A quoi bon chroniquer le dernier Football Manager 2014 ? C'est la question que m'a posée mon cercle d'amis, convaincu, après avoir enchaîné les vannes sur mon apparence zombiesque, que ce cru 2014 n'aurait pas besoin de moi pour se vendre. Bon, il n'a pas tout à fait tort. Cette licence a une telle communauté, un tel public de fétichistes aux réflexes étranges, que l'avis d'un footeux lambda parait bien obsolète au regard de l'attente suscitée par cette substance dont il est difficile de décrocher. Les équipes de Sports Interactive pourraient ne rien changer à leur formule d'une année sur l'autre, simplement mettre à jour leur impressionnante base de données, que le succès serait toujours au rendez-vous. Dénicher la dernière perle mise en valeur par les scouts et s'en vanter auprès de ses potes n'a pas de prix.

Une preuve de cette tendance old-school ? Le moteur 3D, encore amélioré, qui demeure un sacrilège pour les anciens, préférant encore jouer avec des grossiers pions aux déplacements plus réalistes. Car on ne joue pas à Football Manager pour son animation des matches en direct, pas plus que pour son immersion graphique. Pour ça, FIFA ou PES font le boulot. Mais alors pourquoi est-on happé par ces austères tableaux Excel et ces lignes de code effrayantes ? Parce que chacun trouve ce qu'il veut dans ce titre à la richesse infinie. Parce qu'un rien nous donne envie de (re)plonger dans cette simulation de gestion footballistique. Le fantasme de voir une équipe française remporter la Ligue des champions, le besoin vital d'aider ton club de cœur à redorer son blason, la jouissance de découvrir un talentueux péruvien et de le mener au sommet... Bref, toutes les raisons sont bonnes pour essayer de comprendre le monde du foot de l'intérieur.

Un sport de com

Parmi les irréductibles, qui refusent de céder aux avances de cette maîtresse exigeante et inépuisable, Miles Jacobson et ses ouailles ont apporté plusieurs modifications pour répondre aux pointilleux retours des joueurs. Bien sûr, s'engager dans une partie de Football Manager représente un investissement considérable en temps, en concentration, en minutie... et en junk-food. Le jeu offre un menu si copieux qu'il se révèle très long et compliqué d'en dégager toute la pulpe. Alors on tâtonne, avant d'apprécier chaque minute, chaque décision. Pour coller à un marché en constante évolution, Football Manager 2014 dispose d'un module de transferts entièrement remanié avec les dernières clauses du monde professionnel incluses. Celles qui régissent les étés et hivers de cette génération perdue. Car, il ne faut pas se mentir, avec ce titre, le mercato dure 365 jours. Alors, il vaut mieux soigner ce domaine qui tourne parfois au mélodrame dans la réalité. On peut désormais négocier un transfert en "live", via un système au tour par tour intelligent.

De manière générale, l'interaction avec le staff et ses joueurs a été poussée à l'extrême dans cet épisode. Le foot est devenu un vrai métier de communication, et chaque occasion est bonne pour se mettre dirigeants et supporters dans la poche. Les questions en conférence de presse sont beaucoup plus variées et n'évoquent pas forcément les résultats ou la forme de vos protégés. La négociation des contrats inclut désormais les exigences des supérieurs hiérarchiques, alors que vos adjoints peuvent donner leur avis sur les performances des jeunes de l'équipe réserve. Des réactions plus réalistes que l'on doit aux compétences d'entraîneurs bardés de diplômes, consultés par Sports Interactive. Mais le premier changement qui se voit à l'œil nu concerne l'interface, avec une mise en page personnalisable via des raccourcis et la fonction zoom in/ zoom out.

Le sens du détail

Pourtant, la nouveauté la plus appréciable de cet opus se rapporte aux consignes individuelles, qui sont désormais plus faciles à donner pendant les rencontres. Et celles-ci ont une influence plus profonde sur le déroulement de la partie. Peut-être est-ce la vérité du moment, mais j'ai également constaté une meilleure IA des managers adverses, qui s'adaptent à la moindre de vos décisions tactiques. Voilà pour déblayer le terrain des améliorations constatées en dix jours de jeu, mais il faudrait au moins trois calepins à spirales pour noter tous les détails qui enterrent définitivement la version précédente. D'ailleurs, ceux qui n'ont pas nécessairement le temps ou l'envie de gérer leur club de A à Z pourront se rabattre sur le mode classique, qui est au mode normal ce que le coca zéro est au coca. Le goût est présent mais sans les aspérités qui font tout son charme. Si l'on peut désormais sélectionner plus de trois pays au début de sa partie, le contenu reste allégé au niveau des entraînements, causeries et transferts. Et il est toujours possible de simuler les matches (obtenir le résultat directement). Fabrizio Ravanelli, entraîneur aux méthodes douteuses à Ajaccio, aime ça.

Laurent Michaud, consultant et directeur des études en charge des loisirs numériques à l'IDATE, confiait dans l'Equipe son inquiétude quant à l'avenir de Football Manager. La série devait évoluer avec son temps pour ne pas être uniquement prisée par son public de fidèles et intégrer la branche des companion games. Message entendu par les développeurs. Via des sauvegardes sur le Cloud, les convertis pourront continuer leurs carrières sur des ordinateurs différents. Ou sur PS Vita dès le 26 novembre prochain... à condition de posséder le jeu sur les deux supports. A noter enfin que les Linux User pourront, pour la première fois, se délecter de toute la richesse qu'offre un Football Manager Après tout, il n'y a pas de raisons que cette minorité ne fasse pas elle aussi une croix sur sa vie sociale.