Bigby est colère. Il faut dire que ce qu'il vient de découvrir dans la chambre 207 de cet hôtel de passe n'a rien d'enchanteur. La photo qu'il tient dans sa main désigne avec limpidité un nouveau suspect numéro 1 dans l'affaire des meurtres de deux prostituées de la communauté de Fabletown. Avec un petit supplément d'obsession morbide qui n'appelle qu'une réaction : rejoindre immédiatement Blanche Neige. Ce volet, qui débute exactement là où le précédent s'est achevé, part sur un rythme tout à fait différent, créant un sentiment d'urgence inédit. Et jouant autant avec les nerfs du héros qu'avec ceux de la personne qui le commande.

A la croisée des chemins

Un timer. Le simple rappel d'un rendez-vous qu'il est nécessaire de ne pas manquer, non sans passer par trois cases obligatoires, l'ordre de visite déterminant la suite des événements. Cela n'a l'air de rien pour un titre du tonneau de The Wolf Among Us, on se dit que ce chrono est artificiel et qu'on aura forcément le temps de fouiller tous les endroits pointés par l'enquête, de discuter avec tous les personnages secondaires croisés, qui n'hésitent pas à savourer chaque seconde qu'ils nous font perdre... Que nenni. Ces phases de recherche du moindre indice permettant de serrer l'ennemi supposé de la communauté des Fables à une heure précise vont bien pourrir votre existence, ajoutant une tension assez inédite. Comme toujours, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises décisions - d'autant que le scénario retombe, vraisemblablement, toujours sur ses pattes. Il y a différentes manières d'incarner Bigby. Mais, pour la première fois, que l'on ait tendance à maîtriser ses pulsions ou non, que l'on expédie chaque rencontre ou que l'on s'attarde sur un dialogue pour, qui sait, obtenir du biscuit supplémentaire, on sent que son tempérament nous échappe.

Le loup ? Oui, c'est moi.

Et c'est peu de dire que le final de ce chapitre, assez magistral, lui permet de relâcher cette pression une bonne fois pour toutes, de faire éclater sa rage. Avec néanmoins un dernier rappel pour éviter de sombrer totalement dans l'agressivité totale. Ça soulagerait presque d'avoir été à ce point malmené, condamné par les impératifs temporels à négliger certaines séquences ou à "payer" des moments plus intimes avec certains personnages que l'on connaissait peu. Mais même si certains choix joueront sur un avenir plus ou moins proche, cela n'arrange pas nos affaires. De nouveaux noms surgissent, de nouvelles têtes se mettent sur notre chemin - dont une qui va, joliment, nous prendre la nôtre - et une nouvelle direction s'offre... avec quelques nouvelles certitudes mais surtout toujours plus d'interrogations concernant la suite... Aaaaaah, Rosebud !

Deux heures de très bon Telltale, voilà ce que propose cet épisode qui change quelque peu la donne. En nous mettant à la merci du sablier, on nous force un peu la main et nous laisse encore décider, pour Bigby, entre faire le job sans franchir la ligne jaune et se donner pleinement les moyens de terminer l'enquête, entre la bestialité et le désir d'être reconnu comme un membre d'une communauté. C'est bien mené, toujours aussi immersif - malgré les habituelles remontrances que l'on peut émettre sur les jeux Telltale récents - et cela ne laisse aucun doute : la fin va faire mal.