Disponible depuis le mois de janvier 2017 sur PC, Detention, le jeu d'aventure sacrément horrifique du studio taïwanais Red Candle Games, débarque donc sur la nouvelle console de Nintendo, histoire de voir si l'horreur était transportable. Spoiler alert : elle l'est.

One Nation Army

Detention (ou "Retour à l'école" si vous lisez couramment le mandarin) se présente donc comme une aventure à la croisée du survival horror, du point and click et du manifeste politique. Car en plus des spectres à vous glacer le sang et des énigmes assez subtiles à résoudre, le jeu taïwanais explore une bien sombre période de l'Histoire de ce pays rarement cité lorsque l'on évoque le jeu vidéo. Situé au beau milieu des quarante années de la Terreur Blanche, Detention ne révèle son discours politique que dans ses toutes dernières heures : si la dictature militaire est évoquée à plusieurs reprises lors de l'aventure, il faudra en effet recoller toutes les pièces du puzzle pour réussir à lire entre les lignes pourtant déjà floues du jeu.

Et si ce manifeste pour la liberté est touchant et on ne peut plus louable, il demeure si sujet à interprétation (et presque si cryptique) que bon nombre de joueurs uniquement préoccupés par le gameplay passeront sans doute à côté du propos. Mais ne vous en faites pas pour autant si vous faites effectivement partie de ceux-là : Detention possède bien d'autres cordes à son arc. Déroulant d'abord des thématiques macabres, sombres et carrément angoissantes, le jeu se scinde finalement en deux parties pas toujours évidentes à relier, puisque l'introspection fantasmagorique succède finalement à l'horreur.

Le Labyrinthe : Re-Maid Mortel

Mais avant d'en arriver là, il faudra tout d'abord apprivoiser ce lycée hanté dans lequel vous incarnez la jeune étudiante Fang Ray Shin, une dissidente membre d'un club de lecture actuellement dans le viseur de l'obéissante direction de l'établissement. Modérément labyrinthiques, les couloirs de Greenwood vous obligent comme le veut le genre à tâtonner, bien que le nombre d'items à récupérer soit à chaque étape assez restreint pour ne pas trop vous éparpiller dans les possibilités d'exploration. Encore heureux, dans la mesure ou Detention est d'une incroyable avarice en indices, et ce jusqu'au bout. J'en place une pour ma chère et tendre qui m'aura sorti d'un bien mauvais pas grâce à son oreille absolue.

Mais pour naviguer de salles de classes morbides en salles de spectacles pleines de pendus, il faudra se jouer des spectres au design sonore absolument terrifiant qui peuplent les couloirs et ne demandent qu'à vous dévorer. Soucieux de retranscrire un folklore asiatique fidèle à la tradition, les manuscrits récupérés tout au long de l'aventure vous permettront de vous jouer de ces esprits maudits, en plus d'enrichir grandement le terrifiant background martial. Pour ne pas se faire avoir, il faudra donc jouer de la gâchette pour bloquer sa respiration et passer au travers, bien que votre vue se trouble au bout de quelques secondes. Ces âmes en peine pourront également accepter quelques offrandes, sous la forme de bol d'encens toujours bien dans le thème.

La Mort aux Frousses

Doté d'une sublime direction artistique qui fait la part belle aux teintes froides et aux aplats sombres qui dissimulent sciemment le décor, Detention bénéficie également d'un fabuleux travail quant à sa partie sonore, puisque l'ambiance à vous glacer le sang ne vous laisse psychologiquement aucun répit, du moins dans la première moitié. C'est bien simple, je n'avais personnellement pas autant flippé ma génitrice depuis très, très longtemps. Et joie de la transportabilité oblige, Detention révèle tout son potentiel au casque, plongé dans la pénombre.

La seconde moitié est en revanche plus intimiste, revenant sur le passé morcelé de Ray et de sa famille déchirée. Et si la mise en scène prend à ce moment une hauteur remarquable, faisant la part belle aux surprises à la limite du psychédélisme, on pourrait également reprocher un relatif manque de cohérence entre ces deux moitiés, diamétralement opposées. Malgré de merveilleuses trouvailles de gameplay (coucou la radio), cette seconde partie souffre des mêmes problèmes, à savoir un propos assez confus qui ne se révélera véritablement qu'aux plus observateurs. Mais dans un souci de justesse et de sobriété permanente, Detention marquera quoi qu'il arrive les esprits grâce à son émouvante et très poignante conclusion.