Définir Valkyria Chronicles 4 revient peu ou prou à expliquer ce qui faisait de la formule du premier épisode un mélangé équilibré de TPS, de tour-par-tour exigeant et de romance improbable sur le champ de bataille. Tous les ingrédients de cet improbable mélange sont de retour avec ce quatrième épisode canonique, jusqu'au théâtre des opérations, puisque les joueurs seront une fois de plus propulsés au coeur de la Seconde Guerre d'Europa. Toute ressemblance avec des fais historiques passés par le prisme de Japon ne serait vraiment, mais alors vraiment pas fortuite.

Wallace et gros mythe

Tout dans Valkyria Chronicles 4 tend à rappeler les bons moments passés sur l'épisode originel, à commencer par le duo qui occupera tout du long le haut de l'affiche : exit Welkin et Alicia, faites place à Claude Wallace et Riley Miller. Le nouveau tandem joue rapidement la carte du passé trouble qui explique encore des années après les relations entre le jeune lieutenant et la représentante de la nouvelle classe des Grenadiers. S'il y a bien quelque chose que l'on ne peut pas retirer à ce nouveau chapitre, c'est sa capacité à complètement assumer une fois de plus son côté ultra-Shônen sur tous les plans. Chacun des membres de l'Escadron E coche tous les cases des archétypes de l'édition nippone, du chien fou aux cheveux longs et au verbe châtié à la sniper trop timide pour bien faire, en passant par le technicien peu sûr de lui mais soucieux de bien agir : en matière de clichés, on frôle parfois l'overdose.

Il faudra ainsi accepter jusqu'au bout de jouer le jeu de la quasi-niaiserie pour profiter à fond de Valkyria Chronicles 4. Le problème, c'est que même les fantassins consentants finiront par rendre les armes devant le nombre infini de discussions sans fond qui entourent chacune des missions du jeu, véritable concentré d'action et théâtre de tous les rebondissements. En combat, Sega fait en effet mouche à chaque fois, en agrémentant chaque sortie d'un twist savamment orchestré et mettant systématiquement le joueur dos au mur. Alors, dans ces moments-là, la Seconde Guerre d'Europa prend des airs de nekketsu jouissif au possible, obligeant à se dépasser pour ne pas manger les pissenlits par la racine.

I choose you !

Fièrement installé au sommet de son char d'assaut, notre commandant pré-pubère va tout comme ses prédécesseurs devoir mener ses troupes vers la victoire, au sein d'une petite vingtaine de missions toujours bien rythmées, donc. Les vétérans de cette foutue guerre auront comme les autres toute la responsabilité des différentes opérations à endosser, ce qui commence par la sélection des troupes à déployer sur le terrain. Avec six classes disponibles et une toute nouvelle très intéressante, il faudra d'abord connaître personnellement tous vos troufions avant de les faire se ranger en rang deux par deux.

La réussite d'une mission bien menée réside en effet avant tout dans le choix de vos unités : toujours limitées en nombre, il vous faudra trouver la bonne combinaison entre l'éclaireur, rapide mais peu prompt à infliger des dégâts, le soldat de choc plus puissant mais moins mobile, le lanceur équipé d'une arme lourde, le sniper qui peut éliminer d'une seule balle un adversaire, et l'ingénieur qui répare chars d'assaut et autres gueules cassées. Ajoutez à cela un char aux obus dévastateurs et cette fameuse nouvelle classe du Grenadier, et vous obtenez là une palette de talents à utiliser avec intelligence et parcimonie. Peu importe votre passif, la formule offre suffisamment de possibilités pour que l'on prenne son pied à élaborer sa propre stratégie, avec plus ou moins de réussite. Dommage que les différents tanks soient toujours une véritable plaie à déplacer, car ils permettent d'embarquer des troupes pour les faire avancer plus rapidement.

Le chemin d'Edam

Mais avant de partir défendre les vertes prairies de votre enfance la fleur au fusil, il vous faudra passer par une cascade ininterrompue de tutoriels en tous genres, que vous soyez déjà couvert de médailles ou non. Histoire de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, Sega n'a pas lésiné sur la quantité de texte à avaler avant de pouvoir exécuter une action. Et n'espérez pas être sorti d'affaire une fois les premiers chapitres terminés : chaque nouvelle fonctionnalité viendra consciencieusement interrompre l'action à grands coups de fenêtres textuelles et de détails pas toujours pertinents. La subtile technicité de Valkyria Chronicles 4 est sans doute à ce prix. Il faut reconnaître au système mis en place une véritable profondeur qui prend son envol au fur et à mesure de la progression, car chaque nouveau chapitre est en effet l'occasion de tester de nouvelles configurations et d'affiner votre stratégie face à une menace protéiforme.

Chaque tour de jeu nécessite comme dans tous les épisodes de la série de choisir une à une les troupes à déplacer, avant de tenter une action en fonction du terrain. Chaque ennemi dispose de ses propres statistiques, et peut se cacher derrière des éléments du décor pour renforcer sa résistance. À vous de progresser en toute discrétion pour éliminer une à une les factions adverses, avant de s'emparer de bases qui vous permettront de déployer d'autres troufions en fonction de l'objectif souvent changeant. Les Grenadiers permettent d'atteindre bien plus rapidement qu'un char un objectif éloigné, et profitent d'un tir en cloche fort bienvenu.

Toutes les guerres avec les deuils

Car c'est là la grande force de Valkyria Chronicles 4 : chaque mission réserve son lot de surprises, et vous oblige bien souvent à complètement changer de stratégie en plein milieu de la bataille. Ces twists assez savoureux exploitent formidablement bien chacune des maps de l'aventure principale, ce qui rend a contrario les missions escarmouches de simples prétexte à grinder comme des gros pourceaux. Il faudra en revanche gérer sa frustration, puisque certaines missions prendront malheureusement l'eau au premier essai, nécessitant de connaître à l'avance certaines positions de l'ennemi où de conserver vos forces pour la seconde partie, surtout vers la fin de l'aventure. Le nouveau mode facile viendra lever toute trace de challenge, pour ne laisser place qu'à la narration, ce que nous déconseillons évidemment à tous les généraux en herbe qui se cachent parmi vous. Ce quatrième opus profite également de missions "annexes" qui mettent au coeur de l'action une faction particulière comme les tanks ou les snipers, ce qui vous oblige à jouer de façon radicalement différente, et apporte un vent de fraîcheur bienvenu.

D'autant que les phases narratives sont en plus d'être légion aussi interminables que poussives, et finissent pas complètement nuire au rythme bien huilée des aventures de l'Escadron E : entre chaque mission à proprement parler, il faudra se coltiner des caisses de saynètes d'une mièvrerie parfois confondante, qui prennent un malin plaisir à s'attarder durant des heures sur le plus insignifiant des sujets. Et l'on pardonnerait volontiers ces dérives si elles n'étaient pas si nombreuses et intempestives. Avant de partir au combat, il faudra ainsi se taper plusieurs minutes de discussions sans intérêt sur le rapport au sexe opposé de cette bleusaille sortie d'un shōjo, avant que n'arrive le traditionnel bottage de fesses en règle après une tentative de singer Alain Souchon en allant voir ce qui se cache sous les jupes des filles. Certains trouveront sans doute le propos amusant, les autres lèveront à raison les yeux au ciel.

Réunion d'anciens combattants

Cette forme aiguë de diarrhée verbale se retrouve malheureusement dans le reste des menus, particulièrement peu ergonomiques au demeurant. Héritée du premier épisode déjà rétrograde sur ce point il y a de cela une décennie, l'interface de Valkyria Chronicles 4 souffre d'un archaïsme si prononcé qu'aucun avocat ne réussira à la défendre, à plus forte raison devant un tribunal de guerre. Dans cette putain de guerre, justement, rien ne vous sera épargné : de la sélection de personnage avant un déplacement au remplissage de la jauge permettant de faire évoluer toute une classe, chaque action au demeurant fort simple vous surprendra par sa raideur et son archaïsme. Le moteur Canvas qui ravissait les mirettes en 2008 commence lui aussi à accuser son âge, et malgré un rapide ravalement de façade, les fêlures commencent à se voir... La version Switch se classe d'ailleurs bien en-dessous des autres, et laisse apparaître des détourages qui font clairement tâche dans une production de ce genre.

Le QG illustre à merveille ce menuing venu d'un autre temps. Pourtant, il vous faudra y passer un bon moment, puisque l'évolution des vos troupes, mais également de votre char et de votre armement passeront nécessairement par ces sous-menus aux antipodes de l'ergonomie. Chaque mission menée à bien viendra alimenter un compteur de points à dépenser comme bon vous semble, et vous permettra de booster les statistiques de votre joyeuse troupe, ou de renvoyer à leurs chères études les moins doués du bataillon. Petit problème : même après des dizaines de visites régulières, aucune de ces actions ne pourra se faire sans tailler le bout de gras avec vos insipides collègues toujours aussi prompt à raconter leur vie. Ainsi, après avoir enchaîné quelques escarmouches histoire de faire gagner quelques niveaux à ces chers snipers, il faudra subir pour chaque catégorie une avalanche de banalités, une certaine idée de la double peine en tant de guerre. C'est d'autant plus dommage que l'on prend plaisir à voir évoluer ses camarades monter en gamme et débloquer de nouvelles compétences.