Grasshopper Manufacture s'évertue actuellement à suivre une trajectoire d'entreprise à la Capcom : en plus de développer de nouveaux jeux alléchants, comme le prochain No more Heroes, ils recyclent tout leur catalogue sur les consoles actuelles. C'est Killer7 qui va bientôt y passer. Et Flower, Sun & Rain aussi. On pourra bientôt presque jouer à tout Suda 51 sur sa PS4 ! Mais celui qui nous intéresse aujourd'hui, c'est The 25th Ward, la suite de The Silver Case, un titre qui est sorti à peine quelques mois après Killer7, mais sur téléphones portables et au Japon seulement ! Ce qui a poussé les développeurs à nous proposer cette fois-ci un vrai remake, et non une simple remasterisation comme ce fut le cas pour The Silver Case. Le jeu en valait t'il la chandelle ? Oui et non...

Le clan des sept

Dans The 25th Ward, on joue le rôle d'un nouveau venu dans une brigade d'enquêteurs tentant d'élucider le cas de mystérieux suicides, qui tendent à se répéter dans le 25e quartier de la ville, ou se trouve un gigantesque building pour pensionnaires soumis à l'ISF. Lors de sa première sortie, l'une de nos coéquipières meurt et l'on prend ainsi sa place dans une aventure débridée, bizarre et prenante. On va donc poursuivre l'enquête tout en gagnant ses galons dans la brigade, et découvrir peu à peu le caractère et la personnalité des autres membres de l'unité, via leurs actions et de nombreux dialogues. Et ceci n'est que le pitch de départ de la première histoire, puisqu'il y en aura deux autres, qui vont sans cesse s'entrecroiser et dont la dernière rappellera de bons souvenirs aux joueurs ayant parcouru The Silver Case, puisqu'on y retrouvera pas mal de têtes connues. Le tout est conclu par un final assez déconcertant, où il faudra rejouer sans cesse la même scène en y faisant des choix différents pour avoir le fin de mot de l'histoire et le précieux 100%.

L'écriture de l'ensemble se montre assez convaincante, avec notamment quelques jeux de mots bien sentis dans la langue de Shakespeare, ainsi que des dialogues plaisants à suivre, avec énormément de bizarreries et de choses qui semblent insensées au premier abord. On reconnaît bien là la patte des univers de notre cher Goichi Suda. Mais malgré tout, comme son aîné, le jeu souffre d'une narration datée. Je vous parlais de "vrai remake" en introduction de ce test, mais s'il y a une partie qui n'a pas bougée, c'est bien la narration ! Comme dans The Silver Case, on enchaîne les plans, parfois audacieux dans leur construction, avec plusieurs fenêtres ouvertes en même temps, l'une avec le dialogue, l'autre avec une image dessinée à la main ou un décor en 3D. Il n'y a toujours pas de voix, très peu d'animations, et il faudra donc suivre les dialogues, sans système pour avancer automatiquement. Il faut donc garder le doigt sur la manette en permanence... et surtout aimer lire. Lire beaucoup. En Anglais. Je sens qu'après ce petit paragraphe, j'ai déjà perdu une partie de l'auditoire, parti vers d'autres cieux plus accueillants et user-friendly.

KILLER25

Le jeu présente donc de grandes lenteurs, avec parfois plusieurs minutes qui peuvent s'écouler entre deux actions, sans que l'on soit sollicité autrement que pour passer à la ligne suivante. Et ne vous trompez surtout pas dans vos choix, sous peine de devoir revoir certains passages. Agaçant. D'autant que confortablement installé dans un canapé, devant sa TV 55'', il devient difficile de résister à l'appel de la sieste. The 25th Ward aurait plus eu sa place sur Nintendo Switch, sur PS Vita ou même sur mobile ! Tant de lecture implique de la portabilité, comme un livre. J'y ai personnellement beaucoup joué comme ça, en remote play, que ce soit sur mon ordinateur portable, ma tablette ou ma Vita, en alternance, selon ce que j'avais sous la main, et l'expérience y a grandement gagné en confort. Autre aspect important de cette narration : les images fixes, dessinées à la main et qui accompagnent les dialogues. Si ces dernières vont demander plus d'efforts d'imagination que les romans visuels les plus récents, ces illustrations en noir et blanc, avec parfois des pointes de rouge, accompagnent magnifiquement vos aventures et devraient faire plaisir à ceux qui se sont payés une édition limitée du jeu.

Mais alors, me direz-vous, qu'est ce qui a vraiment évolué dans cette suite, si la narration reste plus ou moins la même ? L'interface, surtout, plus fluide, mais pourtant toujours très peu ergonomique. Pour choisir vos actions, vous passez désormais par un dé dont chaque face représente un choix. Le même système est adopté pour les énigmes, ou pour choisir l'étage désiré dans un ascenseur. On gagne aussi au passage des fonds d'écran bonus qui semblent tout droit venir de 1998, mais qui n'étaient pas aussi scintillants à l'époque. Dans les déplacements, toujours case par case dans des environnements tortueux, on ne peut pas s'empêcher de remarquer un gros côté Killer7, avec un héros sur rail qui choisit sa prochaine destination avec des grosses icônes très graphiques, qui occupent une bonne partie de l'écran. Après tout, cette idée était assez séduisante, et les deux jeux sont à peu près sortis au même moment à l'époque, en 2005. Les balades sont donc beaucoup moins austères que celles de The Silver Case, avec des possibilités d'action en moins, comme regarder en haut ou en bas, ce qui fluidifie grandement la jouabilité du titre. On retrouve des petits labyrinthes avec des énigmes basées sur l'attention, généralement capilotractées et pas toujours fines. Pour les résoudre, il faut donc bien suivre pour ne pas louper une info cruciale à la résolution, parfois aussi saugrenue qu'un long chemin à retenir, sous peine de devoir recommencer des passages assez longs... Et si un chapitre sort vraiment du lot avec des combats typés RPG rendant hommage à Pokémon, certains passages ou l'on nous laisse le choix de l'action alors qu'une seule est disponible nous laisse pantois. Pour ce qui est des décors en 3D, ils sont de bien meilleure facture que dans The Silver Case, qui nous proposait en 2016 des graphismes datant de 1999. Ici, tout a été refait, les structures des niveaux sont plus simples, mais le résultat n'est pas dément non plus, il n'y a pas de quoi s'enflammer. The 25 Ward possède donc les mêmes forces et faiblesses que son aîné, mais l'habillage y est tout de même bien plus sexy et donne plus envie de s'y plonger.