Et si l'épisode Touched ! avait brillamment accompagné la Nintendo DS lors de son lancement en mars 2005, ce nouveau Wario Ware Gold sonnerait sans doute plus le chant du cygne d'une 3DS déjà en fin de règne depuis trop longtemps. Faut-il voir dans cette temporalité un opportunisme depuis longtemps rattachée au plus adorable des antagonistes vidéo-ludiques ? Peut-être bien...

Le don de soi

Comme à son habitude aimanté par l'appât immédiat du gain et le clic facile, l'ami Wario se lance brièvement dans le YouTube game, histoire de remplir rapidement un frigo désespérément vide. En se contentant de montrer sa trogne sur les écrans du monde entier, le vil personnage se transforme un peu rapidement en organisateur de tournoi eSport, car tel semble être l'air du temps. Après quelques coups de fils aux amis de longue date, l'affaire est entendue : Wario se la coulera douce pendant que les figures bien connues de la communauté iront au charbon, et ce sans rétribution.

Si rien ne nous laisse penser que l'urgence du scénario fait écho à une quelconque réalité, Wario Ware Gold sonne une fois en main comme une sorte d'aveu : celui d'avoir peut-être fait le tour de la question. En effet, ce Very Best of sur lequel figurent quand même bon nombre d'inédits risque de décontenancer les fidèles des débuts, tant les 300 micro-jeux promis par Intelligent Systems font la part belle aux recyclages issus de épisodes précédents. Aussi formidables soient-ils, les opus Mega Party Game$ !, Twisted !, Touched ! et Smooth Moves squattent une bonne partie du casting, ne laissant que peu de places aux véritables nouveautés. Pour peu que vous fassiez partie des inconditionnels, l'impression de redite est plus que présente, et les tentatives d'habiller différemment les jeux déjà connus n'y changeront pas grand-chose. Qui plus est, l'absence totale d'effet 3D reste regrettable : nous avons beau nous y habituer depuis plusieurs années, la dernière portable de Nintendo n'est franchement pas mise à l'honneur sur ce point.

Grittiest Hits

Entendons-nous bien : le concept de la série demeure toujours aussi addictif et efficace, et les nouveaux venus trouveront avec Wario Ware Gold la plus belle occasion de s'essayer à l'exercice. Mais les joueurs avides de découvertes se rendront rapidement compte d'un effet de déjà-vu un brin trop présent pour être écarté d'un revers de la main. Le jeu choisi heureusement avec justesse de scinder ses micro-épreuves en trois catégories, qui correspondent à autant de prises en mains différentes, puisqu'il faudra alterner entre les classiques inputs des familles, le gyroscope issu du second volet sur Game Boy Advance, et le stylet synonyme de tactile. Si les précédents épisodes se focalisaient sur une seule maniabilité, Wario Ware Gold vous oblige à faire preuve d'une souplesse à toute épreuve lorsque vient l'heure de tout mélanger, et tant pis si ce satané stylet doit rester coincé au bord des lèvres, car telle est la meilleure manière de le dégainer. Si vous trouvez mieux, faites-nous signe !

Le mode Histoire propose de faire face à tous les amis de Wario dans des affrontements thématiques, qui vous obligent d'abord à enchaîner une quinzaine de micro-jeux, puis de venir à bout d'un boss, avant de pouvoir commencer à scorer comme il se doit. Il ne faudra néanmoins pas trop compter sur cette segmentation en 12 chapitres (et plus si affinités) pour faire durer le plaisir, car les habitués le savent : c'est dans la durée d'un marathon que le concept diabolique des Wario Ware prend tout son sens. Et pour le coup, Intelligent System s'est carrément lâché sur le contenu. Entre le mix classique, celui ne vous accordant qu'une seul vie et le dernier qui vous fait démarrer à une vitesse supersonique, les amateurs de défis trouveront là de quoi occuper les prochains mois. Et comme si tout ceci ne suffisait pas, d'autres modes plus ou moins originaux viennent compléter ce joli tableau, comme "Wario s'en mêle" où ce vieux roublard viendra régulièrement pourrir votre écran (à vous de trouver la parade adéquate), ou le fantastique "Non-stop" de Kat et Ana, dans lequel les deux écrans prennent le relais pour ne jamais vous laisser une seule seconde de répit. Du grand art qui élève le niveau de difficulté de la série, et permettra aux hardcores de profiter d'un peu de nouveauté malgré tout.

Jacteur précoce

Mais que l'on ne s'y trompe pas : même avec cette sensation bien présente de réchauffé, tout ce qui fait le sel et l'originalité délirante de la série est bel et bien présent. Les joueurs avides de WTF si japonais seront ainsi ravis de retrouver des pastilles de deux à cinq secondes au contenu déjanté et aux messages toujours aussi subtils et hilarants. Que ce soit à travers les nouveaux looks de vieux classiques ou les nouveautés qui s'attaquent, entre autres, à notre chère Eve et ses douze milliards d'onglets ouverts dans Chrome, à la digestion parfois compliquée de son déjeuner épicé, ou aux égoïstes qui préfèrent regarder leur smartphone plutôt que ce qui se passe autour d'eux, Wario Ware Gold regorge de trésors à l'inventivité folle qui fonctionnent une fois de plus comme une délicieuse substance illicite. On ne s'étonnera donc pas de tout donner pour ouvrir un majestueux coffre renfermant un étron doré, raser la Terre à la tondeuse ou encore trouver les toilettes les plus accueillantes pour soulager une envie pressante.

L'auto référencement est évidemment toujours de rigueur. Et si l'on accueillera avec plaisir quelques perles de la Super Nintendo comme Yoshi's Island ou Donkey Kong Country (et oui !), on se délectera également de voir figurer l'excellent "Fruit" tiré de Game & Wario (et qui a animé tant de soirées entre potes chez votre serviteur), ou même Fire Emblem : Awakening et Pullblox, sortis tous deux sur 3DS. Et pour le coup, la joie de retrouver une version de l'indémodable Super Mario Bros. issue de Twisted ! reste très intéressante, même réchauffée. Enfin, comment ne pas en placer une pour les centaines de bonus une fois de plus disponibles sous forme de Gashapon au tirage forcément aléatoire, avec sa douzaine de mini-jeux, son musée Nintendo qui ravira les fans pointus, et son violent réveil qui vous demandera IRL de réussir trois micro-jeux dès potron-minet pour faire cesser le vacarme indescriptible qui s'abat sur vos délicates oreilles.

The girl next Maureen Dor

Personne ne s'y attendait, mais l'accent aura été mis sur la localisation du titre, qui propose pour la première fois un doublage français intégral de tous les personnages, même si les joueurs de Smooth Moves se rappellent avec un sourire en coin les explications d'époque sur "le bâton de style". Nintendo oblige, la version française bénéficie d'un véritable soin en terme de ton et se révèle très pertinente de bout en bout, même si les puristes (ils se reconnaîtront) pourront légitimement tiquer devant l'attitude parfois presque douce d'Ashley, qui contraste avec ce que nous avons eu l'habitude d'entendre. Mais au vu des très nombreux pièges qu'il y avait à éviter, nous tirons sans réserve un grand coup de chapeau devant le travail accompli. L'arrivée de quelques nouvelles têtes se fait sans douleur et colle parfaitement avec le reste du cast, un très bon point à souligner.

En revanche, les dents risquent de grincer lorsque viendra le moment des genres mélangés, puisque les expressions choisies pour vous faire passer d'un gameplay classique au gyroscope en passant par le tactile deviennent au fur et à mesure de leur répétition de plus en plus discutable : "mashe-mashe", "touche-touche" et "gyro-gyro" risquent de vous rendre marteau ! Mais qu'importe : si rien de tout cela n'était suffisant à vos yeux, vous pourrez toujours doubler vous-mêmes les cinématiques du jeu, grâce à un merveilleux bonus débile de plus. Et non, vous n'aurez pas les miennes.