). De même, la motion capture (recyclée pour certains mouvements) et la modélisation des joueurs s'avère de très bonne facture, nonobstant un contraste trop marqué entre le visage et le reste du corps de nos champions, nettement moins détaillé. Question contenu, Smash Court Tennis 3 dispose de tout ce que l'on peut attendre de la part d'un jeu de tennis digne de ce nom. Arcade, Exhibition (entièrement paramétrable), parties en Game Sharing, Didacticiel, Défi (avec des mini jeux inspirés d'œuvres célèbres de Namco comme Galaga ou l'incontournable Pac-Man), et surtout le mode Pro Tour, encore plus complet que pour ses prédécesseurs. Une fois le personnage créé à partir d'un nombre conséquent de paramètres (malgré un florilège de visages un peu limité) il faudra gérer sa carrière semaine après semaine, en participant aux entraînements et aux tournois plus ou moins prestigieux en fonction de son classement (on débute avec le dossard 250). Signalons qu'une fois de plus, ce dernier est basé sur un système presque identique à celui de l'ATP, un sacré gage de réalisme si l'on fait abstraction du look souvent farfelu des joueurs fictifs.

Epicerie tennistique

Mais la grande force de ce mode Pro Tour, c'est le naturel avec lequel il se déroule. Wild Cards, invitations à s'entraîner avec un joueur, courrier des fans et même extraits de presse relatant vos exploits, tout s'enchaîne de manière parfaitement crédible. En prime, ce 3ème opus en rajoute encore une couche avec la possibilité de mener en parallèle une carrière en double et double mixte, sans oublier la présence de sponsors dont on pourra s'attirer les faveurs. Enfin, l'expérience acquise au fil des matches permet comme à l'accoutumée de faire progresser les différentes capacités de son poulain, si ce n'est que cette fois on peut affiner ces évolutions par le biais de caractéristiques bien spécifiques à développer. Les passings shots, les services canon, le lift, le slice ou la frappe à plat (à travers leurs différents aspects), la récupération et même les variations de mental, tout doit être savamment choisi afin d'obtenir un joueur conforme à ses aspirations. Dommage, au regard d'un tel programme, que l'ascension jusqu'à la place de numéro un mondial soit si aisée (en à peine 9 heures de jeu, soit 11 mois de carrière pour votre serviteur), l'adversité prenant la plupart du temps la forme de bras cassés (joueurs réels exceptés).

Rien ne sert de courir, il faut préparer à point

Toutefois ce n'est pas la facilité avec laquelle on parvient à prendre le dessus sur l'intelligence artificielle - somme toute assez cohérente - qui dérange le plus, c'est plutôt la manière... Je m'explique : la série Smash Court a toujours basé son gameplay sur un système de timing. Cette approche, synonyme de réalisme et de subtilité, lui a valu le plébiscite mérité des puristes. On pouvait donc légitimement penser que les développeurs allaient poursuivre sur la même voie. Et bien pas tout à fait, malheureusement. L'équipe de Yutaka Yoshida aurait-elle abusé de Top Spin ou voulu donner aux préparations un rendu plus élaboré ? Une chose est sûre : il faut désormais préparer ses coups le plus tôt possible, la notion de timing étant réduite à relâcher le bouton au bon moment pour obtenir un maximum de puissance et de précision. Théoriquement, cette approche pleine de bonnes intentions se montre ma foi tout à fait convaincante, mais dans la pratique c'est une autre histoire... Tout d'abord, on perd beaucoup de liberté dans le placement de la balle. Ainsi, flirter avec les lignes de couloir tient du miracle, que ce soit pour les coups croisés ou le long de la ligne. Sans parler des fautes qui brillent par leur absence depuis le fond du court (le filet est aussi aux abonnés absents). En outre, il est souvent difficile de déterminer le moment opportun pour préparer sa frappe, qui plus est à la volée.

Crash Tennis

Bilan mitigé également en matière de déplacement. D'un côté on apprécie que les joueurs ne courent pas à la vitesse de la lumière, mais de l'autre on peut trouver l'inertie trop accentuée et pester contre quelques bugs récurrents. Un tableau pas très glorieux assombri par le retour de la gestion de la fatigue. Si son incidence est moins importante que dans Smash Court Pro Tournament 2, on regrette une nouvelle fois que les développeurs n'aient pas préféré un système de fatigue limité à la durée d'un point (à l'instar d'Everybody's Tennis), plutôt que sur l'ensemble d'un match. Cela évite le syndrome du point interminable sans devenir nuisible au déroulement du match, sachant que le joueur qui tient la manette s'épuise de toute façon tôt ou tard. En somme, à part quelques jolis échanges de temps à autres, il en résulte une jouabilité un peu bancale et mal calibrée, en témoignent le lob qui prend carrément le statut d'arme fatale ou les balles manquées par l'adversaire sans que l'on sache toujours pourquoi. Et si l'on y ajoute une localisation aux forts relents de traducteur automatique, on croise les doigts pour que le prochain opus bénéficie d'un surcroît de moyens et d'inspiration, car au regard de son pedigree et de son contenu ultra complet, Smash Court Tennis 3 méritait mieux, tellement mieux...