Mais au contraire de certaines productions indépendantes littéralement sorties du néant, Ancestors : The Humankind Odyssey a pour lui un nom, celui de son concepteur québécois, Patrice Désilets, directeur créatif d'Assassin's Creed et donc géniteur, avec d'autres, dont Jade Raymond, productrice du titre Ubisoft en 2007, d'une des séries de jeux vidéo les plus populaires de la décennie, toujours fringante comme le prouve le renouveau et le succès insufflés par les deux derniers épisodes. Développé par le studio montréalais de Patrice Désilets, Panache Jeux Numériques, il faut peu de temps avant de voir le lien de parenté entre Ancestors : The Humankind Odyssey et Assassin's Creed. D'abord, cette plongée dans une période historique bien déterminée de l'histoire de l'humanité qui s'étend sur des millions d'années, le Néogène , et ensuite, des mécanismes de jeu, l'observation et l'identification de lieux, d'objets, et enfin, la fameuse grimpette caractéristique des jeux mettant en scène la confrérie des Assassins.

Au casting de l'Odyssée de l'Espèce

Car c'est l'idée formidable d'Ancestors : The Humankind Odyssey, plonger joueuses et joueurs aux prémices du récit de l'humanité, en incarnant ces représentants d'alors, plus proches du primate que d'homo-sapiens et plus à l'aise et en sécurité sur la cime des arbres que sur la terre ferme. Si le titre pour des raisons ludiques évidentes et assumées prend des libertés par rapport à la réalité scientifique de cette époque, il s'inspire des données les plus récentes à ce propos offrant un intérêt supplémentaire à cette idée originale bien venue, consistant à incarner autre chose qu'un héros générique et as de la gâchette, choix par défaut de la majorité des réalisations d'exploration 3D de l'espèce. Ancestors : The Humankind Odyssey, bien que très différent dans son aspect, lorgne en fait beaucoup du côté des jeux de micro-gestion. On y incarne un groupe d'ancêtres humains qui par l'appropriation de leur environnement, du développement de leurs capacités, par l'apprentissage et le développement d'outils, seront autant de passeurs de relais pour les générations suivantes, dotées par celles qui les ont précédées, de nouvelles facultés en constante évolution. Cette proposition est une vraie réussite par l'implication qu'elle suscite : cette plongée aux racines de l'humanité est d'un intérêt historique formidable, véritablement émouvante sur de nombreux aspects. En effet, le but du jeu étant de faire perdurer sa lignée d'hominidés à travers les âges, il faudra prendre soin de son clan, y créer des liens, voir amener les siens à s'accoupler et ainsi voir naître les bébés et faire évoluer l'humain. Mais comme chacun sait, la Vie n'est pas un long fleuve tranquille ou alors, peuplé de crocodiles dans son cours et de smilodons assoiffés de chair fraîche sur ses rives.

C'est au vieux singe qu'on apprend le goût de la limace

Somme toute, les bases fondamentales du quotidien d'une femme ou d'un homme préhistorique sont les mêmes que celles de nos contemporains : s'alimenter, s'hydrater, copuler, dormir. La différence ici, c'est qu'au-delà d'une centaine de mètres du campement, c'est terra incognita et qu'on n'est pas à l'abri, après avoir trouvé une pierre et une branche, d'inventer le bâton, soit l'équivalent dans une lecture comparée des époques, à la découverte de la roue ou de la fission nucléaire. Et comme pour renforcer cette idée, les clefs de l'évolution ne vous seront pas servies sur un plateau. Il m'aura fallu sacrifier la lignée INVERNO sur l'autel de l'expérimentation et de la connaissance pour ensuite offrir un avenir plus clément à la lignée des LOPEZ, évidemment celle des seigneurs. Si le hérisson n'est pas très courant au milieu de la jungle, on rencontre moult serpents et autres rapaces géants susceptibles de mettre à mal tous nos projets de descendance, et c'est sans grande indication concernant les meilleures attitudes de survie à adopter que l'on démarre. Les choses s'améliorent au gré de la progression par la connaissance du joueur et de ses avatars, le réseau neuronal fonctionnant comme un arbre de compétences qui s'étoffe au fil des années et des générations. Malheureusement, même si ce concept méta procure quelques sensations vraiment grisantes, l'ambition du titre constitue aussi son principal défaut.

Tomber sept fois (de l'arbre), se relever huit (et bipède)

S'il semble évident que le début très abrupt pourra rebuter certains joueurs d'emblée, la suite s'avère bien souvent frustrante. Démonstration de la difficulté de l'hominidé à faire sa place dans l'histoire du vivant, celle-ci est trop souvent desservie par des soucis techniques bien trop handicapants. Dans Ancestors : The Humankind Odyssey, l'avancée dans le temps est relative à la survie et aux accomplissements de son clan et par ces aspects, le nombre de points en moins que coûtent la mort d'un individu comparativement à la naissance d'un autre semble excessive. En sus, de nombreux bugs critiques (échange de personnage lorsqu'on porte deux petits, attaques récurrentes d'un prédateur sur le camp face à des hominidés alors en lévitation...) rendent l'expérience initiale, déjà très exigeante et pas toujours très ergonomique, extrêmement frustrante. On espère que de prochaines mises à jour pourront corriger ces problèmes agaçants mais en l'état une partie des défauts techniques du titre nuit à son propos pourtant fascinant. Si l'évolution du genre humain n'a certainement pas été une partie de plaisir, cette difficulté abusive associée à de vrais problèmes systémiques empêche malheureusement le jeu canadien de tutoyer les sommets qu'on aurait aimé atteindre avec une telle audace dans son contexte et son originalité.