Les différentes versions du jeu étant similaires, les tests le sont également.

Je ne suis même pas vraiment déçu par Medal of Honor, pour la simple et bonne raison que sa promesse elle-même n'était finalement pas fantasmagorique. Mais proposer une alternative de choix au shooter moderne qu'incarne Call of Duty restait un défi tout à fait intéressant. Un défi qui, au fil des images, vidéos, présentations et explications lâchées par les développeurs, avait capté mon attention. Au final, j'ai passé un moment correct, mais en 2010, avec Noël en ligne de mire et un premier trimestre 2011 encore plus prometteur, il faut se rendre à l'évidence : ça ne sera pas assez.

Solo so-so

La promesse de Danger Close pour son solo, c'est le réalisme des opératifs de Tier 1. Des mecs avec des burnes en adamantium, qui font ce que personne d'autre ne peut faire pour servir leur patrie, et notre liberté. Loin, nous a-t-on presque soufflé, du grand spectacle à la Modern Warfare détaché de tout contexte crédible. OK, pourquoi pas. Mais sur les 5 heures qu'il m'a fallu pour vivre cette expérience de bout en bout (oui, c'est encore plus court qu'un MW), je ne me suis jamais vraiment enthousiasmé que sur un seul élément : le son. Musiques, bruitages, voix... cet aspect de MoH s'avère absolument remarquable, probablement même l'un des meilleurs dans le genre (même si certaines répliques reviennent un peu trop). Pour le reste, on se retrouve finalement avec une aventure qui semble avoir été écrite en deux actes au lieu de trois, qui propose bien quelques séquences agréables (le snipe à 1000 mètres, la résistance du bataillon de rangers face à la marée de Talibans), mais qui souffre en réalité d'un sérieux problème d'angle.

Le pari impossible ?

Vouloir conter le réalisme du soldat d'élite au coeur d'un conflit moderne et bien réel, c'est bien, néanmoins, si parfois le ton y parvient (grâce à des personnages qui transmettent assez bien certains aspects tels que l'alternance entre camaraderie et professionnalisme froid), les efforts en la matière se retrouvent malgré tout handicapés par l'obligation d'un certain grand spectacle, qui à son tour n'ose trop en faire. Le respect du soldat semble bien présent (et surtout des interactions entre les différents corps d'armée aux tâches bien précises), mais alors que la promesse aurait dû l'en éloigner, MoH retombe bien vite dans le cliché des gentils opératifs qui dessoudent un maximum de Talibans et de Tchétchènes, avec l'enrobage scénaristique du général d'armée en costard à mille lieues de là, dont il va falloir ignorer les ordres parce qu'il ne connaît pas le terrain... Une usine à héros tellement éculée dans toutes les fictions ayant approché le sujet qu'elle a bien du mal à garder nos paupières bien ouvertes (d'autant qu'elle n'aborde absolument rien des côtés peu reluisants de la guerre réelle, bien loin d'être menée dans les règles).

Le résultat ne parvient donc à faire vraiment bien ni l'un (réalisme) ni l'autre (grand spectacle). En ajoutant à cela une réalisation qui va du très réussi au curieusement daté, avec des problèmes de scripts ça et là, un level design très classique et une certaine idéalisation de l'Amérique et de ses soldats qui est bien obligée de rester toutefois en filigrane pour toucher le plus grand nombre, on finit par retirer de cette aventure un parcours agréable, certes, mais emprunt d'un constant sentiment de "peut mieux faire". On survole l'ensemble du (léger) scénario en gardant au final la sensation, tant au niveau gameplay et level design qu'au niveau narratif et immersion, que Medal of Honor n'a pas vraiment déployé tous ses efforts aux bons endroits pour convaincre. Dès lors, il apparaît clairement que c'est le multijoueurs qui reste l'atout de cette production... mais là encore, on est loin de la perfection (par ailleurs, il n'y a pas de coop).

Modern Battlefield Warfare Company

Côté multi, c'est DICE qui prend le relai. Moteur différent, gameplay différent, expérience à part. Au passage, on perd donc certains mouvements pourtant trippants du solo (les glissades déclenchées au bouton rond après un sprint, pour se jeter derrière une couverture), pour se contenter d'une maniabilité classique. Après l'excellentissime Bad Company 2, DICE n'a plus à prouver qu'ils sont en mesure de proposer des expériences multi réussies. Celle de MoH s'avère donc efficace, plutôt bien réglée, mais une fois de plus le cul entre deux chaises, à cause de sa propension à lorgner sur les plates-bandes de Modern Warfare. Le gameplay y est presque aussi nerveux, sans toutefois atteindre la précision et la sauvagerie de celui du concurrent. Et l'aspect tactique de Bad Company 2 y est, lui aussi, en retrait, puisque c'est le choix du compromis entre ces deux styles qui a été fait.

Reste pourtant une proposition qui parvient à faire la synthèse des deux pour aboutir à quelque chose d'un peu plus accessible, avec d'un côté le mode Mission de Combat (progression par objectifs de l'équipe attaquante face à la défensive), et de l'autre les classiques Assaut d'Équipe (en fait Team Deathmatch), Contrôle de Secteur (un mode Domination), Raid sur Objectif (une équipe attaquante, et une Défensive, sur un seul objectif). On ne pourra pas à proprement parler créer de partie pour choisir sa map préférée, par exemple, et l'ensemble des fonctionnalités secondaires d'un bon jeu en réseau sont pour la plupart absentes (pas de killcam, hud limité et moins percutant que dans MW, pas de playlist de maps ou de modes préférés, et encore moins de gestion de replays et autres fonctions si brillamment implémentées dans un Halo : Reach, par exemple). C'est sans aucun doute un choix, afin de garder l'ensemble suffisamment accessible, mais dans la longueur, cela nuit fortement à l'intérêt du multi, comme le reste de son design d'ailleurs, ou de son contenu, qui ont tous deux tendance à faire "datés".

Keep it simple

Trois classes peuvent être développées, CoD style, en accumulant de l'expérience : Sniper, Fusilier, et SpecOps (entre les deux précédentes). 15 niveaux par classe permettent ainsi d'obtenir quelques éléments pour customiser ses armes ou capacités supplémentaires (meilleurs viseurs, plus de munitions, arme secondaire, etc.) - on aura relativement tôt fait de conquérir ces niveaux, ce qui pourra convenir à ceux qui n'apprécient pas les grands déséquilibres induits par les innombrables choses à débloquer, arme par arme, d'un Call of Duty. En revanche, on en fera du coup plus vite le tour. C'est un choix. Il reste également une mécanique de "killstreak" (enchaînements de tués) mais qui, là encore, ne permet pas de renverser une partie en massacrant à répétition tout un camp ennemi d'une frappe aérienne, ce qui tend à confirmer que MoH se veut le moins frustrant possible pour les débutants. De même, les armes s'avèrent bien équilibrées ; il faut apprendre leurs forces et faiblesses car toutes sont relativement utiles suivant la situation. Bref, sur le papier, toutes les mécaniques semblent bonnes et les choix justifiés (pourquoi proposer une expérience dirigée vers les hardcore calquée sur ce qui existe, alors qu'ils sont déjà très satisfaits par les MW et BFBC2 ?). Mais l'ensemble parait encore une fois manquer de certains détails de grande importance. Le design des maps s'avère très inégal : elles sont belles et immersives, mais trop peu nombreuses et surtout sans grande dimension tactique : deux côtés pour faire partir les équipes, qui vont souvent s'affronter en masse et en rush aux mêmes endroits. Et même parfois des soucis de respawn derrière les lignes ennemies (gratifiants quand on est le spawné, mais pas l'équipe qui se fait massacrer dans le dos sans pouvoir réagir). Le pire reste surtout que le mode le plus intéressant, "Mission de Combat", devra se contenter pour l'instant de trois scénarios, et sans l'apport de véhicules ou de décors destructibles à la Battelfield Bad Company 2, on risque de s'en lasser plus vite... sans doute juste à temps pour voir débarquer les premiers pack de contenus supplémentaires en DLC payants.

Les anglais disent "too little, too late" : trop peu, et trop tard. Medal of Honor souffre, en solo comme en multi, d'une concurrence féroce déjà bien établie. Comme il ne parvient pas à proposer assez en quantité ou en qualité (en solo comme en multi), il ne réussit donc pas son pari de proposer une alternative de choix aux Modern Warfare et autres Bad Company 2 dont il s'inspire pourtant très largement. Le ton de son aventure solo ne semble pas assumer pleinement son angle de départ, naviguant entre le besoin de grand spectacle et le souci du réalisme sans réussir ni l'un, ni l'autre, et le multi sacrifie une partie de sa profondeur et de sa richesse sur l'autel d'une accessibilité certes accrue, mais finalement pas tant que ça. il reste largement au-dessus de la moyenne, mais ce n'est certainement pas le must-have qu'on attendait.