Pour surprendre son auditoire, mieux vaut laisser planer le doute sur ses intentions, plutôt que d'inlassablement promettre des lendemains qui chantent à grand renfort de spécifications techniques intenables. Le studio Triband semble l'avoir bien compris, et voilà sans doute pourquoi la bande-annonce de What The Golf ? semble soucieuse de brouiller toutes les pistes.

Un trou de duc

S'il promet de rendre la discipline "moins ennuyeuse", ce titre serait bien plus à rapprocher des séries Wario Ware Inc. que de n'importe quel Tiger Woods ou représentant du genre mini-golf. Rien ne semble plus aller de soi dans cette curieuse interprétation de la discipline : si les balles, les trous et même les clubs sont de la partie, leur utilisation s'éloigne au fur et à mesure de la progression de celle qu'on leur prête généralement. Dans What The Golf ?, tout est possible, surtout l'impensable : les premiers trous détournent sagement les règles en projetant volontiers le golfeur vers le green, ou font comprendre que même la jauge de tir peut être prétexte au détournement. Et ce n'est que le début, puisque la formule s'emballe très vite, alors que le jeu semble vouloir infiniment s'amuser avec sa propre physique, quitte pour cela à expérimenter jusqu'à l'absurde. Chaque épreuve qui parsème la world map de cette aventure déjantée propose ainsi une idée, un concept, un essai, qui consiste peu ou prou à rapprocher n'importe quel objet d'un drapeau final. Maison, ballon de foot, baril de poudre ou encore cheval désarticulé : n'importe quelle chose pourra remplacer la balle, quitte à ce que cette dernière apparaisse d'un coup par dizaines. L'essentiel est après tout de se MARRER.

Dead Putting Society

L'esclaffe semble souvent être la seule raison d'être derrière certaines épreuves, tellement alambiquées qu'on peine à imaginer tout ce qui a été ingéré, bu ou fumé pendant le développement du jeu. Et pourtant, What The Golf ? parvient à faire mouche à chaque fois : à un rythme presque trazesque d'une vanne à la minute, le jeu ponctue chaque victoire par un bon mot, une blague ou une obscure référence qui profite malgré son capillotractage original d'une traduction fort à propos, et qui n'hésite pas à aller chercher ses influences dans La Cité de la Peur ou la VF de Captain Tsubasa, quand la version originale s'empare avec malice des tweets WTF de Donald Trump. Alors que l'on progresse au sein de niveaux toujours plus farfelus, et entrecoupés de boss histoire de marquer le coup, What The Golf ? profite de la moindre trouvaille pour déclarer son amour au Jeu Vidéo, avec deux majuscules, tant les clins d'oeil se multiplient avec malice et ingéniosité : de Super Mario Bros. à Angry Birds en passant par SUPERHOT ou Katamari Damacy, tout y passe, lorsque Triband n'en place pas subtilement une pour Rick & Morty. Dans un jeu aussi intelligent, était-ce vraiment si surprenant ? L'aventure se nourrit de tout ce qui fait la spécificité du média, jusqu'à évidemment sombrer dans le méta et l'absurde, en témoignent ces niveaux qui finissent par s'interroger à voix haute sur ce qu'ils nous demandent de faire. Délicieux.

Dans le "cheh" d'une aiguille

Les surprises sont d'autant plus nombreuses que chaque "trou" se décline en trois sous-sections, comme autant de variations sur un même thème, quitte à parfois tomber dans le hors-sujet, juste pour l'expérimentation, ou finir une blague qui demandait bien trois temps pour faire mouche. Comment passe-t-on d'un cracheur du Far West à une course de cheval désarticulé sur le toit d'un train lancé à pleine vitesse ? Quel rapport peut-il exister entre une parodie de Guitar Hero et la cuisson des oeufs ? Nous l'ignorons, et nous nous en fichons au final assez cordialement. Qu'importe, puisque la formule fait mouche à chaque fois, même si cette variété s'accompagne forcément de quelques rares petits couacs, en la présence de quelques collisions hasardeuses, ce qui n'a rien d'étonnant lorsque l'on multiplie les gameplays par dizaines durant des heures. Une chose est sûre : la nouveauté sera toujours au rendez-vous, et il devient bien difficile de s'arrêter lorsque tout fonctionne de façon si fluide. Pour ne rien arranger, le monde à explorer cache de nombreux secrets et trophées qui pousseront les plus accros à putter jusqu'au dernier recoin, histoire de profiter des bonus à débloquer. L'arrivée du jeu de Triband sur la console hybride de Nintendo valide d'ailleurs une nouvelle fois la théorie de votre serviteur, qui veut que personne ne se soit autant emparé des vibrations HD que la scène indé. Et toc. Même le mode portable et le gyroscope intégré font partie de l'expérience !

Popular Rolling Star

Mais le foisonnant What the Golf ? ne saurait s'arrêter à un seul et unique concept, aussi divers soit-il. Ce portage sur Switch est ainsi l'occasion de découvrir le Party Mode, qui achève de transformer ce non-jeu de golf en un véritable party game. Aux côtés d'un aimable cobaye plus ou moins éméché, vous vous affronterez ainsi à travers une dizaine d'épreuves, parfois inédites, où tout reste possible, puisque l'épreuve finale transforme vos victoires en points de vie, avant de voir nos chers participants s'affronter dans une lutte à mort. Et si votre auditoire persiste à se montrer réticent vis-à-vis de ce titre qui demande parfois de jouer avec la gravité de corps célestes ou l'ellipse d'une flèche, le mode Découverte vous permettra d'évangéliser même les auditoire les plus rationnels. Mais pour les putters esseulés, il reste évidemment de quoi faire, à commencer par devenir le number one, que ce soit via l'Impossible Challenge qui synthétise en quelques trous un apprentissage d'une dizaine d'heures. Les plus insatiables jetteront quant à eux leur dévolu sur le Défi quotidiennement renouvelé, qui aura permis à votre serviteur de trouver chez un confrère de chez VGChartz son Jules-de-chez-Smith-en-face. Il fallait bien ça pour se consoler de voir le générique de fin arriver : quand c'est aussi bon, c'est évidemment toujours trop court...