Le dossier, classé sensible, trône sur le bureau des grandes instances du cyclisme depuis plusieurs printemps. Il est là, immuable, imposant, au-dessus d'une pile de documents sans que quelqu'un n'ose l'archiver. Car aucune des têtes pensantes n'a trouvé l'idée révolutionnaire pour donner un nouvel élan à la petite reine sans toucher à ses fondamentaux. La suppression des oreillettes, la réduction du nombre de coureurs par équipe comme le changement des formats de courses ont été testés épisodiquement sans pour autant trouver un prolongement auprès de l'UCU. En attendant, les amateurs de vélo se contentent d'étapes cadenassées avec un scénario cousu d'avance. La même problématique se pose pour les équipes de Cyanide avec leur licence Pro Cycling Manager, d'une redoutable efficacité mais qui peine chaque été à se renouveler.

Rendez-vous en terre connue

Depuis juillet dernier, les développeurs français ne pensent qu'à ça, et en cas de légère distraction, l'environnement - mises à jour, revendications de la communauté - est là pour leur rappeler qu'ils ont du pain sur la planche. PCM vampirise leur vie : il s'agit d'écrire une nouvelle page qui se voudrait idéalement différente des autres. Mais en tant que fidèle qui a roulé sa bosse sur la série, il est très facile de prévoir ce qui va s'y produire et de dessiner le plan à l'avance. On pourrait, nous aussi, ne pas se fouler et affirmer que ce cru 2017 n'est qu'une version dopée de l'épisode précédent. Et donc nous référer directement au test de Pro Cycling Manager 2016 en listant les features qui émargent sur le communiqué de presse. Mais ce serait mal nous connaître, et surtout négliger le travail invisible du studio francilien.

Car, même si les nouveautés sont aussi chiches qu'une attaque franche de Nairo Quintana, elles ont pour mérite de rendre l'expérience de jeu toujours plus crédible. Beaucoup plus exhaustive que sa petite soeur, Tour de France 2017, disponible sur consoles, Pro Cycling Manager souhaite faire toucher à un être humain la folie furieuse d'incarner un directeur sportif. Un rôle à multiples facettes (recrutement, négociation des contrats, gestion du calendrier et des sponsors) dont on apprend la difficulté au fil des tâches à devoir exécuter en course comme pendant les périodes d'inactivité. La force de ce système ? L'adaptation en temps réel aux évènements afin d'avoir toujours un coup d'avance. Un mélange de réflexion et de connaissance du sport qui fait merveille. Le talon d'Achille ? Peu d'éléments de gameplay sont ajoutés d'année en année, donnant à la stratégie de Cyanide des airs d'épicier. Les menus ont été un poil optimisés, l'interface à peine retouchée par des artifices cosmétiques, mais les rodés à l'exercice (re)partiront en terrain connu dès les premiers kilomètres.

Petit braquet, gros plateau

C'est sur le bitume que l'on voit les progrès XS de cette itération. Ainsi, les développeurs ont pointé le curseur sur la gestion du rythme, la vitesse des coureurs et la variation de l'effort. Pour cela, ils se sont appuyés sur des données scientifiques issues d'études poussées (nombre de watts, valeurs physiologiques...) pour les retranscrire du mieux possible dans leur moteur de jeu. On aurait pu penser cette inspiration pompeuse, mais cela donne des courses plus réalistes avec notamment la prise en compte des dénivelés, qui permet de ressentir tout le poids de la course dans les phases critiques. D'autant que le jeu tourne toujours aussi bien, les animations de nos forçats de la route comme les éléments extérieurs à la course respectant la charte des retransmissions TV. Bien sûr, PCM ne serait pas PCM sans son lot de bugs techniques et de crashs en pleine partie. Mais c'est le prix à payer pour avoir une expérience aussi complète.

Toujours aussi connecté à la saison actuelle, le studio n'a pas manqué d'observer que n'importe quel moyen était bon pour se créer des opportunités de victoire et que les stratégies à adopter bouillonnaient dans la tête des managers. Il est désormais possible de prendre les commandes du peloton et de l'étirer en assurant le tempo pour mettre certains coureurs dans le rouge ou placer votre leader dans les meilleures dispositions possibles en vue de l'arrivée. De manière générale, l'IA a été développée de sorte à prendre des décisions en fonction du profil de l'étape, des statistiques des athlètes et du classement général. C'est donc de plus en plus rare de voir des situations effarantes, surtout dans le cyclisme d'aujourd'hui où la prise de risques est réduite à peau de chagrin.

Mieux routard que jamais

Des petites choses pourraient néanmoins hérisser les poils des plus avertis : la passivité des gros bras en montagne, le fonctionnement des sprints massifs et la difficulté à maintenir sa position dans le peloton sans manier l'effort curseur pour se replacer. Le train imposé par nos petits copains pour nous emmener dans un fauteuil apparaît comme un poil bancal, et l'on se retrouve livré à nous-mêmes au milieu des spécialistes de la dernière ligne droite. Des scories que les développeurs ont promis de corriger en 2018, qui se veut être l'année du changement pour la licence.

En attendant, ceux qui ont craqué pour cet opus de transition pourront se faire les cuisses sur le mode "Pro Cyclist", dernière lubie du studio francilien qui grimpe sur la tendance actuelle des simulations sportives, à savoir de se glisser dans le cuissard d'un coureur lambda pour le couvrir de bouquets, de gloire et être invité sur le plateau de Stade 2. Un concept qui manquait clairement de profondeur dans les épisodes précédents. On était limité à donner des ordres sommaires à nos coéquipiers. Un strict minimum. On peut maintenant créer un système d'objectifs en course adaptés à son rôle dans l'équipe. Le fait de réussir ces challenges va permettre de progresser, d'obtenir un rôle plus important et de signer, pourquoi pas, dans une armada plus prestigieuse. On peut également assigner des objectifs précis à chacun de nos ouailles par période, adapter leur préparation en fonction et donc déterminer les pics de forme sur toute la saison. Un effort de souplesse même si l'on ne peut toujours pas sélectionner ses leaders. Niveau exploration du mode, sur une échelle de 0 à Mike Horn, disons que PCM se situe à 3. Les développeurs n'ont pas exploité toutes les possibilités, courant un peu à l'économie, comme s'ils en gardaient sous la pédale pour les prochaines échéances.

Même les plus tatillons sont capables de fermer les yeux sur cet immobilisme si le multijoueur demeure suffisamment jouissif. C'est sûrement la grosse amélioration de cette cuvée 2017. Il est toujours possible de s'organiser des saisons complètes, le choix restant vaste, entre les tours complets, les courses simples et même les épreuves sur piste. On peut désormais former des clans et rejoindre les membres de la communauté pour organiser ses propres compétitions, discuter et comparer ses résultats... Un peu dans l'esprit de l'application "Strava", pour ceux qui ont le courage d'enfourcher leur monture "in vivo". Malheureusement, des soucis d'interface et des problèmes techniques plombent un peu le plaisir. Un sentiment qui prédomine au moment de rendre un verdict sur ce Pro Cycling Manager 2017, dont on peut regretter de jouer aux montagnes russes avec notre petit coeur de passionné. Le reste de la caravane, prise de vertiges, aura, elle, déjà renoncé. Rendez-vous donc en juin 2018 pour la grande bataille des Alpes après cette étape de plaine, qui fait la transition entre deux massifs montagneux.