Si visuellement The Red Strings Club se présente comme un point'n'click retro dans la veine des jeux LucasArts et Sierra d'antan, avec ses pixels gros comme des poings, pour ce qui est du gameplay, on en est assez loin. Ici, pas de gestion d'inventaire ou d'énigmes, il s'agit principalement d'une aventure textuelle dans laquelle on passera le plus clair de son temps dans un bistrot à discuter avec des clients et échanger avec eux via des dialogues à choix multiples.

La quête du bonheur artificiel

The Red Strings Club nous emmène dans un futur cyberpunk dans lequel le transhumanisme est bien plus qu'une réalité, il est désormais partout et exploité de manière capitaliste par la multinationale Supercontinent. À partir de ce contexte social, on se retrouve embarqué dans une conspiration à l'échelle mondiale qui nous mènera vers un questionnement sur notre soumission à la technologie, la place de l'IA dans la société et notre quête du bonheur quoi qu'il en coûte.

On appréciera surtout la finesse des dialogues et la qualité d'écriture, mais surtout la réflexion qu'il y a derrière. Les thématiques, dignes de Philip K.Dick, sont traitées intelligemment sans jamais tomber dans un manichéisme basique, en laissant le soin à chacun de se faire sa propre interprétation des événements, selon sa sensibilité, sans que l'on puisse donner raison à l'un plus qu'à l'autre.

La philo de comptoir

L'aventure se décompose en trois séquences de jeu bien distinctes. La première nous mettra aux commandes d'un androïde travaillant pour la multinationale à l'élaboration de modules de modification du comportement et des émotions, à implanter aux clients qui le désirent. La fabrication de ces modules passe par un mini-jeu simpliste, mais somme toute assez plaisant, qui se présente sous la forme d'un plateau de poterie que l'on fait tourner pour reproduire des moules prédéfinis en utilisant les bons biseaux.

Très rapidement, on passera à une autre séquence de jeu qui constituera la plus grande partie de l'aventure, celle se déroulant au Red Strings Club, le bistrot dont le jeu tire son nom. On y incarne Donovan, le barman du troquet, qui a l'étrange habilité d'influencer l'humeur de ses clients en fonction des cocktails qu'il leur sert. Le but étant de trouver le meilleur moyen de soutirer les confidences des employés de la multinationale, il faudra choisir la formule qui semble la plus adaptée.

Ainsi, si vous voulez les mettre en confiance ou, au contraire, dans un état de méfiance, vous élaborerez un cocktail différent lors d'un autre mini-jeu en mixant les différentes boissons proposées. Si le mini-jeu est simpliste et sans challenge, c'est ce qui se passe après discussion qui est passionnant. Les dialogues de comptoir, résolument adultes, prendront des pointes de réflexions philosophies sur les sujets décrits précédemment, dont certains choix de réponses causeront à quelques uns des conflits moraux.

À l'image de Papers, Please, il faudra s'attendre à faire des choix difficiles. Ces différentes réponses ne changeront pas la fin d'une manière significative, mais vous titillerons certainement suffisamment pour refaire le jeu une fois terminé. Cette partie représente deux bons tiers de l'aventure et c'est sans aucun doute la plus intéressante et la plus intense en termes de réflexions sur la condition humaine, sur les libertés individuelles et sur la place du destin.

Je joue donc je pense

Enfin, en dernière partie, on aura droit à une séance de "social hacking" très ingénieuse, dans laquelle il faudra récupérer différentes informations et accès informatiques en manipulant quelques employés au téléphone. Si cette partie laisse (temporairement) de côté la puissance narrative du jeu, il s'agit sans conteste du plus intéressant et challengeant mini-jeu sur les trois proposés, débouchant lui-même sur un final splendide en tout point, qui laisse bouche-bée par sa finesse, son intelligence, son écriture et sa mise en scène. Le tout est servi par une superbe bande-son qui, loin d'être un simple faire-valoir du jeu, sert pleinement l'aventure en nous offrant une meilleure immersion. Au final, on a beau se creuser, on a du mal à trouver un défaut au titre, si ce n'est sa durée de vie de cinq heures, qui laisse un goût de trop peu.