Il faudra un jour saluer à sa juste mesure le travail colossal abattu par Focus et Cyanide pour redonner à la petite reine ses lettres de noblesse. Depuis plusieurs années, ces deux entités s'attachent à montrer une autre image du vélo que celle que les médias nous rabâchent à longueur de temps, à savoir celle des piqûres, des pilules et maintenant des moteurs. Le dopage, humain comme technologique, est certes un fléau mais le cyclisme reste avant tout un sport d'abnégation et de courage. Et du courage, il en a fallu pour venir à bout des premières étapes de la série Tour de France tant le studio de développement a eu toutes les peines du monde pour proposer à ses fidèles un menu ni ennuyant, ni indigeste sur consoles de salon.

Pas facile en effet de prendre la roue du surpuissant Pro Cycling Manager lorsqu'on est amputé dès le départ de ses meilleurs arguments. Car au contraire de son champion de grand frère, TDF 2016 offre la possibilité à ses adeptes de prendre les commandes non pas d'un manager mais d'un coureur pour s'imposer sur les Champs-Elysées après trois semaines d'effort. On laisse donc le côté gestion sur le bord de la route pour se concentrer sur l'aspect purement course, ce qui rend le titre moins exhaustif mais plus accessible au commun des mortels.

Une simple piqûre de rappel ?

Ce dernier ne sera pas surpris de retrouver dans cette nouvelle édition ce qui a fait le sel des épisodes précédents : un système de gameplay intuitif avec un mix entre touches d'action et de stratégie, une immersion très réussie dans le peloton et une interface bien fignolée. Il se frottera également à une réalisation qui manque de panache et à un contenu aussi maigrichon que la silhouette de Christopher Froome. Fort heureusement, les oreillettes de Cyanide tournent à plein régime et reçoivent les consignes données par leurs directeurs, en l'occurrence des mordus de la licence, qui n'hésitent pas à leur indiquer la marche à suivre pour surmonter les difficultés. Longtemps rallié pour son endurance quelconque (on en fait vite le tour), TDF 2016 s'est enrichi de nouvelles courses fictives -le Circuit des Grimpeurs et le Tryptique Tour- afin de mieux s'attaquer au plat de résistance (Tour de France 2016) et d'un mode MyTour qui permet de concevoir sa propre compétition en choisissant le profil du parcours, façon Christian Prudhomme.

Quant aux frustrés qui n'auraient pas le bonheur de se plonger dans l'enivrant Pro Cycling Manager, ils pourront toujours se consoler avec le mode « Pro Team », un alter-ego moins fourbu que la référence du genre mais qui validera vos premiers diplômes de directeur sportif. A la tête de votre formation, vous devrez gérer son développement économique et la forme de vos protégés pour atteindre les objectifs fixés par votre sponsor. Un sponsor exigeant qui vous demandera de constituer la meilleure armada possible avec les fonds disponibles et de passer par la case recrutement. Vous commencerez donc par engager des jeunes pousses prometteuses pour effectuer vos classes avant de débloquer les grands leaders du circuit Pro Tour. Cerise sur le gâteau (sans gluten) pour ceux qui ne se retrouvent plus dans le cyclisme moderne, les légendes de ce sport (Merckx, Hinault, Indurain,...) peuvent sortir du formol pour rééditer leurs exploits d'antan. Ce processus reste encore sommaire pour ceux qui voudraient jouer les managers en herbe, mais les fondamentaux de cette discipline sont au moins respectés. En attendant mieux...

De la tactique dans la pratique

Au premier abord, surtout quand on le regarde d'un oeil les pieds en éventail, le vélo c'est simple comme bonjour : le meilleur est celui qui appuie le plus fort sur les pédales. Mais ce serait décrédibiliser ce sport que de se limiter à ce mode de pensée tant les options de course se comptent en dizaines, une fois les fesses bien ancrées sur la selle. Tout l'art d'une bonne simulation de cyclisme repose donc dans ce subtil dosage entre accessibilité et puissance tactique pour intéresser les partisans de la sieste pendant les étapes du Tour à s'intéresser au titre. Les mécaniques ont été ainsi peaufinés, se débarrassant du superflu pour devenir plus fluide et intuitif. Les développeurs ont ainsi renoncé au système de braquet, usant à la longue pour les nerfs et les doigts, pour un régulateur d'effort beaucoup plus souple. Même ligne directrice pour les ravitaillements, laborieux par le passé et qui se retrouvent grandement simplifiés afin d'éviter toute fringale malvenue. Nos courageux ont désormais à disposition deux types d'en-cas, un bleu pour l'endurance et un rouge pour l'effort intense (attaque, sprint). A vous de jongler entre les deux sachant que vous n'aurez plus besoin de faire votre choix de munitions en début d'étape et que votre musette sera automatiquement remplie une fois la zone de ravito atteinte.

Tous ces éléments, mais également l'effet d'aspiration et le sens des trajectoires, s'inscrivent dans ce souci de réalisme et cette dimension stratégique, souhaités par notre studio de passionnés. D'autant que l'intelligence artificielle de nos équipiers et adversaires tiennent plutôt bien la route. Dans le même ordre d'idée, existe désormais les possibilité de jeter son vélo sur la ligne d'arrivée pour "gratter" quelques dixièmes précieux lors d'un sprint ou d'appeler son mentor pour recevoir des instructions pertinentes sur la suite de l'étape. Des actions qui nous allouent une belle variété de plaisirs et nous évitent des sommets d'ennui pendant la course, ce que l'on pouvait redouter lorsqu'il s'agit de rallier un point A à un point B en vélo. Et si toutefois, Morphée guettait à l'horizon, vous pouvez toujours accélérer le temps pour atteindre directement les moments-clés de l'épreuve.

Chute graphique à l'arrière ?

Cette évolution technique ne s'accompagne malheureusement pas d'un coup de polish. Ou alors d'un mécanicien pressé ou pas vraiment doué. S'il reste délicat de retranscrire l'ambiance festive du plus bel événement sportif, avec tout ce que cela réclame en terme de détails à l'écran, on a toujours cette impression d'assister à un défilé de cyclistes de plomb dans des décors vides, bien loin des panoramas de nos belles régions vantés chaque été par les équipes de France Télévisions. Les coureurs se distinguent seulement par leurs maillots respectifs, leurs couleurs de peau ou leurs gabarits, plus ou moins affûtés selon leurs caractéristiques. Il reste donc des progrès à accomplir à Cyanide pour valoriser sa licence (équipes, étapes et sponsors officiels) et lui donner le cachet qu'elle mérite.

Parce que le Tour, c'est avant tout des histoires, des aventures humaines exceptionnelles, contées par des ménestrels enjoués. Et non pas par des commentateurs aux répliques monotones et automatisées, comme c'est le cas depuis le début de la série. Voilà donc une piste de travail à explorer pour les prochaines itérations comme la prise en compte de la météo, le comportement suspect des spectateurs au bord des routes ou l'impact aberrant des chutes dans le peloton. Des lacunes que l'on acceptait sur les générations précédentes mais avec lesquelles il est difficile de composer aujourd'hui. D'autant plus que des efforts ont été réalisés pour mieux coller aux situations de course avec des cadences de pédalage qui s'adaptent enfin à la pente et des animations globales plus réussies.

Les ajustements apportés sur cet épisode permettent aux aficionados de la Grande Boucle d'enfin ressentir l'adrénaline et les sensations de leurs chouchous. L'ambiance du titre, avec notamment cette variété d'option tactiques, mais également les nouvelles mécaniques de jeu participent grandement à cette évolution. Il reste néanmoins encore des aspects à améliorer pour donner plus de vie aux courses et suivre les meilleurs softs du genre parce qu'on ne sent pas encore Cyanide en surrégime. Mais avec ce Tour de France 2016, le studio est enfin arrivé à trouver le bon braquet (entre simulation et gestion) pour ne pas être décramponné par ses concurrents dans les pentes les plus ardues.