Les apparences sont trompeuses dans le petit monde des Fables. D'ailleurs, tout de leur présence à New-York n'est que dissimulation. Telltale le rappelle rien qu'avec le titre de ce deuxième chapitre. C'est bien un "écran de fumée" qui empêche Bigby de savoir ce qui se passe dans sa juridiction. Un voile fait de mensonges, de vices et secrets bien gardés. Déjà deux meurtres sur les bras. Autant de têtes déposées sur le pas de sa porte. Par qui ? Pourquoi ? Quelle piste suivre ? Un interrogatoire du personnage interpellé dans le précédent épisode va sûrement aider à y voir plus clair. Là se pose le premier choix. Ou plutôt la première tentation : faire parler les instincts primaires, la force et l'intimidation, voie ô combien facile et séduisante, ou garder la tête froide ? Quoiqu'il arrive, votre investigation va se trouver vite chamboulée par un événement pour le moins inattendu.

Loup y es-tu ?

La suite, toujours grandement guidée, bien qu'il soit nécessaire de bien farfouiller et faire le lien entre différentes pièces à conviction à un moment donné, vous voit démêler quelques-uns des noeuds de l'intrigue générale. Et en découvrir d'autres, tout aussi intrigants, notamment dans les derniers instants, qui remémorent à quel point la diffusion épisodique - la présence du générique aide à vivre la chose comme une série télévisée - est cruelle pour le coeur. Un constat se dresse : la partie purement ludique paraît bien plus en retrait. Pas d'énigmes à résoudre pour avancer, deux très maigres séquences d'action... L'aspect "jeu de rôle" prend largement le dessus. L'idée directrice - imprimer le comportement souhaité au héros suivant les options proposées - prédomine. Et que ce soit face à ce sadique de Barbe Bleue (qui profite de la voix de Dave Fennoy, a.k.a. Lee Everett), l'agaçant Jack, un odieux maquereau, un enfant apeuré, une personne en deuil, une épouse cachottière ou un mari au sang bouillant, il faut tenir compte de ceci : "il/elle s'en rappellera". Et cela pourrait vous aider ou vous porter préjudice sur le long terme.

Qui se fait brebis...

Si le côté interactif ne fait pas le sel de cet épisode, et que l'on regrettera probablement une durée raccourcie (comptez deux heures maximum), il n'en demeure pas moins que l'exploration de cet univers, mariant protagonistes de contes de fée et polar, continue d'exercer un vrai pouvoir de fascination. D'abord parce les développeurs continuent de creuser un sillon très sombre, sans concession sur le plan de l'image (hémoglobine, membres tranchés et nudité au programme). Ensuite parce que l'écriture s'avère aiguisée, laissant le/la joueur/joueuse les bras ballants face à certaines situations ou dialogues. Enfin parce que la réalisation stylisée presque sans faille et l'atmosphère phénoménale visent juste. Plus court que son prédécesseur mais assez dense pour donner l'impression de progresser à tous les niveaux, moins pressé mais salement oppressant, ce Smoke & Mirrors aux allures transitoires augure une tempête dans les crânes pour la suite. Une tempête qui, on l'espère, ne mettra pas quatre mois avant de venir souffler sur nos maisons.

Toujours aussi beau et prenant, moins mouvementé pour les doigts car davantage focalisé sur le for intérieur de Bigby, ou plutôt le vôtre, Smoke & Mirrors donne l'impression de s'amuser avec nous. En nous offrant sans cesse la tentation de laisser s'exprimer le loup qui est en nous. En nous baladant avec des fausses pistes ou des révélations coup de poing. Telltale semble bien maîtriser son sujet et savoir comment nous tenir en haleine. Ceux que la formule attire et qui n'ont aucun problème avec l'anglais n'auront aucune chance de ne pas apprécier - et continueront de ronger leur frein en maudissant l'aspect épisodique.